Sandawe face à MyMajorCompany BD…

Il y a peu, le groupe Média Participation annonçait son alliance avec MyMajorCompany (la fameuse communauté permettant le financement d’artistes musicaux grâce aux internautes) pour la création de MyMajorCompany BD.

Certains ont vu l’apparition d’une telle machine de guerre dans le domaine du financement participatif de bandes dessinées comme la mort de la maison d’édition Sandawe, pionnière dans le domaine (leur site avait été lancé en janvier 2010).  Néanmoins, c’est un tout autre sentiment qui ressort de l’interview de Patrick Pinchart, le directeur éditorial de www.sandawe.com.

Est-ce que l’arrivée de Media Participation dans le domaine du financement participatif vous a fait craindre pour l’avenir de Sandawe ?

Une chose est sûre, c’est que l’on ne voit pas l’arrivée de MMC BD comme un adversaire qu’il va falloir combattre. On n’a d’ailleurs jamais voulu non plus se positionner comme adversaires d’éditeurs professionnels, même si au début, certains nous disaient que notre idée tenait du génie et que notre système allait faire disparaître les éditeurs traditionnels. Il faut aussi signaler que beaucoup d’autres nous prenaient pour des illuminés …

En tout cas, en ce qui concerne l’arrivée de l’alliance entre Media-Participation et My Major Compagny dans le monde de la BD, nous connaissions l’information depuis longtemps et c’est une annonce qui nous a plutôt réjouis. On peut même parler d’une espèce de soulagement. Je m’explique : lorsque nous avons mis sur pied Sandawe, nous étions les premiers à faire ce genre de choses, et pendant longtemps, nous ne savions pas si nous étions partis dans une bonne direction ou non. Le fait qu’un groupe de l’ampleur de Media Participation nous suive dans ce type d’aventure a prouvé qu’on ne s’était pas trompés et que cette voie était intéressante à suivre pour toute une série de raisons.

Les comparaisons entre les deux systèmes ne vont pas manquer de se faire. Quels sont vos avantages chez Sandawe par rapport à un gros groupe comme celui de  Media Participation ?

D’une part, on sait que les projets ne recouvrent pas exactement les mêmes réalités chez eux et chez nous. Les éditeurs de Média Participation choisissent dans les livres qu’ils ont déjà l’intention d’éditer ceux qui vont figurer dans la liste des livres proposés aux internautes. Néanmoins, l’album qui aura été sélectionné pour être proposé aux internautes sortira quoi qu’il arrive, c’est-à-dire même si les internautes n’ont rien investi dans ce projet. Ce qui n’est pas notre cas, nous procédons à une sélection de projets mais ce sont ensuite les édinautes qui choisissent ceux qui vont aboutir. Le financement vient entièrement de leurs mises.

D’ailleurs, je ne sais d’ailleurs pas encore très bien comment MMC BD va rémunérer les édinautes… C’est déjà un sacré casse-tête dans notre cas, alors je pense que pour eux, ça va être encore bien plus compliqué.

D’autre part, on a appris avec le temps que notre système s’adresse aux amateurs de BD et pas vraiment à M. et Mme Tout le Monde, c’est un domaine plus ciblé que celui de la musique. C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place tout un système de  Bonus BD : des tirages sur toile, des ex-libris, des dessins inédits, des tee-shirts… offerts aux édinautes suivant leur degré d’investissement dans l’album choisi. En revanche, pour MMC BD, le seul bonus offert aux édinautes, c’est la version numérique de la BD. Ce n’est pas ce genre de système qui va intéresser les vrais amateurs de BD. Maintenant, peut-être que les MMC BD va récupérer les amateurs de disques qui vont être curieux et vont avoir envie de posséder la version numérique d’une BD dans laquelle ils auraient investi… mais je n’en suis pas sûr.

Sandawe : comment ça marche ?

Sur votre site internet, vous expliquez même qu’il est possible pour les édinautes de récupérer leur mise tant que l’album n’est pas financé à 100%.

Oui, c’est ce type de confiance entre l’édinaute et nous qui nous a donné le crédit que nous possédons aujourd’hui.

Si quelqu’un mise sur un projet et que celui-ci ne décolle pas, on permet à l’édinaute de récupérer sa mise, sinon, son argent est coincé. C’est peut-être risqué mais jusqu’à présent, ca a été très limité. On a eu quelques cas d’internautes qui avaient misé gros sur un projet puis, qui, pour raisons personnelles, ont eu besoin de cet argent et qui l’ont récupéré. Mais ces édinautes sont revenus investir dans un projet quand ils ont récupéré de quoi miser.

Quels types de mises entrent en jeu dans des systèmes comme le vôtre ?

Les édinautes peuvent miser dès 10 euros mais ça peut monter jusqu’à quelques milliers d’euros. Ils en parlent d’ailleurs sur les forums. Ces édinautes se voient comme des mécènes, ils apprécient surtout le fait d’être en contact direct avec les auteurs, de dialoguer avec eux, de suivre leur travail,… Ce qui n’est pas toujours facile à gérer pour les auteurs d’ailleurs, certains d’entre eux n’apprécient pas toujours les remarques formulées par les édinautes… Mais c’est très ponctuel et souvent les auteurs comprennent bien que ce n’est pas parce qu’une remarque est faite sur telle ou telle planche que tout le travail est remis en question ou que tous les internautes sont d’accord avec celui qui fait la remarque.

Je pense qu’une des difficultés à laquelle va devoir faire face MMC BD, c’est la notion de communauté dans le monde de la BD, c’est généralement une communauté assez réactive et il faut l’être aussi.

En conclusion ?

Ce qui nous rassure aujourd’hui, c’est qu’une grosse maison d’édition nous ait suivis dans notre idée, que finalement, le projet n’était pas qu’un rêve de doux dingues. En tout cas, aujourd’hui, avec le recul, on a appris beaucoup de nos erreurs et ce que nous retenons, c’est que les gens nous font confiance. Et les messages que nous avons reçus après l’annonce de la création de MMC BD nous prouvent que nous bénéficions d’un énorme capital sympathie. On est les pionniers, on a fait les choses correctement, on a réussi à financer six livres et on se rend compte que notre image est réellement positive.

Propos recueillis par V. D’Anna

— Vincianne D'Anna

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