Le prix d’un livre numérique : au coeur d’un débat houleux

En janvier dernier, une étude commandée par les ministères français de la Culture et des Finances relançait le débat du prix du livre numérique, très présent sur la Toile. Cette enquête intitulée « Les enjeux de l’application du taux réduit de TVA au livre numérique » préconisait une réduction de 40 % sur le prix de vente du livre numérique par rapport au livre papier.

Les auteurs de l’enquête justifiaient cette conclusion de la manière suivante : cette diminution, si elle est adoptée rapidement, pourrait lutter contre le piratage avant que cette pratique ne se généralise, tandis qu’un choix intermédiaire – une différence de prix de 30% entre les deux supports, ne suffirait à endiguer le piratage qui représenterait 6% du marché.

Mais de quoi est-il réellement question ici ?

Tout d’abord, du développement de la lecture numérique. Pour le moment, les prix des livres numériques sont loin de s’aligner sur ces recommandations. On estime actuellement l’écart moyen entre un livre papier et le même texte au format numérique en Europe entre 15 et 30%. Or les lecteurs réclament des prix démocratiques. Il est parfois invraisemblable pour ceux-ci d’acheter un livre numérique plus cher que son équivalent au format de poche parce que l’éditeur original s’est aligné sur le prix de vente du grand format papier. Un obstacle qui peut rebuter les lecteurs potentiels bien conscients qu’un livre numérique ne supporte pas les coûts du papier et de l’impression ainsi que de la gestion d’un stock.

Si l’on se questionne sur le point de vue de l’éditeur, il convient de différencier les éditeurs traditionnels des éditeurs pure-player (100% numériques). Les premiers se soucient encore énormément du maintien de leurs ventes au format papier malgré l’incertitude économique ambiante et conserveront un écart de 15-20 % entre les formats papier et numérique. Les autres, par contre, n’hésiteront pas à casser les prix pour convaincre les lecteurs d’utiliser l’ebook. Mais, entendons-nous bien : de tels prix attractifs ne suffiront pas, à l’échelle du marché actuel, à rémunérer le travail de l’auteur et de son éditeur. Une stratégie qui risque de se retourner contre ces éditeurs s’ils ne réévaluent pas ce modèle économique peu viable à long terme.

Même distinction au niveau des auteurs. Les écrivains représentés par la SCAM réclament des conditions de rémunération proportionnelles et au moins équivalentes à celles perçues au format papier, peu importe le prix de vente. Les auteurs numériques auto-publiés ou non, bien conscients des réalités du marché, se révèlent heureux quand on ne leur reproche pas de vendre leur livre à 2 euros.

La position des libraires est plus floue. Mis à mal par la vente à distance, ceux-ci pourraient néanmoins tirer leur épingle du jeu pour autant que la taxation n’entrave pas leurs capacités d’investissement et d’anticipation des changements escomptés. Ceux-ci demeurent néanmoins inquiets face à une baisse significative du prix du livre numérique et de son impact sur le prix en librairie.

Enfin, les divergences de points de vue sont telles que le débat sur le prix des livres numériques semble loin d’être conclu. Suite au prochain numéro…

— Stéphanie Michaux

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Stéphanie Michaux

Digital publishing professional