Le prêt numérique dans une bibliothèque belge ? C’est déjà une réalité

« Peu importent le support et l’endroit, l’important c’est que les gens lisent !»

Véritable précurseur en matière de lecture numérique, Philippe Coenegrachts, directeur de la Bibliothèque des Chiroux (Liège), nous a fait le plaisir de répondre à quelques-unes de nos questions sur son offre digitale.

D’où vous est venue cette envie de proposer du numérique à vos lecteurs ?

Nous suivons l’actualité et allons à des colloques organisés par la Fédération Wallonie-Bruxelles où la thématique du numérique fait sans cesse et de plus en plus parler d’elle. Nous avons pris le parti d’essayer d’être à la pointe dans ce domaine afin de pouvoir conseiller au mieux les bibliothèques locales de la Province de Liège. Nous avions d’ailleurs déjà joué ce rôle lors de l’arrivée des livres-audio.

Comme nous avons la chance d’être une grande structure et de disposer de moyens suffisants pour pouvoir expérimenter les innovations, nous nous sommes donné pour mission de partager nos réflexions sur les intérêts que présente telle ou telle nouveauté.

Quel service offrez-vous aux lecteurs numériques et depuis combien de temps ?
La bibliothèque des Chiroux propose depuis le 1er octobre le prêt de liseuses (Sony Reader). Au départ, nous n’en avions que huit, mais vu le succès de la formule, nous avons décidé d’en commander dix supplémentaires qui seront en location à partir d’avril.

Nous les fournissons préchargées avec 230 ouvrages issus du domaine public pour une durée de 15 jours. Cette période est vraiment courte pour pouvoir explorer toutes possibilités de la liseuse, c’est pourquoi nous allons faire évoluer la durée du prêt à un mois. De plus, ce laps de temps correspond à celui du prêt des livres format papier. Le prêt est entièrement gratuit et nous ne faisons payer aucune caution. Par contre, si l’utilisateur abîme l’appareil, il doit dédommager les dégâts.

Afin de diversifier l’offre numérique, nous nous sommes également abonnés à BiblioVox (depuis le 1er novembre 2011). Cette plateforme permet aux abonnés du réseau local liégeois de la lecture publique de lire en streaming les quelque 9500 titres de son catalogue. Il n’y a pas de limite de lectures simultanées, ce qui présente de réels avantages pour une bibliothèque telle que la nôtre. En plus de cela, BiblioVox est accessible sur tous les supports.

Vous parliez de succès, mais dans quelles proportions ?
L’expérience « liseuses » est un véritable succès, d’ailleurs la liste des réservations ne cesse de s’allonger. Les gens viennent les tester grâce aux prêts coordonnés par la bibliothèque, ensuite les plus convaincus vont en acheter eux-mêmes. Les vendeurs de reader en témoignent et saluent d’ailleurs notre rôle de prescripteur. À terme, c’est-à-dire quand nous aurons réussi à aider les gens à passer au numérique et que ceux-ci se seront habitués aux liseuses, nous arrêterons probablement d’en prêter.

Quant à l’offre en streaming BiblioVox mise à disposition par les Chiroux, elle commence à se faire connaitre : 200 de nos lecteurs se sont déjà inscrits à ce service. Actuellement, il est trop tôt pour tirer des conclusions, de plus, nous n’avons pas encore réalisé d’enquête de satisfaction. La seule chose qui est certaine, c’est que ceux qui s’y sont inscrits utilisent ce service.

Concrètement quel travail cela représente-t-il pour les bibliothécaires des Chiroux ?

À chaque fois que les liseuses nous reviennent, on les vide complètement parce que, comme on les prête avec le câble, certains utilisateurs téléchargent eux-mêmes des lectures complémentaires. On préfère les remettre à zéro pour ne pas laisser certains contenus dont nous ne sommes pas responsables.

La dimension de conseil de lectures numériques n’est pas encore aboutie aux Chiroux. C’est un phénomène trop récent ! Par contre, nous participerons à la semaine du numérique en proposant des formations et en fonction du succès rencontré, nous en proposeront peut-être d’autres.

Quelles autres options avez-vous envisagées pour passer au numérique ?
En plus du prêt de liseuses et l’abonnement à BiblioVox, nous proposons aussi un accès à un deuxième fournisseur : Numilog. Son fonctionnement est différent de celui de BiblioVox, puisque dans ce cas-ci, la lecture ne se fait plus en streaming, mais par téléchargement. La bibliothèque achète un exemplaire de l’œuvre et lorsqu’un utilisateur le loue, le livre n’est plus accessible aux autres lecteurs. La durée de ce prêt est de un mois. Cette formule présente le grand avantage d’offrir une lecture accessible tout de suite et partout.

Qu’est-ce qui fait la force des liseuses ?

C’est un outil précieux, et ce, au même titre que les CD, les DVD ou encore les livres et les revues. Elles diversifient l’offre. À nous maintenant, professionnels de la lecture, d’analyser les usages que vont en retirer les utilisateurs. D’ores et déjà, on remarque que la liseuse est un superbe outil pour les malvoyants et les personnes âgées, car elle apporte de nouvelles options appréciées telles que l’agrandissement et la bonne définition des caractères ainsi que la luminosité réglable à souhait.

Quelles sont, selon vous, les raisons qui peuvent freiner certaines bibliothèques face aux possibilités du numérique ?
Les coûts. Vous savez, payer 3500 € par an est tout simplement impensable pour les petites bibliothèques qui disposent de très peu de moyens financiers. En plus de cela, le modèle commercial n’est pas encore fixe. Le côté technique peut également effrayer certains bibliothécaires. Je soutiens pourtant que passer au numérique avec BiblioVox et Numilog est relativement simple puisque ces organes sont extérieurs à l’établissement. Enfin, il y a la peur de voir se vider les bibliothèques. À cela, je réponds que ce qui est important ce n’est pas que le lecteur vienne dans notre établissement, mais bien qu’il lise ! Cela fait partie de nos missions…

— Stéphanie Michaux

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Stéphanie Michaux

Digital publishing professional