David D. Forrest, un auteur autoédité en numérique

David D. Forrest, ce nom ne vous dit peut-être rien et pourtant, cet auteur est l’un des plus lus au format numérique, car oui, on peut être un auteur autoédité au format numérique et connaitre le succès. Propulsé sur le devant de la scène grâce à son titre « En série – Journal d’un tueur» téléchargé à plus de 15.000 exemplaires, David D. Forrest a eu la gentillesse de répondre à nos questions.

Je n’avais pas prévu d’être auteur. J’ai mis deux ans à terminer mon premier livre et je l’ai soumis à des personnes dont j’estimais le jugement. Cela leur a plu, ça m’a suffi et je les ai crues. Je n’avais pas envie d’envoyer ce manuscrit à un éditeur et j’ai décidé de le publier moi-même. Le contexte s’y prêtait et je me suis lancé dans l’aventure sans jamais le regretter. Depuis, j’ai été approché par des éditeurs traditionnels, mais l’autoédition me convient très bien. Aujourd’hui tout est devenu très simple. Grâce à des systèmes comme le Kindle Direct Publishing, je peux publier en 48 heures mes textes, fixer mon prix de vente, etc.

Auteur autopublié, comment percevez-vous le rôle de l’éditeur dans la chaine du livre numérique ?
Dans l’absolu, il y a peu de différences avec le rôle de l’éditeur dans la chaîne traditionnelle : un suivi éditorial permettant de lisser le texte, d’apporter une correction professionnelle, une mise en page carrée, d’assurer la promotion… Évidemment, tout cela est plus ou moins vrai j’imagine suivant les politiques des éditeurs et les contextes (nouveauté, back catalog…).

L’autoédition est complexe, il faut gérer tout cela soi-même et ne pas se leurrer : c’est plus difficile, aussi exigeant soit-on, à tous les niveaux. Il ne faut donc pas écarter ou « diaboliser » les éditeurs dans l’univers numérique, comme on le voit beaucoup ces temps-ci. Je suis de plus certain que les éditeurs traditionnels, lorsqu’ils auront totalement apprivoisé le secteur numérique, vont indubitablement y légitimer leur place.

Vous êtes distribué sur de nombreuses plateformes de téléchargements d’ebooks, comment gérez-vous cela ?
Pour l’iBookstore, la boutique Kobo (et donc Fnac.com) et quelques autres (Barnes & Noble, Sony, Diesel…), je passe par la même plateforme d’agrégation américaine, Smashwords. Je gère par contre en direct d’autres plateformes, comme Amazon, Youscribe ou Chapitre.com. Ça prend certes un peu de temps à suivre, tout ça, mais rien d’impossible, tant qu’on est organisé.

Pourriez-vous nous en dire plus sur Smashwords ? Quels sont les avantages que ce service vous offre?
L’intérêt de la plateforme Smashwords est incontestablement la centralisation qu’elle m’autorise pour plusieurs boutiques à l’international. Mais l’organisation n’est pas forcément évidente. Les fichiers doivent être bien formatés, tout est en anglais, il faut également passer par l’IRS (le fisc américain) pour avoir un ITIN (numéro d’identification fiscale) afin d’être payé. Cela prend du temps et, même s’il n’y a rien d’impossible, ça peut s’avérer complexe, voire fastidieux. La tarification sur les différents territoires est aussi moins évidente, puisqu’elle doit se baser à la fois sur le dollar américain et sur les fluctuations de conversion de devises. Bref, il faut se plonger dedans, mais au final, cela permet d’être présent sur plusieurs plateformes plus difficiles, voire impossible d’accès autrement, en autoédition. Mais j’insiste : si ce n’est pas impossible, cela demande pas mal d’investissement personnel !

Quels conseils donneriez-vous à des auteurs qui veulent publier au format numérique?
Que c’est quelque chose qui se prépare, qui se réfléchit, ne serait-ce que par respect pour les lecteurs potentiels… et pour soi. Pour En Série, j’ai par exemple préféré présenter le texte à des lecteurs prioritaires que je savais impartiaux, voire très critiques. Si leurs retours n’avaient pas été encourageants, je ne serais pas allé plus loin. Même en autoédition, on ne propose pas un texte au public sans présélection objective – c’est une question de bon sens.  Il faut également présenter un texte techniquement aussi irréprochable que possible, même si des défauts, coquilles et erreurs, peuvent hélas persister, une difficulté de l’autoédition déjà évoquée.

Ensuite, lorsque le texte est publié, il faut savoir écouter les lecteurs, être humble et ne pas essayer de manipuler le public avec des techniques marketing douteuses qui ont hélas tendance à se généraliser sur les plateformes françaises, sur le même modèle que ce qu’on a pu voir aux USA. Cela ne dure heureusement pas, car les auteurs de ces pratiques y perdent forcément toute crédibilité.

Mais surtout, je veux insister sur le fait que l’autoédition n’est pas un nouvel Eldorado comme on l’entend trop souvent. Je pense même qu’il est plus difficile d’y trouver le succès qu’en librairie. Après tout, en librairie, le choix est moindre que sur des plateformes numériques avec des publications autoéditées, et il ne faut pas oublier que la très grande majorité des auteurs publiés ne gagnent finalement pas grand chose de leurs écrits. Sur les livres numériques, le choix est encore plus vaste, la concurrence plus étoffée, bref, il est bien plus compliqué de se faire repérer. Et même quand on a la chance de trouver un public, il ne faut pas croire non plus que cela rapporte tant que ça.

Mais à côté de ça, c’est aussi une chance pour chacun de s’exprimer et de faire découvrir ce que l’on fait. Si c’est là l’objectif d’un auteur autoédité, qu’il n’hésite pas. Si le but est de devenir riche et/ou célèbre, mieux vaut envisager un plan B…

Vous disiez vouloir rester un auteur autoédité ? Pourquoi ?
L’édition traditionnelle et l’autoédition ne sont pas incompatibles. On peut très bien être publié par un éditeur et avoir des textes à publier soi-même, soit parce qu’on y croit et que l’éditeur les a écartés, soit pour des raisons purement techniques – par exemple des nouvelles plus difficiles à amener en librairie. Et on voit aussi de plus en plus d’auteurs reconnus publier des textes en autoédition.

Aussi compliquée que puisse être l’autoédition, elle a aussi un attrait formidable, celui de laisser l’auteur maitriser toute la chaine de A à Z, de l’écriture à la promotion, de l’illustration au suivi des ventes. On est seul responsable du succès ou de l’échec. Ça a une vraie saveur… dont il serait dommage de se priver.

Quels sont vos projets ? Allez-vous rester dans un univers très noir et celui des romans et nouvelles ?
Je travaille actuellement sur un autre roman, un thriller également, mais avec une structure plus classique, même si je crois que l’histoire et ses évolutions peuvent réserver quelques surprises aux lecteurs… Ce nouveau roman devrait paraitre avant la fin de l’année, j’espère (je vous dirais bien « avant l’été », mais ce serait trop hasardeux…).

J’ai également d’autres projets en route, sur lesquels je préfère rester pour le moment discret. Et pas obligatoirement dans le domaine de l’autoédition… Mais chut !

Retrouvez David D. Forrest sur son blog.

— Stéphanie Michaux

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Stéphanie Michaux

Digital publishing professional