Immatériel, distributeur de livres numériques

Connu avant tout pour son rôle de distributeur, Immatériel s’est fixé pour mission d’assurer une circulation optimale des ebooks de ses 300 éditeurs dans une chaîne du livre en pleine mutation. Au-delà de ça, Immatériel, c’est aussi une boutique et un fournisseur d’outils pour les librairies et les bibliothèques. Rencontré au Salon du Livre de Paris en mars dernier, Xavier Cazin a évoqué avec nous l’histoire d’Immatériel.

Dans quelles circonstances Immatériel a vu le jour ?
A l’origine d’Immatériel, il y a surtout un concours de circonstances. Je travaillais à l’époque pour une maison d’édition, filiale d’O’Reilly France qui vivait ses dernières heures. J’avais eu l’occasion de travailler sur un projet de livres numériques pendant 6 mois et cela fonctionnait très bien. J’avais donc bien conscience qu’une demande existait. Après la fermeture de cette filiale, une remise en question s’est imposée. J’avais compris qu’il y aurait bientôt besoin d’intermédiaires entre les éditeurs et les revendeurs numériques. Or, à l’époque, personne ne s’était lancé là-dedans, on croyait à la « désintermédiation ». Nous, au contraire, on a fait le pari d’adapter la chaine du livre traditionnel. On a très vite développé dans le secteur des compétences que nous avons mises à disposition d’autres acteurs.

Quand avez-vous vu le marché réellement évoluer et se mettre en place ?
Quand l’iPad est arrivé, ce fut comme une secousse. Les éditeurs se sont mis à faire de l’ePub tout d’un coup. Ce fut un réveil pour nous aussi d’ailleurs. Nous nous sommes liés à l’interprofession. Nous avons négocié avec d’autres acteurs pour augmenter le nombre de canaux de distribution. Aujourd’hui,  nous distribuons quelque 300 éditeurs, aussi bien des petites maisons que des plus grosses structures.

En termes logistiques, que représente le travail de distribution d’Immatériel ?
C’est très simple, nous gérons trois flux principaux d’informations :

1. Les métadonnées
Celles-ci regroupent toutes les informations pratiques et commerciales des livres de nos éditeurs : les prix, le genre de livre, le nombre de page, etc. Ce flux d’informations est transmis en temps réel.

2. Le flux de contenus
Il s’agit du déplacement des fichiers (ePub, mobi, PDF) via notre propre entrepôt numérique. Dès modification dans le catalogue, nous synchronisons ces informations auprès de nos partenaires.

3. La facturation

Sur quel modèle économique fonctionne Immatériel ?
Lorsqu’un ebook est vendu, les revendeurs prélèvent 30% du montant. Immatériel prend 10% de commission ce qui laisse 60% pour l’éditeur.

En plus de cela, nous avons également des contrats de vente. Nous avons effectivement une boutique en ligne qui fait office de test. Nous ne sommes pas des libraires à la base mais nous avons du mettre en place des flux d’informations que nous avons dû tester d’où la boutique. Et il se fait que cette boutique fonctionne mieux que prévu et nous assure une certaine visibilité. Nous avons donc mis au point des contrats de revente avec des éditeurs que nous ne distribuons pas et nous offrons à présent plus de 60 000 titres sur cette plateforme.

Et que proposez-vous aux bibliothèques ?
Nous mettons au point des outils permettant la gestion de bouquets numériques. Les bibliothèques peuvent louer des ensembles de fichiers distribués par Immatériel  sous forme de streaming. Les utilisateurs n’ont qu’à s’inscrire sur le portail de la bibliothèque pour y avoir accès. En plus de cela, nous proposons également des offres mono-éditeurs comme Publie.net.

J’ai vu que vous aviez également mis en place des librairies en ligne pour Publie.net justement ou Vita Cogita.
Après avoir conçu notre librairie, d’autres ont fait appel à nous pour leur proposer des outils semblables. Nous l’avons fait sans en faire notre priorité. On trouvait que les sites des libraires n’étaient pas très performants et on voulait proposer quelque chose mais pour le moment le projet est encore en suspens.

Comment voyez-vous l’évolution du livre numérique en France notamment pour la librairie ?

Il dépendra énormément de l’équipement des gens et du sursaut des libraires traditionnels. Pour le moment, ils sont impressionnés par Apple et Amazon et ont peut-être l’impression qu’ils ne peuvent pas faire grand chose dans leur boutique. Néanmoins, ils peuvent s’associer avec des prestataires pour vendre des livres numériques dans leur magasin. Ils doivent continuer à faire leur travail de médiation, faire connaitre le catalogue des éditeurs. Il ne faut pas oublier que les lecteurs de livres numériques sont aussi des lecteurs de livre papier. Ils vont aussi dans des librairies pour être conseillés.

La librairie indépendante doit se fédéraliser pour ne pas perdre ses lecteurs et participer à la croissance du marché du livre numérique. Grâce aux liseuses, les libraires peuvent régénérer leur clientèle. Mais c’est vrai qu’ils ne sont pas aidés par les éditeurs. Nombre d’entre eux apposent des DRM ce qui occasionne un service après vente conséquent pour les libraires. Au final, certains éditeurs refusent les DRM et proposent une gamme de prix corrects comme Bragelonne, dont les nouveautés peuvent varier entre 9,99 et 12,99 euros et dont les livres de fonds sont commercialisés à 4,99 euros, une logique de prix qui correspond à ce que le lecteur numérique est prêt à mettre dans un ebook.

Pour moi, les plus grands défis résident surtout dans le fait de dépasser l’inertie des acteurs en place. Ils se rassurent en se complaisant dans des méthodes de pensée qui rassurent mais au final, chaque fonction de la chaîne du livre doit être remodelée.

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— Stéphanie Michaux

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Stéphanie Michaux

Digital publishing professional