Le livre en abonnement streaming, opportunité ou menace ?

Inspirées par les succès de Spotify et Deezer pour la musique, et de Netflix pour la vidéo à la demande (Netflix dont on annonce l’arrivée prochaine en Belgique), les offres de streaming ne cessent de se multiplier en matière de biens culturels. Dans ce domaine, les livres ne font plus bande à part puisque la startup newyorkaise Oyster vient de lever 14 millions de dollars pour une application mobile qui permet, via un abonnement mensuel, l’accès illimité à une librairie en ligne. Le concept semble donc avoir le vent en poupe. 2014 serait-elle l’année des offres d’abonnements en streaming pour le livre ?

Rappelons-le : le streaming est un mode de lecture en continu qui s’oppose à la diffusion par téléchargement. Le stockage des données chez l’utilisateur n’est donc que provisoire (le streaming demande une connexion permanente ou quasi-permanente). De nombreuses offres, permettant l’accès en ligne à des ebooks, ont été fondées sur ce mode de lecture, telles que Youboox et Storyplay’r en France, Cyberlibris en Belgique, Riddo au Pays-Bas ou encore 24symbols en Espagne. Ces plateformes proposent à leurs lecteurs des formules d’abonnements attractives.

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S’il ravit les bibliothèques et le public toujours mieux équipés et plus connectés, le streaming semble en revanche inquiéter l’industrie du livre. Redoutant un cannibalisme des ventes, tant papier que numérique, les professionnels craignent également la disparition de certains intermédiaires et l’omnipotence de nouveaux entrants.

Une nouvelle manière d’intéresser le lecteur d’aujourd’hui

Le streaming répond, selon Eric Stromberg, co-fondateur d’Oyster, aux besoins d’un nouveau public. Il amène une nouvelle manière de lire et, de ce fait, une croissance du nombre de lecteurs. Ayant gagné en popularité, le streaming engendre même une augmentation de la consommation annuelle de livres. Cette tendance peut s’expliquer par la facilité avec laquelle l’utilisateur entre en contact avec l’ebook. En quelques secondes, depuis son ordinateur, sa tablette ou son smartphone, le lecteur peut en effet accéder à de larges catalogues. Selon Stromberg, lorsque se pose la question du streaming, il faut donc avant tout penser aux lecteurs. Évoluant dans un monde où règne l’instantanéité, ceux-ci prônent dès lors des modes d’accès immédiats aux contenus culturels.

Ce penchant pour l’immédiateté se traduit concrètement par une augmentation significative, au cours des derniers mois, du nombre d’achats de tablettes et de smartphones. En Belgique, par exemple, les ventes de tablettes ont progressé de 65 % en 2013, ce qui représente 1,6 millions d’unités vendues. Cet équipement progressif de la population entraîne de nouveaux usages : les transactions en ligne, par exemple, ne cessent de croître, et représentent aujourd’hui 13,5 % des paiements effectués. Les éditeurs, parfois peu disposés à saisir les opportunités qu’offre la technologie actuelle, auraient dès lors tort de négliger ces revenus supplémentaires.

Un concept qui effraie mais qu’il faut envisager

Aux États-Unis, enthousiastes, de nombreux grands et moyens éditeurs ont déjà fait confiance à Oyster, tandis que d’autres restent sceptiques et se demandent si l’abonnement (streaming) constitue réellement un modèle viable sur le long terme.

À cette question, Tim O’Reilly, directeur d’O’Reilly, considéré comme une véritable référence dans le monde de l’édition numérique, répond qu’il faudrait être fou pour ne pas vouloir tirer parti du modèle de l’abonnement, lequel a déjà fait ses preuves dans d’autres domaines de l’e-commerce. Si ce modèle répond à de nouvelles habitudes de consommation, il génère également des marges importantes. Néanmoins, afin de préserver son indépendance par rapport aux sociétés tierces, O’Reilly, qui a confiance en son image de marque, n’a pas hésité à lancer sa propre offre de streaming sur son site. Cette stratégie a également été adoptée par d’autres éditeurs tels que F+W Media – voire par des consortiums d’éditeurs dont Izneo est un excellent exemple.

Avantages et opportunités vs. désavantages et risques

L’offre d’abonnement en streaming, proposée par Oyster, présente des avantages non négligeables aux yeux de certains acteurs du livre. En effet, grâce à ce procédé très apprécié des internautes, les éditeurs élargissent leurs publics et, par la même occasion, font croître leur chiffre de ventes. Le modèle constitue donc une véritable opportunité à saisir pour celui qui souhaite faire connaître son travail.

Cependant, les solutions de streaming actuelles, proposées par des sociétés tierces, restent encore très peu rentables pour les éditeurs. De plus, nombre d’entre eux sont peu enclins à proposer leurs contenus en streaming, de peur d’habituer leurs lecteurs à un service quasiment gratuit (coût marginal nul pour le lecteur). À ce problème, il faut également ajouter celui du partage des revenus et de la rémunération des auteurs. De même, le cadre juridique dans lequel s’inscrit ce nouveau modèle de lecture est actuellement incomplet (location numérique, prêt numérique, etc.).

Si la croissance du modèle de l’abonnement en streaming s’accélère et suit l’évolution constatée dans d’autres secteurs, il conviendra néanmoins d’être prudent et d’inscrire toute décision dans une stratégie numérique réfléchie et maitrisée.

À relire sur Lettres numériques :

— Stéphanie Michaux

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Stéphanie Michaux

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