Lit-on différemment un texte numérique ?

Aujourd’hui, on peut choisir de lire à l’écran – d’ordinateur, de tablette, de liseuse – ou sur papier. Mais lit-on de la même façon sur ces trois supports ? Qu’en est-il de la compréhension ?

Excellente question, que Sara Margolin (State University of New York) a mis à l’épreuve de la réalité. Conclusion de son étude « E-readers, Computer Screens, or Paper: Does Reading Comprehension Change Across Media Platforms? » : non, la compréhension à la lecture ne varie pas selon que celle-ci se fasse sur un écran d’ordinateur, une liseuse ou du papier! Que le texte soit de nature narrative ou informative, cette conclusion reste la même. Notons aussi que les lecteurs n’ont pas eu à mettre en œuvre de stratégies de compréhension spécifiques à cette fin.

Le philosophe Julian Baggini, pour le Financial Times, met cependant en évidence quelques caractéristiques propres à chacun de ces formats, en s’appuyant entre autres sur les études de Sara Margolin et Anne Campbell (Open University in Scotland). Les caractéristiques ci-dessous, par exemple, semblent susceptibles d’influencer le déroulement de la lecture et l’expérience qu’on en retire.

Il semblerait d’une part que la lecture sur écran, en tous cas sur une liseuse numérique basique, soit plus lente et que le lecteur ait plus tendance à se concentrer sur la trame dans l’ordre où l’auteur l’a organisé. Ces deux faits sont plutôt de nature à favoriser la compréhension et la concentration. Par contre, les allers-retours à travers le texte s’y font moins intuitivement, ce qui pourrait nuire à la mémorisation des informations.

D’autre part, sur une tablette ou un ordinateur, les distractions à portée de clic foisonnent. Ces distractions sont cependant autant de sources d’information, qui peuvent nourrir la compréhension du lecteur. Selon l’usage que l’on a de l’un ou l’autre support, la lecture sera plus ou moins efficace!

Quant au livre papier, notons que les lecteurs en âge d’avoir une expérience de lecture conséquente ont appris à lire sur du papier et ont construit leurs habitudes de lecture à partir de ce format. Les indices que ces lecteurs suivent pour se repérer dans leur lecture, et donc pour comprendre le texte, sont inextricablement liés au papier. Par exemple, à la lecture d’un roman policier, on s’attend à voir apparaître le coupable quand le tas de pages côté droit a fondu.

Plus généralement, les liseuses et écrans d’ordinateur, le plus souvent, portent à l’écran un texte initialement conçu pour apparaître sur papier. La norme n’est pas (encore) d’intégrer dans le texte toutes les possibilités de l’écran, ni de concevoir un texte en tenant compte de toutes ces possibilités. Peut-on dès lors comparer aujourd’hui la lecture sur ces différents supports ? Ou vaut-il mieux se contenter de choisir plutôt tel ou tel support selon l’usage qu’on en a et les habitudes que chacun développe?

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Crédit Photo: lesnumériques.com

— Sibylle Greindl

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