Nouveaux visages de l’édition

Whitefox est londonien et a trois ans au compteur. Trois ans passés à rassembler et à proposer les services de talents de l’édition à ceux qui peuvent en avoir besoin.


 

«Vous êtes excellent. Mais vous ne rejoindrez pas notre équipe… Nous ne pouvons pas nous le permettre. Mais nous voulons continuer à travailler avec vous, en freelance.»

Ces phrases, John Bond les a dites bien trop souvent à son goût dans ses fonctions de direction chez Harper Collins et Penguin Books. Ce sont aussi ces phrases, et la réalité qu’elles recouvrent, qui l’ont mis sur la piste de «Whitefox

Cette entreprise, il l’a lancée en 2012 avec Annabel Wright, aussi une ancienne de Harper Collins. Whitefox est une plateforme qui rassemble des professionnels indépendants de l’édition et structure leur offre de relecture, de correction, de graphisme, de relations publiques etc. Surtout, Whitefox les connecte avec ceux qui ont besoin de ces services : auteurs, maisons d’éditions, marques et institutions. De l’avis de John Bond, Whitefox est une «structure de travail pour le 21e siècle.»

La base de données de Whitefox compte environ 1300 freelancers. «Ces professionnels ne se rendent pas chaque jour dans un même bureau aux mêmes heures. Ils n’effectuent pas une même série de tâches sous les yeux d’un même chef.  Non, Ils disposent plutôt d’un portfolio de missions et de clients» décrit John Bond. Et il relève, fort de son expérience dans le domaine, que «l’édition travaille de plus en plus avec des professionnels assignés à une mission plutôt qu’à un poste fixe de travail.» Question d’économies…

De la même façon, «depuis la crise de 2008, les maisons d’édition sont devenues particulièrement prudentes». Plus que jamais, elles y réfléchissent à deux fois avant d’accorder un contrat d’édition à un auteur. Celui qui, voici quelques années, en aurait obtenu un, pourrait s’en trouver aujourd’hui dépourvu. Son œuvre, alors, ne bénéficie plus de toute cette chaîne de services éditoriaux. Certains de ces auteurs, et d’autres également, font appel directement aux professionnels de l’édition rassemblés par Whitefox pour relire, corriger, concevoir la couverture de leur livre. Les auteurs auto-édités, par exemple, qui aspirent à une qualité professionnelle seraient sans doute tentés par l’offre de Whitefox. Ils gagnent alors, au passage, de suivre au plus près la production de leur œuvre. «Cette maîtrise des événements leur plaît» relève John Bond.

Whitefox se substitue-t-il alors aux maisons d’édition? Non : «nous ne vendons pas de livres», distingue John Bond. «Dans dix ans, les maisons d’édition seront toujours là, pour sélectionner des livres et exploiter des droits, au format papier et au format digital.»

Mais Whitefox se propose également d’accompagner les maisons d’édition dans leurs réflexion stratégique. Le British Museum vend des livres de grande qualité, inspirés de ses collections et édités par la British Museum Press.  À l’heure de penser leur stratégie pour l’âge numérique, la vénérable institution britannique a fait appel à Whitefox. «Le marché se diversifie;  les maisons d’édition vont devoir compter avec le nombre croissant de données à leur disposition. Tout cela, c’est une évolution que nous avons envie d’accompagner.» Une évolution à tous crins vers le numérique? À cet égard, John Bond relève que l’intérêt pour les livres au format papier, parmi ses clients, reste équivalent à celui pour les livres numériques : «nos clients sont heureux de pouvoir se procurer des livres tangibles, qui leur servent de vecteur de communication.»

Les anglo-saxons raffolent de leurs auteurs-vedettes : d’un James Patterson ou d’un Jamie Oliver par exemple. La foule associe l’auteur / chef-coq à ses livres de cuisine et, peu à peu, à tous les domaines où il fait rayonner sa marque («brand»), y compris les ustensiles de cuisine et les émissions de télévision. Whitefox se propose d’aider ces marques à faire valoir le contenu qu’elles proposent au public. Si nécessaire, il met à leur service des professionnels des relations publiques et du marketing.

Auteurs, éditeurs, marques : chacun de ces acteurs compte pour un tiers des revenus et des clients de Whitefox.

L’édition voit sa donne changer. Les cartes sont battues, redistribuées, et le rusé renard blanc se veut de la partie, à ce tour-ci et aux suivants. Ce qu’il amène aux autres joueurs, c’est l’expérience et les services d’une nouvelle race : celle des consultants, fins stratèges de l’industrie créative et disponibles à la demande.

L’industrie créative attendait-elle cette proposition? Pour John Bond, la réponse est oui : «nous n’avons pas lancé de campagne marketing massive. Nous apparaissons rarement dans la presse. À l’occasion, oui, je distribue l’une ou l’autre carte de visite.  Cela suffit : les clients frappent à notre porte, amenés par le bouche-à-oreille.»

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— Sibylle Greindl

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