Librel, portail des libraires francophones de Belgique, un an après

En octobre 2014, Librel, le portail des libraires francophones de Belgique, faisait son entrée dans le paysage numérique. Un peu plus d’un an après, où en est cette plateforme soutenue par la Fédération Wallonie-Bruxelles ? Pour en savoir plus, Lettres Numériques a interrogé Philippe Goffe, porteur de l’initiative qui se dit satisfait du développement du portail et souhaite également tempérer les enthousiasmes vis-à-vis d’un marché en constante progression.

Après un peu plus d’un an, quel est le taux de fréquentation de Librel et comment se répartissent les ventes d’ebooks selon les différents modes d’acquisition proposés au lecteur (via le portail, via les corners numériques situés en librairies, via le Prêt Numérique) ?

Nous comptabilisons en moyenne 3000 visites par mois. Au niveau des commandes, la progression est évidemment liée à l’actualité et à certaines périodes de l’année (week-end prolongés, vacances scolaires, etc.). Il s’agit de commandes d’impulsion qui se font à toute heure du jour et de la nuit par des utilisateurs fidèles. Il faut être franc, les ventes demeurent encore relativement modestes mais ce réseau qui représente la librairie indépendante se situe plutôt bien par rapport à la concurrence sur des segments similaires. Grosso modo, les ventes se répartissent de façon égale entre le portail principal, les différents corners présents en librairies, et le PNB.*

Combien de références sont actuellement proposées sur le portail ?

Librel compte environ 450 000 références, en sachant que certains ebooks sont parfois en double selon les formats proposés au lecteur (ePub et PDF disponibles pour un même titre). Globalement, nous avons accès à un peu près tout. Nous avons l’intégralité du catalogue français proposé en numérique et une grande partie de la production belge. Je constate néanmoins qu’un effort reste à faire de la part de certains éditeurs qui ne nous communiquent pas toujours assez d’informations. Si nous ne souhaitons pas reproduire dans le numérique ce que nous observons pour la papier, à savoir que ce sont les grandes marques éditoriales qui ont une meilleure force de frappe, il est nécessaire de bien communiquer ces informations relatives aux livres. Actuellement, nous proposons les ebooks d’éditeurs présents sur les plateformes françaises mais n’avons pas accès aux catalogues des éditeurs auto-diffusés qui ne possèdent pas d’entrepôt numérique (Immatériel, ePagine, etc.)

Sur quels aspects ont porté les subsides de la Fédération Wallonie-Bruxelles ?

Librel

L’appui de la Fédération Wallonie-Bruxelles a concerné les développements IT, la communication et l’animation du portail. Nous avons également conçu le Wiki Librel dans le cadre de la mission de cadastre des éditeurs belges. Cet outil est fortement consulté par les éditeurs au niveau international (France) qui l’ont adapté aux exigences de l’édition à l’étranger. Il est devenu une référence dans le domaine et est mis à jour en fonction des remarques et demandes des éditeurs.

Quelles sont les principales difficultés rencontrées dans le développement du portail ?

Certains lecteurs éprouvent des difficultés à entrer dans le numérique. Au-delà de 35 ans, cela devient un peu plus complexe, surtout lorsqu’il faut se créer un compte Adobe pour pouvoir ensuite lire son ebook. Pour remédier à cela, nous organisons des sessions de formation en collaboration avec le PILEn à destination des libraires et clients de libraires. Nous sommes également confrontés à des connexions parfois difficiles avec les entrepôts des éditeurs et à des contraintes lors de téléchargements multiples opérés par les utilisateurs du portail. Mais ce qui empoisonne véritablement l’expérience du lecteur, ce sont les DRM. La solution développée par Readium, à l’étude pour le moment, pourrait apporter une solution à ce problème.

Quels sont les retours des libraires partenaires ? Y en a-t-il de nouveaux qui souhaitent intégrer le réseau ?

Il n’y a pas de changement fondamental de ce côté-là. Un ou deux libraires supplémentaires ont adhéré à l’initiative depuis le lancement du portail. Le numérique reste un secteur assez marginal au niveau de la librairie indépendante. Le degré de satisfaction varie d’un libraire à l’autre. Il est clair que celui qui est actif dans le domaine est plus satisfait qu’un autre moins impliqué. Pour le numérique tel qu’il existe actuellement en librairie, c’est-à-dire la reproduction en numérique d’un livre papier, il faudra du temps je pense. Les ardeurs doivent selon moi être tempérées car l’entrée dans le numérique s’effectue de manière lente et progressive. Il est intéressant de constater que la clientèle de Librel est similaire à notre clientèle habituelle, c’est-à-dire des lecteurs qui viennent dans nos librairies, pour lesquels il n’y a pas de limite d’âge puisque certains ont parfois plus de 60 ans. Ils achètent des ebooks pour voyager, adapter la lecture à leur vue, etc.

Quel est selon vous le plus grand objectif à atteindre pour Librel en 2016 et dans les années à venir ?

Nous souhaitons avant tout travailler sur la question des DRM qui, dans leur configuration actuelle, empoisonnent le confort des lecteurs. Nous travaillons aussi au développement de partenariats avec des blogs littéraires capables de référencer les ebooks de Librel et avons également la volonté de proposer des services « uniques » innovants, à l’image de la « Reading room ». Ce projet, actuellement en cours de développement, repose sur un concept en vogue qui consiste en une mise à disposition de supports numériques dans des endroits publics où les gens peuvent se connecter pour lire des extraits de livre (aéroport, gare, etc.). Nous avons également pour objectif d’augmenter la visibilité de Librel par la présence sur des salons et foires du livre, et bien sûr, d’appuyer l’investissement personnel des libraires adhérents.

Quelle est selon vous la principale force de Librel ?

La force de Librel, c’est évidemment l »humain caché derrière la dématérialisation », le service au client de proximité, le conseil sur l’usage des liseuses, des DRM, et une volonté affirmée par beaucoup de lecteurs d’assurer la présence de la librairie indépendante sur ce secteur. Et nous disposons d’un réseau large à Bruxelles et en Région wallonne. En tant que porteur du projet, je suis positif quant à la manière dont le portail se développe. Librel se défend bien sur son secteur.

Quelle recommandation donneriez-vous aux libraires qui souhaitent davantage développer le segment numérique ?

La première recommandation que nous pourrions faire aux libraires intéressés par le numérique, est de se fédérer, et donc de mutualiser leur travail et leurs forces. Comme Librel l’a fait. C’est à notre sens le seul moyen pour un libraire indépendant, de taille petite ou moyenne, d’exister dans le numérique.

*Philippe Goffe n’a pas souhaité communiquer d’autres chiffres.

À relire sur Lettres Numériques :

— Gaëlle Noëson

Share Button

Gaëlle Noëson

Digital publishing professional