La Chine est-elle appelée à dominer le marché mondial de l’édition numérique ? (Partie 2)

La semaine dernière, dans la première partie de l’article, Lettres Numériques vous a proposé un tour d’horizon du marché chinois de l’édition numérique. Dans cette seconde partie, nous tenterons de savoir si la Chine sera amenée à dominer le marché mondial de l’édition numérique à travers les spécificités du marché, les défis que le pays doit relever et les tendances à venir du secteur.

Le smartphone comme principal support

Comme nous le mettions en évidence la semaine dernière, la Chine est le plus grand fabricant de liseuses au monde. Cependant, de manière assez paradoxale, ce support est très peu utilisé dans le pays. Celui qui accueille le plus de publications numériques est en réalité le smartphone. Le peu d’espace disponible sur ces écrans est une contrainte moins importante dans la langue chinoise, un caractère véhiculant beaucoup plus d’informations qu’une lettre de notre alphabet. La préférence pour le smartphone a par ailleurs favorisé l’apparition d’un nouveau genre de littérature en Chine : des textes courts et épurés, qui vont droit au but. De nombreuses maisons d’édition ont ainsi conclu des partenariats avec les opérateurs de téléphonie mobile pour la publication de microromans.

Ces grands opérateurs (China MobileChina Unicom et China Telecom), qui ont tous l’État chinois comme principal actionnaire, sont donc des acteurs importants de l’édition numérique en Chine, d’autant plus qu’ils développent leurs propres systèmes d’exploitation et leurs propres portails d’application. Quand on sait que le nombre d’utilisateurs de China Mobile correspond presque aux populations des États-Unis et de l’Europe occidentale réunies, on comprend l’extraordinaire marge de manœuvre dont disposent ces géants de la communication.

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Les défis à relever

La révolution numérique amorcée en Chine il y a une dizaine d’années et largement soutenue par l’État a également apporté son lot de nouveaux défis pour l’édition. Tout d’abord, le piratage et la violation des droits d’auteur constituent un problème majeur, qui a amené les juristes chinois à repenser la législation à ce sujet. Ensuite, l’absence de standardisation des formats numériques est un écueil important, particulièrement en ce qui concerne les plus petits éditeurs. Enfin, un autre défi réside dans l’internationalisation des entreprises chinoises. L’ensemble de l’industrie connaît des difficultés pour rendre ses marques attractives à l’extérieur du pays. Si quelques avancées peuvent être notées, les maisons d’édition chinoises doivent la plupart du temps se contenter du marché intérieur.

Les tendances à venir

Au vu de son analyse de la situation actuelle, l’Observatoire de la bibliodiversité a tenté de dégager certaines tendances que pourrait à l’avenir connaître le monde de l’édition en Chine.

Pour commencer, la classe moyenne qui a récemment émergé en Chine constitue et restera une force pour l’industrie de l’édition dans le pays, surtout en ce qui concerne la consommation de contenus numériques. On peut également s’attendre à de nouvelles législations en matière de copyright. Par ailleurs, la baisse des prix, et donc des profits, des dispositifs électroniques liée à la concurrence croissante est appelée à se poursuivre dans le futur. De plus, il est quasiment certain que l’État continuera à soutenir via ses investissements le secteur de l’édition, comme il le fait depuis une dizaine d’années.

Quel avenir pour l’édition traditionnelle ?

Il est possible que les librairies traditionnelles chinoises connaissent un avenir assez sombre, au vu des progrès du secteur de l’édition numérique. Une étude récente, publiée à l’occasion de la foire du livre de Shangai par le Shanghai Press and Publication Administration, vient néanmoins contredire cette tendance. Il en ressort que le nombre de lecteurs qui se tournent vers la lecture numérique est en diminution, tandis que la part de la population qui se tourne vers les livres traditionnels augmente. C’est la première fois depuis trois ans que l’écart se creuse entre ces deux chiffres, au lieu de se resserrer. Cette résurgence s’explique en partie par un changement dans le goût des lecteurs, mais trouve aussi son explication dans la multiplication des librairies à Shanghai.

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Enfin, l’avancée des plateformes occidentales qui proposent des contenus numériques en Chine ne fera qu’accentuer la confrontation avec les grands acteurs locaux de l’édition.

Cette concurrence sera très certainement intéressante à suivre, comme le seront les futures avancées, déjà considérables, de l’édition numérique chinoise à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. L’avenir des entreprises de Chine en tant que géants de l’édition dépendra à n’en pas douter de leur capacité à gagner en attractivité sur le plan mondial, ainsi que de leur manière de gérer la concurrence des acteurs européens et nord-américains.

Retrouvez la première partie de cet article en suivant ce lien.

Raphaël Dahl

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— Rédaction

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