Les ebooks, moins attachants que les livres physiques ?

Une récente étude publiée dans le magazine Electronic Markets s’est intéressée aux perceptions de consommation des possesseurs de livres numériques. Sa conclusion : les ebooks n’engendrent que très peu d’attachement au produit, contrairement au format papier qui serait plébiscité par les lecteurs. Si cette étude présente des éléments intéressants, elle semble pourtant avoir négligé de nombreux avantages du livre numérique, en se focalisant sur le seul plaisir lié à la possession.

La plupart des gens ressentent un plus faible sentiment de possession avec un ebook qu’avec un livre traditionnel. C’est du moins ce qu’ont démontré des chercheurs de l’Université de l’Arizona. D’après les résultats de cette étude, les consommateurs de différents groupes d’âge perçoivent la possession d’ebooks de manière très différente de celle des livres physiques.

 « Dans le contexte des produits numériques, nous avons pensé qu’il serait pertinent de voir comment les gens s’approprient quelque chose qui n’est pas réellement là. », explique Sabrina Helm, qui dirige le groupe de chercheurs. « C’est simplement un fichier dans un ordinateur, un appareil ou dans le Cloud ; il s’agit plus d’un concept que d’une chose réelle. »

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Moins de contrôle sur le produit

Les participants de tous les groupes d’âge ont déclaré ressentir un plus faible sentiment de possession dans le cas d’ebooks que d’ouvrages physiques, car ils n’ont pas un contrôle total sur les produits. En fait, les livres numériques donneraient à de nombreux participants l’impression d’avoir loué un bien plutôt que de l’avoir acheté.

Dans le même ordre d’idées, de nombreux participants ont déploré certaines restrictions liées à l’ebook, comme le fait de ne pas pouvoir le prêter ou l’offrir, qui donnent moins de valeur à la possession de livres numériques. Cet argument peut étonner, puisque des solutions existent bel et bien pour permettre ces actions. S’il met en évidence une connaissance qui semble trop limitée du livre numérique de la part des chercheurs, ce résultat montre également un manque d’information chez les consommateurs.

Une expérience sensorielle

Les participants ont également déclaré être plus attachés émotionnellement aux livres physiques, qui leur procurent un sentiment d’appartenance. Tous les groupes d’âge ont également parlé de la nostalgie que certains livres de leur enfance leur évoquaient. Les répondants ont par ailleurs relevé l’expérience sensorielle permise par le livre au format papier, liée par exemple à l’odeur, au son et au toucher associés à l’ouverture d’un nouveau livre. La possibilité d’annoter l’ouvrage et de mettre certaines phrases en évidence, en les surlignant à l’aide d’un marqueur fluorescent par exemple, était également appréciée. Ici encore, on comprend mal la pertinence de cet argument, ces actions étant réalisables avec un livre numérique.

Des avantages soulignés par les lecteurs les plus âgés

En outre, les participants ont déclaré que leur collection de livres physiques constituait un moyen d’exprimer leur identité aux personnes qui pourraient parcourir leur bibliothèque. À l’inverse, d’autres répondants ont souligné le peu de place occupée par les ebooks, exprimant ainsi leur préférence pour ce support. Des avantages supplémentaires ont été pointés par les lecteurs les plus âgés, comme la légèreté d’une liseuse ou la possibilité d’agrandir le texte. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ils auraient tendance à voir plus d’avantages au format numérique que les plus jeunes.

Les chercheurs conseillent les professionnels

« L’une des conclusions de notre recherche était que les livres numériques et les livres physiques sont des produits entièrement différents », a encore déclaré Sabrina Helm. « Les ebooks […] semblent offrir une expérience plus fonctionnelle et utilitariste. Vous avez beaucoup plus de richesse quand vous avez affaire à une livre papier, où tous vos sens sont impliqués ». Elle indique aussi que les participants considèrent l’ebook trop cher pour ce qu’il propose.

Les chercheurs se sont ensuite basés sur leurs résultats pour suggérer deux stratégies aux professionnels du livre numérique. Ceux-ci devraient tenter de rendre l’expérience de lecture digitale plus proche de celle associée à un ouvrage physique, ce qui requiert de mettre en place des changements qui rendraient plus simple d’annoter le texte, par exemple. Les professionnels devraient également envisager l’ebook comme une forme unique de divertissement, qui intégrerait des fonctionnalités inédites et impossibles à retrouver dans un livre au format papier, comme une bande-son intégrée, par exemple.

Une connaissance limitée du marché ?

Ces deux suggestions pour le moins contradictoires (faut-il faire ressembler l’ebook au livre papier ou au contraire s’en distancier ?) soulignent une nouvelle fois la probable méconnaissance du marché de la lecture numérique de la part des chercheurs. De plus en plus de livres enrichis voient en effet le jour, proposant une expérience de lecture interactive et inédite, notamment au niveau de l’implication de plusieurs sens (la vue, l’ouïe ou même le toucher). En outre, de nombreuses initiatives tentent de développer la tangibilité du livre numérique, nous en parlions par exemple dans cet article.

L’étude nous livre néanmoins quelques éléments intéressants sur les attentes des consommateurs, mais également sur le manque d’information dont ils semblent disposer sur les offres proposées par un marché qui connaît chaque jour son lot d’innovations. Les chercheurs terminent par ailleurs leur étude en insistant sur le fait que les deux supports ont leur place, ils ne se destinent simplement pas aux mêmes usages. Ajoutons à cette remarque pertinente que papier et numérique peuvent se compléter, et que de nombreux projets voient le jour pour développer cette complémentarité.

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— Raphaël Dahl

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