Minnie, un robot comme partenaire de lecture

Une équipe de chercheurs de l’Université de Wisconsin-Madison a récemment mis au point un robot humanoïde, baptisé Minnie. Défini comme un « compagnon d’apprentissage social », l’automate a été imaginé pour accompagner et encourager la lecture à la maison chez les enfants. En effet, les chercheurs sont partis du constat que la lecture, activité dite « isolée », pouvait être transformée en une activité « collaborative » et ainsi augmenter la motivation des enfants à lire et améliorer leur compréhension des textes. Lettres Numériques vous en dit plus sur ce compagnon de lecture électronique.

Bilge Mutlu, du département de sciences informatiques, et Joseph Michaelis, du département de psychologie éducationnelle, ont amélioré le robot imprimable de la société Hello Robo pour en faire un assistant de lecture auprès des enfants.

Fonctionnement

Ce robot comporte un micro et une caméra qui s’allument pour les séances d’exercices. Au début de l’interaction, Minnie, doté de deux grands yeux expressifs et mobiles, utilise sa caméra pour trouver l’enfant et établir un contact oculaire. Le robot propose ensuite à l’enfant de choisir un livre et de le lire. Durant la lecture, Minnie est programmée pour « réagir, faire des commentaires sur le texte, adopter un comportement de joie, d’intérêt ou de surprise pour la lecture en cours ». Cette fonctionnalité est possible grâce à plus de 600 commentaires préexistants qui sont attribués à des pages spécifiques d’un ouvrage.

Cette façon de fonctionner pourrait sembler peu pérenne et plutôt ennuyeuse, cependant les auteurs tempèrent : « Sans être répétitive ou prévisible, Minnie délivre petit à petit des éléments de sa personnalité et de son histoire lors des interactions. […] Ce qui peut permettre de soutenir et d’approfondir le lien social dans le temps ». Minnie pose également des questions sur la lecture en cours ; cependant, le robot n’est pas équipé d’un moteur de reconnaissance et de compréhension du langage naturel et l’enfant doit donc fournir les réponses avec des cartes prédéfinies. Enfin, à chaque séance, Minnie rappelle l’endroit où la lecture s’était précédemment arrêtée et propose de la poursuivre, de donner un résumé de l’ouvrage ou bien de changer de livre. Une dernière fonctionnalité consiste à conseiller certains ouvrages à l’enfant en fonction de ses précédentes lectures.

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Quels résultats ?

Une étude de cas a été menée par l’équipe de recherche américaine sur 24 enfants de 10-12 ans divisés en deux sous-groupes : le premier a lu en compagnie de Minnie durant deux semaines, le second a lu sans le robot. Deux questionnaires ont été soumis aux enfants, un au début de l’expérience et le second à la fin. Si les résultats indiquent « une fréquence et une durée de lecture similaire », les enfants ayant eu à côtoyer Minnie durant ces deux semaines ont manifesté plus de motivation et de facilité à la compréhension que les enfants de l’autre groupe. Minnie permet-elle de mieux encadrer la lecture que les parents ? Rien ne le prouve. En effet, selon les auteurs, « notre objectif était de savoir comment compléter les activités de lecture en y ajoutant une activité sociale qui n’existe peut-être pas toujours à la maison ».

À relativiser

Ce projet ainsi que ses résultats posent question. Minnie est-elle réellement efficace ? Jean-Luc Berthier, spécialiste de neurosciences cognitives et créateur du concept de Cogni’classe en France invite à la relativisation : « Méfions-nous de l’effet d’annonce et de nouveauté, suite à des manips portant sur des panels restreints ». Il ajoute à cela que de nombreuses pistes novatrices sont retombées après seulement quelques mois d’existence. Il se demande également quelle sera la place de ces robots. Deviendront-ils des acteurs technologiques à part entière ou bien l’investissement ira-t-il pour des « enfants à besoins spécifiques (problèmes de lecture, dys, tendance autiste) » ?

Avenir du projet

Les deux chercheurs, soutenus par la National Science Foundation, planchent déjà sur d’autres applications.

  • Minnie pourrait encourager les étudiants en difficulté dans des tâches académiques ;
  • Création d’un robot d’aide à l’apprentissage partagé par toute une famille.

La seconde application, pour inspirer la confiance des utilisateurs, devra être attrayante pour tous les âges et dotée d’un système de protection des données. Ces projets aux intentions louables devront à l’avenir être réévalués sur des échantillons plus larges pour que l’on puisse poser un jugement sur leur (in)utilité.

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— Jean Cheramy

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