Le flop technique d’Hachette avec le dernier JK Rowling, une exception ?

Tout avait été parfaitement orchestré pour une sortie digne des plus grands succès commerciaux. The Casual Vacancy, le premier roman pour adultes de J. K. Rowling, était attendu  avec impatience en version papier et en version numérique sur le marché anglo-saxon le 27 septembre. Il devait rejoindre à très grande vitesse le top des ventes des plus grands distributeurs – Amazon en tête. Avant que ça ne déraille…

Si The Casual Vacancy (Une place à prendre en français) n’a pas suscité les délires qu’a connus la saga Harry Potter, ses versions papier et numérique, en langues anglaise et française, se placent déjà sur les meilleures ventes – les premiers chiffres annoncent 35 000 ventes pour les trois premiers jours. Et pourtant, certains lecteurs numériques anglophones ont eu une bien mauvaise surprise ! Il s’est en effet avéré que l’ebook de J. K. Rowling (au format .mobi) était tout simplement illisible sur les liseuses Kindle.  A croire qu’il s’agissait d’un coup monté ! La faute à qui ?

Les ebooks illisibles ou mal formatés, un problème courant !
L’éditeur numérique anglo-saxon de J. K. Rowling*, Hachette Digital, a avoué avoir commis des erreurs de formatage, celles-ci avaient pour effet de rendre le fichier indéchiffrable sur les liseuses Kindle. Après un tel battage médiatique, découvrir un ebook d’une qualité si désastreuse (à un prix très élevé) a de quoi énerver – on croirait presque à une plaisanterie !

Ces problèmes de formatage ne sont pourtant pas un phénomène nouveau dans le numérique, et le cas Rowling en rappelle beaucoup d’autres… Il suffit d’analyser le nombre de livres numériques édités par de grands éditeurs. Nombreuses sont les adaptations numériques qui ne permettent pas d’accéder à une table des matières, proposent un texte impossible à agrandir et donc à lire, comportent des pages blanches présentes à toutes les fins de chapitre, ne disposent pas d’un alignement uniforme, etc.  Comment peut-on proposer de tels fichiers à la vente sans respect pour le lecteur ? On en vient même à se demander s’il ne s’agit pas d’une technique  pour ralentir le démarrage du numérique en France et éloigner le lectorat des éditions digitales.

Le reflet d’un problème structurel chez les éditeurs
Il ne suffit pas aux maisons d’édition traditionnelles de monter dans le train du numérique, il leur faut aussi s’installer sur le bon siège. Il en va de la responsabilité de l’éditeur (et de la crédibilité de la maison d’édition à laquelle il appartient !) de proposer à ses lecteurs numériques un produit abouti. Cette responsabilité n’incombe nullement aux librairies en ligne telles qu’Amazon, même si celles-ci en paient les frais comme les lecteurs.

Les problèmes de formatage évoqués précédemment sont en réalité le reflet de problèmes structurels bien plus profonds. Car c’est la question du processus de validation du BAT d’un livre numérique qui se pose et donc indirectement la considération de l’éditeur pour le lecteur. Un problème d’autant plus important quand on connaît la part de marché d’Amazon aux États-Unis – 63 % en 2011 selon l’analyse Digital Europe : Diversity and Opportunity.

Par ailleurs, il s’avère aussi que les connaissances de base du livre numérique, pourtant indispensables, ne sont pas acquises. Même le contact presse de chez Hachette Digital, Nicole Dewey, imagine à tort que les versions électroniques achetées vont se mettre à jour automatiquement, sans intervention du lecteur : There was an issue with the file (no issues reading the book, just adjusting the type), but that has been corrected and is fully adjustable/functional for all those who have purchased the e-book and for those who will purchase it in the future.

Raccrochons les wagons : l’édition numérique relève de véritables choix éditoriaux et demande des compétences complémentaires que n’ont pas toujours les maisons d’édition traditionnelles. Un des challenges primordiaux auxquels s’attachent les pure-players – dont nous avons déjà parlé en août dernier – est la compatibilité des ebooks sur tous les supports (iPad, Sony, Nook, Kobo, etc.) et sur les différents systèmes propriétaires (Amazon, Apple, Fnac, etc.). Il ne suffit pas de vérifier un ebook sur l’iPad pour obtenir par magie de belles mises en page sur toutes les tablettes et liseuses. Une erreur dans un livre papier est inadmissible ; une erreur dans un livre numérique, quoique réversible, l’est tout autant.  Il y a donc encore un long chemin à parcourir avant que l’intégrité du numérique soit respectée face à l’édition papier.

J. D.

* Précisons que The Casual Vacancy a été publié par :

  • en anglais par Little Brown Publishing – version papier
  • en anglais par Hachette Digital – version numérique
  • en français par Grasset – version papier et numérique

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— Stéphanie Michaux

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Stéphanie Michaux

Digital publishing professional

3 thoughts on “Le flop technique d’Hachette avec le dernier JK Rowling, une exception ?

  • 05/10/2012 at 19:31
    Permalink

    Ce serait peut-être aux fabricants des liseuses de prendre le taureau par les cornes. Amazon publie au format Kindle mais aucun support technique n’est capable de donner des réponses claires et précises sur la façon de constituer le fichier d’origine pour que, une fois la conversion automatique établie, le résultat soit irréprochable…
    Personnellement, malgré mes multiples modifications et insistances, la table des matières ne fonctionne toujours pas comme elle le devrait. Tout a été fait pour que le lecteur puisse naviguer des titres de chapitres à la table des matières et inversement, mais cette table n’est toujours pas accessible depuis l’onglet automatique du Kindle.
    À quand un logiciel unique, performant, qui puisse enfin faciliter la vie à tout le monde ?

  • 08/10/2012 at 10:47
    Permalink

    Bonjour.
    Article une fois de plus fort intéressant quand on s’intéresse à la réalisation de fichier epub. Est-il possible de connaitre la nature plus précise des fameuses « erreurs de formatage » du fichier .mobi qui ont eu lieu sur ce titre ?
    Merci d’avance pour votre réponse Stéphanie.

  • 16/10/2012 at 13:07
    Permalink

    « Amazon publie au format Kindle mais aucun support technique n’est capable de donner des réponses claires et précises sur la façon de constituer le fichier d’origine pour que, une fois la conversion automatique établie, le résultat soit irréprochable… »

    Y’a quand même des guidelines publiques Kindle (certes en Anglais et qui se focalisent plus sur conversion EPUB vers Kindle qu’autre chose) qui expliquent pas mal de choses, ce qui reste suffisamment rare pour être souligné dans le domaine du développement e-book.

    Pour la table des matières, tout est expliqué dedans.

    Le problème, finalement, c’est que personne ne lit ces guidelines et que tout le monde gueule ensuite que ça ne fonctionne pas. Bah non, le livre numérique, c’est du développement, donc faut choper les documentations disponibles et les garder en référence…

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