L’université pour tous?

Les nouvelles technologies changent aussi l’enseignement universitaire, avec l’irruption des «Massive Open Online Courses».

On dit qu’ils vont changer l’université. On dit qu’ils vont changer la formation au long cours. On dit qu’ils vont apporter l’enseignement jusque dans les recoins les plus reculés du globe. On dit qu’ils vont questionner professeurs comme étudiants sur leur façon de travailler. «Ils»? «Ils», ce sont les «MOOCs» ou massive open online courses, cours de niveau universitaire en ligne accessibles à tous, a priori gratuitement. Les universités les plus réputées d’Outre-Atlantique mettent leurs cours à disposition du monde entier via des plateformes de MOOCs. Des universités plus proches de nous également : l’Université catholique de Louvain, sous l’impulsion de son recteur Vincent Blondel, est également de la partie. Elle a rejoint courant 2013 le consortium edX, inité par Harvard et le MIT aux États-Unis.

Françoise Docq, de l’Institut de Pédagogie Multimédias de Louvain-la-Neuve (IPM), coordonne le projet Louvain moocXperience : « à l’IPM, nous avons pour vocation d’exploiter toutes les nouvelles technologies afin d’améliorer in fine la qualité de l’enseignement universitaire. À une époque, nous avons ainsi pas mal travaillé les podcasts. Aujourd’hui, nous nous investissons beaucoup dans ces MOOCS.» Résultat, une quinzaine de ces cours nouvelle génération sont en activité ou sur le point de sortir des cartons. Ils vont de la finance à la psychologie en passant par le marketing et l’anthropologie. Ce sont les professeurs qui, en répondant à un appel à projets, choisissent de retravailler leur cours afin de l’inclure dans cette offre. Ceux qui suivent ces MOOCs ? «Il y a des personnes extérieures à l’université : le profil type serait un universitaire de 35 ans, avide d’élargir sa culture générale ou de continuer à se former. Il y a aussi beaucoup d’étudiants, en complément du cours magistral et selon les consignes du professeur.» Exit syllabi et compagnie pour ces étudiants ? Non : ils reçoivent toujours un syllabus au format pdf, qu’ils préfèrent souvent imprimer. Toutefois, le MOOC se déroule bel et bien à l’écran, sous forme de brèves vidéos en séquences de cinq à huit minutes, de questionnaires et de forums où l’interaction se construit.

Cette organisation du cours toute autre se prépare, et solidement : «le professeur ne pense plus à ce qu’il va dire. Il pense à ce qu’il va amener l’étudiant à faire.» L’effort en classe et en-dehors de la classe se répartit différemment. Il se distribue plus équitablement au fil de l’année aussi : «les étudiants s’investissent dans ces cours dès le début de l’année académique. C’est autant de temps et de compréhension mis de côté en vue du blocus.» Ça, c’est côté apprentissage. Côté enseignement, le professeur se trouve face à un défi de concision et de clarté : l’information doit être exprimée par séquences de quelques minutes, dans un langage accessible à un public vaste et potentiellement multiculturel. Les supports visuels – schémas, infographies, graphiques – deviennent des vecteurs d’information essentiels.

Voilà de quoi bousculer les rythmes consacrés de la vie étudiante. Cela plaît : «nous avons eu des retours enthousiastes, des étudiants comme des professeurs. Mais ils sont unanimes à reconnaître que les MOOCs, c’est beaucoup (plus) de travail ! »  Lors des travaux pratiques, les professeurs remarquent que leurs étudiants sont souvent plus efficaces et qu’au cours, ils posent des questions pertinentes et informées. Tous ces retours des utilisateurs – apprenants permettent aux professeurs d’adapter leur méthode d’enseignement. Aussi, pas mal de données et de statistiques peuvent être collectées sur le support de MOOCs : comme dans un livre numérique, on peut savoir combien ont achoppé sur quel passage, y sont revenus, s’y sont arrêtés… À condition d’analyser les statistiques, il y a là une foule de renseignements utiles!

Sans doute sommes-nous loin de soupçonner tous les changements que les technologies numériques apportent à la formation universitaire et continuée…

Source photo: Stanford Summer College Academy

— Sibylle Greindl

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