Rencontre avec la librairie Pax, actionnaire et membre de « 1001 libraires »

Depuis peu, la librairie Pax possède son site internet www.librairiepax.be, site soutenu par la structure de « 1001 libraires ». Les avantages d’une telle structure sont nombreux : un site facile d’accès et d’utilisation pour les libraires et les clients, une formation accélérée à l’utilisation de l’outil internet, une remontée des stocks, et un relais de vente en ligne grâce à une logistique centrale qui tient à disponibilité les ouvrages en 48h. Néanmoins, « 1001 libraires » reçoit actuellement un accueil mitigé. Certains parlent d’un gigantesque silo à livres qui ne s’écoulerait pas aussi facilement que prévu, d’autres avancent des problèmes de logistique liés à une certaine précipitation avec laquelle a été lancé le site, d’autres encore regrettent le trop grand optimisme dont ont fait preuve les responsables. Malgré tout, Pax semble satisfaite du projet, même si selon le directeur P. Lemahieu et le libraire, N. Javaux, certaines choses seraient à revoir.

  • Pourquoi est-ce que un phénomène comme « 1001 libraires » n’a pas l’air d’intéresser beaucoup la librairie belge ?

P. Lemahieu et N. Javaux: Depuis 30 ans, nous estimons qu’il n’y a pas lieu de traiter la librairie belge de façon singulière. Nous faisons partie d’un espace francophone, avec une même monnaie et avec, normalement, les mêmes possibilités d’accès au livre. Dès lors, il n’y a aucune raison que la librairie belge soit différente de la librairie française. Notre principal problème en tant que libraire belge reste la difficulté d’approvisionnement pour certains titres distribués par Dilibel et Interforum, deux distributeurs qui majorent les prix des ouvrages. Depuis 10 ans, on prône le fait que le livre se paie en France et en Belgique en euros, et que l’on devrait payer un même livre au même prix dans les deux pays. Un même prix pour un même produit dans un même espace. Sur notre site, lié au réseau « 1001 libraires » et donc à tous les libraires français affiliés, les prix sont les mêmes que les prix français. Nous allons faire pression auprès des distributeurs concernés pour qu’ils abolissent cette tabelle ou qu’ils compensent ce manque à gagner. Nous sommes actuellement la seule librairie belge qui puisse concurrencer les intervenants étrangers : Amazon, Fnac.com, les libraires français en ligne… Et nous invitons nos confrères belges à nous suivre.

P. Lemahieu et N. Javaux : Au départ, la librairie Pax n’avait pas de site internet. Aujourd’hui, nous proposons notre propre site sur lequel on fait le travail de base que proposait « 1001 libraires ». C’est un site qui se démarque d’un blog de coups de cœur ou de sites trop peu actualisés, on y retrouve également nos évènements ainsi que nos principaux coups de coeur. Il s’adresse donc à l’internaute, qui n’est pas spécialement un client de la librairie. On y retrouve la possibilité pour le client de réserver les livres directement en librairie ou de les recevoir chez soi en 48h, dans la limite des stocks disponibles. La livraison est assurée grâce à une logistique centrale. (NDLR: Si la librairie Pax ne possède pas le livre en stock, le client paie son achat par internet au moyen d’une carte de crédit et recevra sa commande par la poste, en 48h ou 5 ou 6 jours ouvrables. Dans ce cas, c’est « 1001 libraires » qui prend le relais de la commande; à noter que ce relais se fait en marque blanche, ce qui signifie que le client ne saura jamais que ce n’est pas la librairie qui s’est occupée de l’envoi.)

  • Vous semblez relativement satisfaits du projet « 1001 libraires », est-ce le cas ?

P. Lemahieu et N. Javaux : Oui, comme dit précédemment, même s’il est vrai que 1001 libraires a encore quelques difficultés de mise en place et de croissance, dues à la méconnaissance du public des possibilités du site. Mais à notre avis, c’est une situation provisoire qui va très vite se régler. De plus, l’arrivée, à la présidence, d’une figure tutélaire de la librairie, Christian Thorel de la librairie Ombres Blanches, devrait amener dans les prochains mois une nouvelle dynamique et exiger une meilleure attention de l’édition française à ce réseau de libraires indépendants et compétents.

  • Qu’est-ce qui selon vous pourrait convaincre les autres libraires belges à rejoindre le projet ?

P. Lemahieu et N. Javaux : Je pense que ce que les libraires n’ont pas compris, c’était que pour un investissement minimal, ils pouvaient adhérer à  un système qui leur offrait la création de leur site, la remontée de leur stock, la participation à une base de données gigantesque, la géolocalisation… Il faut aussi retenir un des principaux atouts du projet « 1001 libraires » qui est la mutualisation des informations. La mise à jour d’un site internet est quelque chose qui prend beaucoup de temps. Grâce à la mise en commun des contenus, certaines pages, principalement les têtes de rayons, sont alimentées en permanence par le réseau. C’est un gain de temps considérable pour la librairie. De plus, cela donne également l’occasion de partager ses coups de cœur avec d’autres libraires. Le lancement de tel ou tel livre dans une autre librairie crée un dynamisme entre confrères et permet à de petits éditeurs de trouver un relais indispensable à la diffusion de leur catalogue.

  • A votre avis, la principale entrave à l’adhésion des libraires belges à « 1001 libraires », ce serait ce problème de tabelle ?

P. Lemahieu et N. Javaux : Il nous semble qu’en effet, c’est un problème qui freine nos confrères. Mais c’est aussi un problème que nous devons affronter. Il est possible que nous fonctionnerons avec un prix en magasin et un prix sur internet. (NDLR: Ce qui, pourrait poser des problèmes lorsque le livre commandé sur internet et celui trouvé dans les rayons du magasin se payent en même temps et à la même caisse. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle certains libraires proposent la solution du comptoir indépendant auquel seraient retirés les achats effectués sur internet).  Après tout, nous pouvons comparer la situation à la réservation d’une chambre d’hôtel. Le prix de la nuit, si vous le réservez en ligne, sera toujours inférieur à celui que vous paierez à la réception de l’hôtel le jour même. Est-ce que le client qui passe en magasin aura le même prix que s’il le commande via le site ? Nous avons mis en place un certain nombre de parades qui relèvent d’une politique commerciale de la librairie Pax. Nous sommes prêts à faire des sacrifices pour faire aboutir le projet et le développer au mieux.

  • Et le livre numérique ?

P. Lemahieu et N. Javaux : Puisque nous sommes affiliés à « 1001 libraires », nous vendons, par le biais de notre site internet, les livres numériques disponibles sur la base de données de « 1001 libraires ». Depuis peu, les Français ont décidé de passer d’une taxation de 19,5% pour le livre numérique à une taxation à 5,5%, comme les livres papiers. En Belgique, les livres numériques sont toujours taxés à 21%. Nous sommes pour une harmonisation de la TVA sur le livre dans l’espace européen, aussi bien pour le papier que pour le numérique. « 1001 libraires » nous permet, pour le moment, de ne pas être concernés par ce problème.

  • En conclusion ?

P. Lemahieu et N. Javaux : Pour la librairie Pax et pour les jeunes libraires, le point fort du projet 1001 libraires, c’est cette envie de redynamiser la vie du livre, notamment grâce aux outils informatiques et de nouer des relations entre des professionnels du livre. Nous sommes dans une période de transition dans la librairie, nous souhaitons rester en phase avec notre époque. Nous essayons de faire changer les choses, de nous intégrer dans la réalité du monde du livre (qui passe désormais aussi par internet) en nous appuyant sur notre savoir-faire. Nous espérons ainsi que le client internet reviendra pousser la porte des librairies. Pour nous, l’avenir de la librairie en Belgique passe par là.

— Vincianne D'Anna

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