Mnémotique, société d’archivage numérique

Mnémotique est une société créée il y a cinq ans, dans la plus pure tradition des moines copistes. Elle offre des services qui permettent de traiter l’ensemble de la chaîne archiviste : du tri des documents à leur diffusion (que ce soit sous format électronique ou par la publication de livres) en passant par le classement, l’inventaire, la numérisation, et la valorisation ; des milliers de documents sur le point de disparaître connaissent désormais une vie numérique et presque éternelle…

Comment est née Mnémotique ?

Dominique et Quentin Orban : L’Abbaye de Maresdous avait développé une ASBL (« Informatique et Bible ») qui regroupait des laïcs et des religieux et qui était spécialisée dans les travaux informatiques relatifs à la Bible. Petit à petit, d’autres congrégations religieuses, intéressées par les projets de numérisation, leur ont demandé si les outils développés pouvaient s’adapter à leurs propres archives. C’était le cas, cependant, les pères qui s’occupaient de l’ASBL souhaitaient consacrer leur activité « professionnelle » à l’étude purement biblique. Nous avons donc crée Mnémotique, dans le but de poursuivre ce travail d’archives.

Numériser les archives des congrégations religieuses est une activité assez surprenante, qu’est-ce qui vous interpelle toujours dans cet acte ?

Dominique et Quentin Orban : Nous remarquons que les archives ont un rôle très important dans le monde des congrégations religieuses. La majorité d’entre elles ont été fondées au 19e siècle et ont gardé de nombreuses archives. Celles-ci sont un peu leur culture commune, que ces congrégations se trouvent en Australie ou en Europe, il leur reste une mémoire qui les différencie des autres congrégations. Pour elles également, la transmission des informations aux générations futures est quelque chose d’extrêmement important, il fallait donc qu’elles passent par un autre système d’archivage. Prenons l’exemple des « Pères Blancs », ou « pères missionnaires d’Afrique » fondés en même temps que la Belgique. Toutes les archives se trouvent à Rome, nous avons commencé à scanner quelques-unes d’entre elles mais pour la plupart, nous avons été les derniers à les feuilleter, ces livres tombaient en poussière. Le travail n’est pas encore fini mais nous avons créé une base de données à laquelle les chercheurs sur le sujet sont accès et ce, aux quatre coins du monde.

Vous ne vous consacrez cependant pas qu’aux archives religieuses ?

Dominique et Quentin Orban : Non, ce travail de traitement de l’ensemble de la chaîne archiviste s’applique à toutes sortes d’archives, que ce soit, par exemple, ce client qui nous a demandé de remettre en forme des archives dactylographiées d’après-guerre ou les Mémoires de guerre de ce grand-père qui ont été remises en page et tirées à une centaine d’exemplaires pour la distribution dans le cercle restreint de la famille. Nos clients sont des publics très variés.

Nous nous sommes également occupés d’une partie des Archives générales du Royaume pour lesquelles nous avons numérisé des registres paroissiaux. Ce n’est qu’un exemple parmi des dizaines d’autres : nous avons également travaillé pour La Commission Européenne, pour le musée Victor Horta, pour les Archives et Musée de la Littérature, …

Quels sont vos principaux atouts ?

Dominique et Quentin Orban : L’atout principal de Mnémotique, c’est la création de bases de données textuelles. On extrait l’information textuelle des documents et on l’enrichit, c’est-à-dire que l’on ajoute une série d’informations sur le texte qui facilitent les recherches. On peut extraire les noms de lieux, de personnes, on reprend ces informations dans différents index et cela permet une recherche poussée et efficace. Cela nous évite également le syndrome google, c’est-à-dire obtenir des milliers de réponses pour une seule requête ou encore le syndrome des silences, ce qui arrive lorsque la question n’entraine aucune réponse alors qu’il existe un document reprenant l’information.

Prenons l’exemple de documents datant de la Révolution française : très rares sont les lecteurs qui sont capables de déchiffrer les dates du calendrier révolutionnaire. Il est dès lors très probable que notre lecteur fasse une recherche par date (version calendrier géorgien) et ne trouve pas de réponse. Nous avons donc ajouté les dates transposées du calendrier révolutionnaire au calendrier géorgien.

La confidentialité est également un aspect très important dans notre métier. Il arrive bien souvent, qu’au terme de la mission qui nous est confiée, nous en sachions plus sur l’histoire de l’institution, de la congrégation ou même de la famille que les membres eux-mêmes. C’est également un aspect du métier qui nous rapproche de la tradition monastique, les clients doivent savoir qu’ils peuvent nous faire confiance et que leurs données sont bien gardées. Parfois même,  nous nous devons de leur signaler des informations qui, selon nous, ne devraient pas être divulguées au grand public. Dans une perspective historique, il existe bon nombre d’informations qui, sorties de leur contexte socio-historique, pourraient être mal interprétées ou utilisées à mauvais escient, c’est notre rôle également de prévenir le client de ce genre d’informations. Ensuite, libre à lui de les diffuser ou pas.

Quel format utilisez-vous pour numériser vos archives ?

Dominique et Quentin Orban : Nous utilisons ce qu’on appelle le XML, le format des bases de données, qui est, en fait, un texte avec diverses balises. C’est un système ouvert, qui permet les échanges entre les différents systèmes informatiques. C’est un gros avantage puisque ce format nous garantit la pérennité des données, contrairement à un format propriétaire. Pour les images, nous utilisons le standard actuel qui est le .TIF. Néanmoins, nous nous adaptons aux désirs du client et pouvons repasser à tout moment à un fichier en PDF ou autre.

Étonnamment, ce qui reste aujourd’hui le plus efficace pour la conservation des données, c’est le microfilm. Nous numérisons les images puis nous les déposons sur le microfilm. Le principal avantage de ce support, c’est qu’il peut conserver les informations jusqu’à 500 ans et qu’il ne faut aucun matériel informatique pour le lire : une bonne loupe et de la lumière suffisent pour déchiffrer à l’œil nu les informations d’un microfilm. De plus, c’est un système infalsifiable.

Un travail comme celui-là demande énormément de temps et d’investissement, comment arrivez-vous à rentrer dans vos frais ?

Dominique et Quentin Orban : Même si le monde des archives ne répond pas aux mêmes règles que l’économie, il faut quand même que nous puissions réduire nos coûts et valoriser notre travail. Nous proposons donc aux clients toute une série de moyens pour récupérer quelque peu la mise de départ, par exemple en participant à la diffusion des ouvrages (publication, bases de données, …). Mais il est vrai que certains devis peuvent s’élever à quelques centaines de milliers d’euros. C’est une des raisons pour lesquelles la Région wallonne vient de nous proposer son soutien pour un travail de recherche et développement. Nous allons lancer des recherches afin de savoir comment réduire et automatiser la charge manuelle du travail d’archivage. Cela nous permettrait d’augmenter la productivité et de réduire les coûts et ainsi, d’autres institutions auraient la possibilité de bénéficier de la numérisation de leurs archives, ce qui ne leur est pas permis pour le moment, faute de moyens suffisants pour un tel projet.

Propos recueillis par V. D’Anna

— Vincianne D'Anna

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