Bookalicious: la critique littéraire sur Youtube!

Le vieux continent résiste encore et toujours à la vague des booktubers venue d’Outre-Atlantique. Tout le vieux continent ? Non: ici et là, des initiatives sont lancées, mêlant livres, web et images. En France, Tara Lennart anime Bookalicious, une web tv littéraire francophone sur Youtube, depuis 10 mois. Cette journaliste littéraire nous raconte ses aventures…

Qu’est-ce qui vous a amenée à lancer Bookalicious ?
L’idée m’est venue en parlant avec mon associé dans l’aventure. Nous avions regardé quelques émissions web d’excellente qualité sur le cinéma. Et je me suis dit : et si… et si on essayait de dynamiser par des émissions web l’approche de la critique littéraire, souvent un peu poussiéreuse ? Ce pari n’était pas gagné d’avance ! En France, contrairement aux Etats-Unis, les gens qui lisent beaucoup n’ont pas encore le réflexe d’aller sur internet chercher des conseils à travers une émission. Et les amateurs de web TV ne sont pas forcément des lecteurs. Mais pourquoi pas, après tout, proposer quelque chose de nouveau ? Créer une demande ? Pourquoi ne pas tenter de fédérer une communauté d’internautes curieux d’une autre approche de la culture ? C’est de là qu’est parti Bookalicious…

Bookalicious a déjà quelques émissions à son actif : des auteurs, beaucoup d’anglo-saxons mais les francophones ne sont pas en reste. Des chroniques aussi, au rythme de l’actualité littéraire : en septembre, une émission sur Oona et Salinger, avec la parution de l’ouvrage de Beigbeder. Comment choisissez-vous les auteurs que vous présentez ?
Au coup de coeur ! J’essaie de sortir des sentiers battus et des poncifs sur la littérature contemporaine, de m’éloigner des « gros » livres dont on parle beaucoup dans les médias et de défendre des écrivains moins connus, des éditeurs plus artisanaux, souvent indépendants. Je prends souvent plus de temps que je ne le voudrais pour parler d’un livre car je le lis en entier. Et je me réserve la possibilité de parler de livres qui ne sont pas d’actualité ou qui restent méconnus.

Qui sont les partenaires de Bookalicious et comment soutiennent-ils l’initiative ?
Nous avons principalement des partenaires du monde de la culture – comme Fric-Frac Club –  ou du livre comme Babelio, Libfly, Un Livre Un Jour, Place des Libraires, L’Ivre de Lire et la Librairie Parallèles. Nous fonctionnons par échanges de visibilité, nous relayons nos actualités phare, nous tissons des liens à travers des intérêts et des goûts communs, de vraies affinités. Bientôt, nous aurons un nouveau partenaire, venu de la nuit et de sa culture plus underground… Nous sommes très contents de pouvoir compter sur des relais de cette qualité au cœur du monde du livre!

Quels sont les défis propres à la web TV ?
Le principal défi, c’est l’audience ! Comme à la télévision ! Techniquement, c’est assez facile de monter une web TV, il y en a d’ailleurs beaucoup. Après, ce qui est plus difficile, c’est, justement, de se démarquer. De trouver son public, ses abonnés, ses fidèles et ses relais ; de ne pas trop se répéter, de ne pas lasser ; de garder sa ligne éditoriale et de ne pas trop se disperser, non plus ; de ne pas se laisser séduire par une foule de de concepts ou d’idées autour du livre, fascinantes, mais qui s’éloigneraient du concept et de l’objectif premiers : une critique littéraire vidéo.

Pratiquement, quelles sont vos astuces pour réaliser des capsules vidéos prenantes?
Le côté prenant vient surtout du montage, réalisé par M. Achille, entièrement responsable de la technique des épisodes et du côté punchy : il gère le film, son, éclairage, montage, mais aussi le coaching en live. Rien de tel qu’un « on s’ennuie, fais une phrase plus courte » pour remettre l’épisode sur des rails plus énergiques !
Les grandes lignes de l’épisode, mon angle, tout cela est défini à l’avance. Ensuite, j’improvise une grande partie de l’épisode : je dis vraiment ce que je pense et ce que je ressens à la lecture du livre. Aussi, je ne suis pas une professionnelle de l’image et je ne l’oublie pas. Je répète mes épisodes à l’avance, les lis plusieurs fois, vérifie que je ne me répète pas et apprends quand même à placer ma voix pour qu’on m’entende distinctement.

Et côté image, quel travail faites-vous ?
Nous soignons beaucoup les petits détails qui jouent sur l’impression finale de l’émission :
pour cette nouvelle « saison », je suis debout. C’est meilleur pour la voix et plus direct. J’ai finalement opté pour une chemise blanche neutre, qui ne parasite pas l’image, plutôt que mes t-shirts à messages, pop mais finalement parlants pour quelques initiés seulement. Comme je parle naturellement beaucoup avec les mains, je me force à les garder en poche le temps de l’épisode !
Surtout, le naturel compte beaucoup dans ce concept, c’est du 100% «DIY» (Do It Yourself). Les spectateurs doivent se sentir chez eux dès que l’émission démarre.

Dans quelle mesure adaptez-vous le discours sur le livre et l’auteur au support caméra/web ?
Tout d’abord en essayant de ne pas endormir les gens avec un speech trop long ! C’est tentant de parler pendant 10 minutes des qualités de certains livres. Nous l’avons fait au départ, dans des émissions assez denses mais un peu trop longues. Aujourd’hui, nous avons réduit le format et concentré l’information pour aller à l’essentiel. Les gens ont peu de temps, le message doit passer vite. Comment dire l’essentiel en quelques minutes, sans aligner des stéréotypes ? L’exercice a l’air simple, mais demande une articulation minutieuse. Nous n’ajoutons pas d‘images ou de vidéos : ça serait un peu bizarre quand on parle de livres. À nous de trouver comment captiver l’attention et surtout, de donner envie de lire, par la parole !

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— Sibylle Greindl

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