Comment protéger vos textes du piratage?

Le phénomène du streaming gagne les livres, après la musique et les films. La question qui saute aux yeux illico : comment y protéger les textes du piratage ? Elle est liée à une autre question, toute aussi brûlante : par quels moyens les créateurs peuvent-ils s’assurer reconnaissance et revenus dans cette nouvelle ère de diffusion ?


Scribd est une plate-forme américaine de lecture de livres numériques en streaming : «lisez-tout-ce-que -vous-pouvez», pour un peu moins de dix dollars par mois aux États-Unis. Des particuliers comme des éditeurs – Harper Collins par exemple – y installent du contenu au travers d’applications disponibles sous Android et Apple, sur le modèle des plateformes de vidéos partagées.  On y trouve, et de plus en plus, des livres numériques piratés tout comme, par exemple, des extraits de journaux autrement payants. Scribd offre à la lecture des extraits de ces textes piratés (et de textes installés légalement aussi). Le but de la manoeuvre ? Appâter le passant, afin que celui-ci, séduit, se décide à s’abonner. Une fois qu’il s’acquitte de l’abonnement, il a accès à des textes installés légalement comme à des textes piratés. Évidemment, ceux qui ont des droits sur ces textes piratés ne les voient pas respectés et ne touchent aucun revenu pour ces mêmes textes.

Scribd dit prendre des mesures afin de lutter contre ce phénomène : entre autres, une bannière sur le site interdit ces pratiques en termes clairs et légaux. Aussi, la plate-forme a mis au point une base de données des textes en ligne au clair avec la loi, fournis par les éditeurs : si un texte sur la plate-forme ne correspond à son équivalent dans cette base de données, il est identifié comme piraté. L’idée n’est certes pas mauvaise mais elle est difficile à mettre complètement en pratique : il est extrêmement difficile à Scribd de connaître et de rassembler tous les textes du monde afin de pouvoir constituer une base de données exhaustive… et donc efficace ! Si un auteur pointe du doigt un texte piraté, celui-ci est retiré de Scribd. Par contre, les autres textes que le même utilisateur aurait installé ne seront pas nécessairement retirés. Et le texte piraté-retiré réapparaît parfois tout aussi vite. L’approche de Scribd ne semble donc pas (encore) optimale, surtout lorsqu’on compare avec Oyster : cette autre plate-forme d’abonnement à des livres numériques ne semble pas connaître les mêmes problèmes de piratage… Elle repose sur un autre modèle, où le dépôt par des particuliers n’est pas possible.

Scribd est visiblement accessible en Belgique également et en France, où elle connaît aujourd’hui pas mal de trafic. Les problèmes de piratage ont eux aussi passé l’océan. Le Groupement pour le développpement de la Lecture Numérique détaille donc quelques étapes aux auteurs afin de les aider à préserver leurs droits. Vous les avez en version originale ici. En voici un aperçu : d’abord, s’adresser à Scribd afin que la société retire et ne laisse plus entrer à l’avenir du contenu piraté sur lequel vous avez des droits. Le GLN propose d’ailleurs un courrier à télécharger. Si cette première démarche n’avait pas le résultat escompté, il est temps de s’adresser à Apple ainsi qu’à Google Play. Le GLN fournit les adresses auxquelles s’adresser. Apple pourrait décider de retirer l’application et de vous rembourser les sommes perçues par Scribd comme abonnement. Enfin, si les choses ne s’arrangeaient pas, il serait temps de faire signe à un juriste. Le GLN laisse son adresse, afin de pouvoir être tenu au courant de la situation… Et l’association envoie d’ailleurs un courrier à Scribd exprimant son inquiétude face à ces constats de piratage.

Si ces plates-formes d’abonnement sont révolutionnaires pour les rats de bibliothèque – un jour, il n’y aura plus de fringale de lecture inassouvie ! -, elles posent aussi question aux auteurs : quel revenu peuvent-ils en tirer, et comment ? Comment peuvent-ils se prémunir du piratage ? Ces questions sont déjà brûlantes : on a vu le modèle du streaming gagner du terrain dans l’industrie de la musique (Spotify) ou du film (Netflix). Ces évolutions n’ont pas laissé les créateurs, et leurs revenus, sans impact. Côté texte, ce modèle d’abonnement cherche son équilibre… Aux acteurs du secteur de suivre ces évolutions attentivement et de prendre position !

Ailleurs sur la toile:

Le site de « Science Fiction and Fantasy Writers of America », SFWA, « Writers Beware » a communiqué très clairement sur ces questions : à lire ici.

Ailleurs sur Lettres numériques:

Le piratage des livres : qu’en disent les chiffres? (en 2013)

Crédit photo: ebouquin.fr

— Sibylle Greindl

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