Le prix de la publicité en ligne


Bloquer la publicité en ligne devient monnaie courante. Évidemment, ceux qui comptent sur les revenus de la publicité apprécient modérément. Les lecteurs, eux, auraient sans doute intérêt à pouvoir choisir comment ils paient leur lecture…

Ces temps-ci, il y un chiffre qui circule et qui effraie la presse en ligne, les moteurs de recherche, bref toute l’industrie qui donne à lire du contenu via internet : 50. 50%. Il se pourrait que 50% des annonces publicitaires, dont cette industrie tire une large part de son revenu, n’atteignent en fait jamais l’écran d’un client potentiel. Pourquoi ? Comment ? Les systèmes de blocage de publicité, «ad block», deviennent de plus en plus populaires. Ces logiciels ont longtemps été réservés aux amateurs de technologies. Désormais, ils sont à portée du clic de tout un chacun : ils se greffent sur un navigateur web, Chrome ou Firefox par exemple. De là, ils bloquent les messages et autres vidéos publicitaires qui s’y seraient autrement imposées.

Les Allemands sont les champions du blocage de la publicité : c’est de là que vient la start-up Eyeo, et c’est à elle que l’on doit le très populaire Adblock Plus. Ce dernier, indique la start-up, aurait été téléchargé plus de 400 millions de fois… apparemment, dans la légalité : la justice allemande a donné raison à Eyeo dans le procès qui l’opposait à la presse allemande ce printemps. Les Français emboîtent le pas aux Allemands et les Américains suivent doucement. Ce sont les millenials, nés aux côtés de l’informatique, qui sont les plus enclins à installer un ad block. Plus un site attire les technophiles, plus il a de chances de se voir coller un ad block : les publicités sont bloquées sur 80 à 90% des sites de jeux. On parle de plus en plus également d’ad blocks pour les téléphones. Par exemple, les utilisateurs d’iPhone pourront installer facilement des ad blocks pour Safari sur iOS 9, dont le lancement est prévu à l’automne 2015.

Les journaux en ligne, les moteurs de recherche, la lecture sur un Kindle ou autre support connecté à Internet : tous tirent une partie plus ou moins grande de leurs revenus sur la publicité en ligne. Voilà que ces revenus se trouvent maintenant menacés par l’arrivée au galop de ces ad blocks. L’industrie rebondit face aux lecteurs lassés de la publicité :

  • Google ou Microsoft payeraient pour passer à travers le filtre d’Eyeo et de son AdBlock Plus, rapporte le Financial Times ;
  • le lecteur qui parcourt le site du The Guardian en en bloquant la publicité voit apparaître un message poli, mais clair : « peut-être voulez-vous soutenir ce journal autrement ? » ;
  • Amazon a lancé un Kindle aux États-Unis en 2011 avec une solide réduction sur le prix, en échange d’un peu d’attention aux messages publicitaires qui y circulent. Bien vite, les lecteurs fatigués de ces publicités ont trouvé le moyen de les bloquer en cachette d’Amazon. Résultat, la multinationale a finalement proposé aux acheteurs de ce Kindle à prix réduit de se débarrasser des publicités moyennant 30 $ – la différence de prix initiale entre les Kindle avec et sans publicité.

Amazon n’a pas attendu que les lecteurs en aient assez de la publicité imposée pour être explicite : ce que vous lisez a un prix, vous pouvez le payer totalement en argent sonnant et trébuchant ou le payer pour partie avec votre attention à de le publicité. Ce prix, en 2011, c’était 30 dollars chez Amazon. Ainsi, le lecteur sait combien il paie et il choisit aussi comment il le paie. Et c’est là tout l’intérêt de la manœuvre…

Si le lecteur choisit de laisser place à la publicité, plutôt que de payer, il devra probablement faire ce choix en s’enregistrant et en permettant donc une certaine identification de son profil. Les publicités qui lui arriveraient seraient donc probablement plus ciblées, donc plus pertinentes à ses yeux. Les annonceurs publicitaires cherchent toujours à mieux cibler leurs publicités, donc à mieux connaître leur public-cible. Les deux parties pourraient donc y trouver leur compte. Permettre au lecteur un choix éclairé ferait donc sans doute gagner un peu tout le monde…

Source photo : clubic.com

— Sibylle Greindl

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