La croissance de l’audiobook signifie-t-elle le déclin de l’ebook ?

Omniprésent dans les médias depuis quelques mois, le livre audio semble apporter un vent de renouveau sur le marché et séduit de plus en plus de lecteurs tandis que la croissance de l’ebook observe un léger recul. Comment se lancer dans le livre audio ? Et quel danger représente-t-il réellement pour le livre numérique ? Lettres Numériques vous livre quelques pistes.

À l’occasion de la 4e rencontre internationale des distributeurs numériques, une table ronde était organisée sur le développement et la commercialisation d’audiobooks. Comment produire des audiobooks de qualité et quel sort le livre audio réserve-t-il au livre numérique ?

Cette table ronde réunissait les intervenants suivants :

  • Jo Forshaw, Directrice des contenus audio chez HarperCollins UK ;
  • Jonas Tellander, CEO de Storytel, entreprise suédoise qui propose des audiobooks en streaming ;
  • Marcin Beme, CEO d’Audioteka, entreprise polonaise qui propose l’achat d’audiobooks et des applications de lecture dédiées.

L’audiobook pour atteindre un public nouveau

L’une des plus grandes forces de l’audiobook réside dans sa capacité à toucher des publics qui ne sont pas forcément adeptes de lecture à la base. Marcin Beme livre son expérience en Pologne : « En Pologne, le marché du livre est minuscule, l’un des plus petits en Europe. Les gens lisent très peu et n’aiment pas forcément ça. L’audiobook nous a réellement aidés à éveiller un intérêt pour la lecture. » Afin de rendre le livre audio plus attractif et de le différencier le plus possible d’un livre classique, plusieurs techniques existent, notamment le recours à différents acteurs pour une même histoire ou encore l’ajout d’effets sonores et de bruitages. Si ces solutions sont très populaires auprès des lecteurs occasionnels, elles le sont beaucoup moins pour les amoureux de lecture, qui préfèrent des livres audio simples, sans effet et avec une seule voix.

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Pourquoi l’audiobook devient-il si populaire tout à coup, sachant que les livres avec CD existent depuis de nombreuses années ? « Le smartphone est la clé de tout », explique Jonas Tellander. Cela permet effectivement aux auditeurs d’écouter leurs livres audio partout, tout le temps via une simple application. Mieux encore, les auditeurs peuvent très bien écouter leur livre via leur smartphone tout en effectuant d’autres tâches sur celui-ci.

Afin de réussir sur le marché de l’audiobook, tous les intervenants s’accordent à dire qu’il faut distribuer ses livres audio sur le plus de plateformes possibles et éviter de passer uniquement par Audible, qui partage très peu d’informations avec ses éditeurs partenaires.

Enfin, et c’est là le plus important, le contenu passe avant tout. « Peu importe le format, ce qui compte, c’est l’histoire que vous racontez », affirme Jo Forshaw. Actuellement, les audiobooks pour enfants deviennent de plus en plus populaires, tout comme les thrillers et la romance.

Le podcast, un concurrent ?

Face au livre audio, dont le coût reste actuellement conséquent, le podcast est perçu comme un adversaire de taille. Disponibles gratuitement, de bonne qualité, ces enregistrements ont tout pour concurrencer l’audiobook, à l’exception du contenu : les podcasts permettent généralement de réécouter des émissions de radio ou de télé mais ne proposent pas de livres. Pour Marcin Beme, il s’agit là justement d’un public à conquérir : « Ces personnes sont déjà adeptes du concept. Si nous arrivons à faire tomber les barrières entre podcast et livre audio, nous pourrons atteindre tout un nouveau public cible. »

Audiodooks et ebooks : complémentarité ou cannibalisation ?

« L’ebook importe peu, il ne survivra de toute façon pas à l’audiobook », un avis tranché émis par Jo Forshaw (HarperCollins) qui interpelle et pose question. Il est vrai que l’audiobook présente certains avantages non négligeables.

  • Un aspect multitâche : l’audiobook permet aux auditeurs de faire plusieurs choses en même temps, c’est notamment l’une des raisons pour lesquelles il est par exemple si souvent écouté lors de déplacements en voiture.
  • Une immersion totale : l’audiobook permet de se plonger pleinement dans une histoire et d’être moins dérangé par les éléments extérieurs.

Mais deux éléments cruciaux jouent en la faveur des livres numériques :

  • Le coût. Un livre audio de qualité coûte actuellement aux alentours de 20 €, un prix tout à fait raisonnable si l’on prend en compte les frais liés à la production, la rémunération des lecteurs, etc., mais qui peut facilement décourager les lecteurs avec moins de moyens. Pour un même livre, l’ebook sera généralement moins cher que le livre audio. Pour prendre un exemple concret, Le temps est assassin de Michel Bussi est actuellement commercialisé à 12,99 € au format ebook et à 21,95 € en audiobook. Bien entendu, certaines grandes maisons d’édition continuent à appliquer des prix très élevés pour leurs livres numériques, mais, de manière générale, le prix de l’ebook reste relativement moins élevé. De même, les abonnements tels que celui proposé par Audible se révèlent beaucoup moins avantageux pour les gros lecteurs que des abonnements de type Kindle Unlimited ;
  • L’expérience de lecture. Il existe une grande différence entre lire un livre soi-même de manière active et l’entendre être lu par une tierce personne. Pour les amoureux des livres, la dernière option n’est pas forcément la plus séduisante et ne s’adapte pas à tous les types de lecture.

L’audiobook est-il à l’ebook ce que l’ebook était au papier il y a quelques années ? À chaque apparition d’un nouveau format, force est de constater que le débat sur la cannibalisation des autres supports de lecture reprend de plus belle. Finalement, ne serait-il pas plus sain d’envisager l’apparition de ces nouveaux formats comme de nouveaux usages complémentaires à ceux déjà existants ? Comme l’expliquait très justement Nathan Hull de Bookchoice, l’ebook et l’audiobook ne répondent pas forcément aux mêmes besoins et ne touchent donc pas les mêmes publics (pour relire notre article à ce sujet, c’est ici).

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— Mélissa Haquenne

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Mélissa Haquenne

Digital Publishing Professional