Uropa : critique d’une création numérique

Comment ne pas être intrigué face à cette toute nouvelle application pour iPad que nous proposent les éditions Casterman et lancée au Salon du Livre de Paris 2012 ? Uropa … ce nom ne vous évoque-t-il pas quelque chose? L’Europe, bien sûr. L’attribution de ce titre par ses auteurs Bernard Hislaire (sous le pseudonyme de Bernar iSlaire cette fois) et Laurence Erlich n’est certainement pas anodine puisqu’ils s’attachent à y dépeindre les décors et la vie à Uropa, la fictive capitale européenne bâtie sur les ruines de l’ancienne Bruxelles… en 2032. Analyse d’un projet à la frontière du livre numérique.

Le feuilleton, dont les 10 épisodes numériques sortiront tous les 21 du mois jusqu’en décembre 2012, compile les détails troublants d’une intrigue judiciaire et les présente de manière tout à fait originale. Il propose un mode narratif  innovant et enrichi grâce à l’intégration de vidéos, de montages photos, de bandes-sons, de séquences documentaires et de cartes géographiques auxquels se mêlent des planches de bandes dessinées. Un projet entièrement conçu pour une lecture digitale sur la fameuse tablette d’Apple, ce qui est pour le moins original dans le monde de la BD traditionnelle.

Il convient également de souligner les subtils rapprochements qu’ont orchestrés les auteurs entre certaines réalités d’aujourd’hui en tant que citoyens résidant en Belgique – en Europe – et les propositions narratives de cette sombre fiction. Les exemples sont nombreux; nous retiendrons notamment les campagnes présidentielles, ou encore les tueries quotidiennes à travers le monde. ISlaire, lui-même, explique dans l’édito du 1er janvier que «  tous les jours, (il se crée sa) vision du monde, grâce ou à cause de ces écrans qui en sont la fenêtre. » Plus loin, il insiste même sur les notions de réalité et de vérité dont il dit qu’elles « se confondent religieusement dans les infos. » Ainsi, c’est à partir de faits réels que les auteurs organisent les séquences et livrent au fil des mois la trame de l’histoire de leur ambitieux projet.

Au niveau visuel, l’amateur de dessins et de recherches graphiques sera comblé, car les illustrateurs ont mélangé les styles, les polices, les matières et les supports. Le code couleur sombre variant entre le noir, le gris et le rouge qui accentue l’aspect dramatique de certaines scènes, traduit superbement la sinistre atmosphère du récit. Malgré les quelques coquilles rencontrées dans le texte, nous voudrions saluer cette initiative emprunte d’une forte volonté de révolutionner les modes de narration et de lecture.

Au delà d’un récit novateur, Uropa annonce surtout une nouvelle tendance dans la bande dessinée : celle des projets 100% numériques. Sans équivalent papier, l’œuvre de Bernar iSlaire et Laurence Erlich se démarque à l’heure où la plupart des majors de la BD se contentent de créer des applications permettant de télécharger des planches au format PDF. L’application apparait ici comme le choix le plus pertinent compte tenu du fait que les formats ebook n’offrent pas encore de tels effets visuels. Notez cependant que cette application n’est accessible que sur iPad via l’Appstore, ce qui risque de frustrer plus d’un fan du célèbre dessinateur.

JN

— Stéphanie Michaux

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Stéphanie Michaux

Digital publishing professional