Club trace sa voie numérique

Longtemps, Alexis Chaperon a travaillé dans une librairie bien connue des Bruxellois : Filigranes. En tant qu’administrateur au côté de Marc Filipson, il y a introduit le numérique avant de poursuivre son parcours chez Club, une chaîne de librairies et de papeteries implantée partout en Belgique. Aujourd’hui, il entend développer les initiatives de cette chaîne dans le domaine du livre numérique.

Parlez-nous de votre parcours et pourquoi avez-vous quitté la librairie indépendante pour un groupe ?
Arrivé en tant qu’étudiant chez Filigranes, j’ai peu à peu monté les échelons jusqu’à devenir administrateur. Très intéressé par le numérique, j’y ai initié une légère transition vers le digital avant d’être approché par Club. Ils recherchaient un nouveau profil pour deux raisons : à la fois doter le réseau d’un outil de gestion propre à la librairie et se lancer dans le numérique.

Le numérique, c’était surtout dans les deux cas, une question de positionnement. On savait que cela n’allait pas être rentable mais on se devait d’être présent entre autres pour répondre aux besoins de nos clients avant que d’autres ne le fassent comme Amazon ou Apple.

Comment avez-vous organisé ce passage au numérique dans le cas de Club ?
Auparavant, Club ne disposait pas d’outils de gestion adaptés à la librairie. De ce fait, les libraires du groupe étaient très tributaires des représentants. J’ai commencé par les connecter à Tite-Live pour qu’ils puissent avoir un accès à l’intégralité du catalogue français. Après, nous avons organisé des formations pour le personnel car nous avons d’une part, des libraires très qualifiés et d’autre part, des employés sans formation axée sur le livre, qui ont besoin davantage d’aide.

Pour les livres numériques, j’ai tout naturellement repris contact avec ePagine avec qui j’avais travaillé pour Filigranes et nous avons lancé « Club digital« , une plateforme trilingue (français, anglais, néerlandais) de téléchargement de livres numériques en décembre dernier. Ce fut un vrai parcours du combattant pour proposer un catalogue le plus complet possible à nos lecteurs. Nous avons négocié plus de vingt contrats avec des distributeurs, des remises et des rémunérations différentes. Oui, on peut le dire, ce fut la jungle, surtout pour la comptabilité.

Pour le lancement de notre offre numérique, nous nous étions associés à Bookeen et nous avons été les premiers en Belgique à distribuer sa liseuse Cybook Odyssey. Le seul problème c’est que nous n’avions pas anticipé le service après-vente que cela allait demander. Je me retrouve aujourd’hui avec 40 tablettes défectueuses sur mon bureau. Mais nous retenterons l’expérience cette année au moment des fêtes sans doute avec une tablette.

Même si je ne crois pas que le rôle du libraire soit de vendre des appareils, j’estime que c’est néanmoins nécessaire pour le moment. Nos clients ne viennent pas vers nous pour nous demander des conseils de lecture mais bien pour savoir comment fonctionne un livre électronique. Nous assurons un rôle pédagogique  mais nous ne continuerons pas indéfiniment dans cette voie.

Comment envisagez-vous le marché du livre numérique et son développement en Belgique ?
Comme je l’ai dit, il faut d’abord passer par une phase d’évangélisation, nous y sommes. Pour évoluer, le marché doit se structurer, les éditeurs traditionnels doivent réaliser que le papier n’est plus le seul support de vente. Je vais prendre un exemple tout simple, en préparant les publicités pour la rentrée littéraire, j’ai dû vérifier un à un la disponibilité des titres au format numérique parce que je n’ai reçu aucun élément de communication à ce sujet.

Je pense également que les choses vont s’accélérer lorsqu’il y aura un best-seller numérique français, une véritable révélation, un peu comme le récent Fifty shades of Grey sur le marché anglo-saxon. A partir de ce moment-là, les choses vont se précipiter et ce seront les éditeurs pure-player qui vont tirer leur épingle du jeu car ils offrent des prix décents, des bons livres et des formats de qualité.

Quels sont les plus grands défis pour les libraires ?
Si les professionnels du livre ne se positionnent pas très vite, ils laisseront la place à d’autres acteurs qui utiliseront le livre numérique comme produit d’appel. Ce n’est pas très difficile d’imaginer Belgacom ou Darty en France offrir des livres numériques avec des abonnements ou des appareils. Chez Club, nous avons conscience de ces défis et nous évoluons dans ce sens. Pour les fêtes, nous allons éditer un livre numérique de cuisine pour nos clients. C’est un peu un retour à la tradition des libraires-éditeurs.

Pour moi, un libraire doit d’abord penser pour le lecteur et pas en termes de livres, cela fera toute la différence.

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— Stéphanie Michaux

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Stéphanie Michaux

Digital publishing professional