Retrait du DRM 3 d’Adobe: la première victoire des lecteurs numériques
Il y a quelques jours, Adobe annonçait le renouveau de ses verrous numériques (DRM pour Digital Rights Management). Cette semaine, la firme américaine a dû faire marche arrière. Autoproclamée inviolable, la nouvelle version d’Adobe a dû affronter non pas des pirates et des hackers mais une émeute populaire et professionnelle.
En effet, la semaine dernière, un orage de tweets se propageait sur la toile, en dénonçant de nombreux soucis de compatibilité. Des utilisateurs rapportaient que la nouvelle technologie d’Adobe rendait impossible la lecture d’ebooks sur certains appareils si ceux-ci n’étaient pas mis à jour. Adobe laissait aux constructeurs de tablettes jusqu’au mois de juillet 2014 pour mettre leur système à jour et migrer vers ACS 5. Une telle décision commerciale a rapidement déclenché la foudre des professionnels du livre numérique. Maudit DRM!
Mais rappelons ce qu’est un DRM : c’est l’ensemble de dispositifs technologiques qui ont pour but de contrôler l’utilisation de contenus numériques, par un système d’accès conditionnel. Techniquement, le produit est chiffré et la clé d’accès au produit n’est accordée par le fournisseur qu’en échange d’une preuve d’achat. Nadja Vincze, production manager chez Primento, nous éclaire un peu plus le sujet: « Concrètement, si j’achète un ebook sur l’iTunes, Apple contraint l’utilisation de ce fichier en limitant son usage à un nombre limité d’appareils connectés à mon identifiant. Interdiction donc de prêter le livre numérique ou de l’installer sur un autre appareil d’une marque concurrente. «
Cette mise à jour souhaitée par Adobe allait engendrer une incompatibilité, empêchant la lecture de fichiers anciens, et contraignant les acteurs du livre numérique à des énormes évolutions en quelques mois.
La décision irréfléchie (ou pas) de ce géant de l’industrie menaçait la survie d’innombrables acteurs de la chaine de valeur du livre numérique : développeurs d’applis, fabricants d’e-readers, éditeurs, libraires online… se voyaient déjà contraints de mettre à jour leur firmware et la programmation, ou à prendre en otage leurs milliers de clients – incapables de lire les ebooks qu’ils ont achetés légitimement. Adobe aurait été responsable d’une véritable fracture entre les lecteurs numériques et aurait menacé profondément le marché. Certains clients allaient allumer un jour leur appareil sans pouvoir être en mesure de lire les ebooks qu’ils avaient achetés dans le passé. De quoi les dégoûter de la technologie ou des offres payantes.
De nombreuses voix se sont élevées contre cette décision unilatérale : Micah Browers (PDG de BlueFire) a été le premier à donner l’alerte et déclencha une véritable mutinerie. De nombreux acteurs ont réagi publiquement : Hadrien Gardeur de Feedbooks, Miriam Behmer d’Ebook.de… jusqu’à Gallimard ! Face à l’indignation générale, cette fois-ci, Adobe a perdu la bataille et a été forcé de rectifier sa politique. Une première victoire des lecteurs et des professionnels du numérique!
La politique du DRM prouve donc bien ses limites et surtout le danger que représente la main-mise technologique d’un acteur mondial tel qu’Adobe. Il ne reste maintenant qu’à convaincre d’autres géants : Apple, Amazon ou Kobo, qui utilisent tous leur propre DRM, d’abandonner le DRM pour le bien des lecteurs.
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— Stéphanie Michaux