« 40 000 km plus loin », le premier roman numérique de Philippe Lecrenier

Portrait d’un artiste aux mille facettes.

Philippe Lecrenier est Liégeois, il est aujourd’hui musicien, auteur et journaliste mais finalement, à bien l’écouter nous décrire son parcours, ce sont trois métiers qu’il pratique depuis son plus jeune âge. En décembre dernier est paru à l’Aurore 40 000 km plus loin, son premier roman enrichi.

Né en 1986, il se découvre très tôt  une passion pour l’écriture. « Petit, j’avais pas mal d’insomnies, et l’écriture est devenue rapidement une thérapie. J’écrivais tout le temps : des histoires, des dissertations. J’en avais besoin. » Curieux de tout et désireux de transmettre ce qu’il a découvert, il choisit d’entamer des études en communication à l’Université de Liège avec une finalité spécialisée en journalisme. Les cours de vulgarisation scientifique sont pour lui une véritable révélation qui lui permettent d’explorer des domaines très divers et c’est finalement dans cette voie professionnelle que Philippe se dirige une fois son diplôme en poche. Il est engagé par le site « Réflexions » de l’Université de Liège, d’abord comme collaborateur puis comme secrétaire de rédaction avec la possibilité de continuer à rédiger des articles. Un an plus tard, l’équipe de Réflexions lui offre un CDI ; parallèlement, un contrat de chercheur lui est également proposé pour rédiger une thèse sur les grandes maisons de disque et le numérique.

À la même époque, sa carrière de musicien commence à décoller : Philippe lâche finalement tout pour la musique et le statut d’artiste. Il évolue aujourd’hui comme bassiste et pianiste au sein des groupes Yew et Lieutenant. En 2011, il rejoint également le Collectif Mensuel pour composer et interpréter, avec Quentin Halloy, la musique de la pièce « L’homme qui valait 35 milliards », adaptation du roman de Nicolas Ancion.

Comment est né 40 000 km plus loin ?

Jusqu’à ce que j’arrive à l’université, j’avais eu pas mal d’idées de romans, des trucs d’ados que l’on commence et que l’on ne finit pas. Mais au début de mes études, une des idées a germé dans mon esprit et a fait son chemin. Malheureusement, entre les cours, la musique, l’enregistrement de l’album… je n’avais pas trop le temps de me consacrer pleinement à l’écriture. Au moment où j’ai pris la décision d’être musicien à temps plein, j’avais deux mois de battement devant moi et j’ai choisi de les consacrer à la rédaction de ce roman que j’avais en tête depuis 6 ans.

Quel a été votre premier contact avec le numérique ?

J’ai approché le numérique par le biais de la musique.  En fait, j’ai fait mon mémoire de master (en 2009) sur les réactions des grandes maisons de disques comme Warner, Universal, EMI et Sony face au numérique. Je voulais savoir à quel point le numérique allait leur poser les problèmes financiers qu’ils semblaient tant redouter. J’ai étudié leur discours en le comparant à leur rapport annuel entre 2004 et 2008. Au final, il s’est avéré que grâce au numérique, les grandes maisons de disques progressaient réellement et qu’aucune de ces 4 grandes entreprises ne perdait d’argent comme elles le prétendaient dans les médias. Très rapidement, le numérique était devenu une grande part de marché et ces sociétés étaient en partenariat avec toutes les grandes entreprises de télécommunication.

J’ai très vite été confronté à cette espèce de bipolarité entre le discours qui était tenu par les grandes maisons de disque et ce qu’il se passait réellement pour elles au niveau des chiffres mais aussi des progrès technologiques dont elles bénéficiaient.

J’ai parfois l’impression que les discours tenus par certains acteurs du monde de l’édition sont les mêmes. J’en arrive à penser qu’il y a un gouffre théorique et philosophique entre les discours et la réalité, par exemple lorsque l’on aborde la question du prix d’un livre numérique. Celui-ci est encore souvent vendu au prix d’une œuvre matérielle alors que certains éditeurs insistent sur le fait que l’acheteur n’a aucun droit sur ce qu’il achète. Et même si Amazon, pour ne parler que de lui, est un intermédiaire très gourmand, rien ne justifie de vendre des romans numériques au même prix que leur correspondant papier.

Etait-ce une des raisons qui vous ont poussé à proposer le premier tome gratuitement pendant un temps ?

Le premier était gratuit parce que je suis musicien et que personne ne m’attendait comme écrivain. J’ai tout à prouver, c’était donc un moyen de me faire connaître. L’offre est aujourd’hui terminée mais ça reste des livres très abordables. 3,99 euros par livre, c’est raisonnable.

Quel est votre rapport aujourd’hui à la lecture sur tablette ou liseuse ? Vous êtes convaincu ?

Je suis un gros lecteur mais jusqu’alors, je lisais beaucoup sur papier. Il y a quelques mois, on m’a offert un Kobo. Donc je dois bien avouer que je suis toujours dans la phase de découverte mais je suis de plus en plus conquis. J’ai toujours du mal à réaliser que je peux balader autant de livres dans une si petite machine ; je peux les classer, ajouter des notes de lecture qui sont directement envoyées sur mon ordi… Au niveau bureautique et au niveau de la récolte d’informations, c’est vraiment très pratique.

Ce que je trouve toujours drôle, ce sont les gens qui disent qu’ils préfèrent les grandes bibliothèques, que la lecture a plus de charme sur le papier mais généralement, rien n’empêche ces gens d’avoir leur musique sur un iPod. Pour moi, c’est exactement la même chose, et cette situation ne fait que confirmer que l’industrie de la musique a toujours dix ans d’avance sur le reste. Chaque fois qu’il y a eu de gros bouleversements dans les médias ou dans les supports, c’est toujours la musique qui a devancé l’évolution. Au début des années 2000, quand les gens ont commencé à télécharger leurs artistes préférés, se sont acheté des lecteurs numériques, une grosse onde de choc s’est fait ressentir dans le quotidien mais aujourd’hui, c’est comme si ça avait toujours existé.

On peut comparer la situation avec l’édition numérique. Chacun essaie de trouver sa place, de tirer son épingle du jeu. Mais finalement, dans les grandes villes comme Londres, Paris, et même Bruxelles, on croise déjà énormément de gens dans les métros, dans les bus et les trains qui lisent sur tablette ou sur liseuse. La révolution a déjà eu lieu. Petite parenthèse d’ailleurs, je me suis demandé dernièrement si ce ne serait pas intéressant de faire une étude sur la corrélation entre les transports en commun et la lecture numérique, je suis sûr qu’on en tirerait des conclusions intéressantes. [ndlr : cela fait partie des articles en projet de Lettres numériques !]

Quand votre livre a été terminé, est-ce que vous avez tout de suite pensé au numérique ?

Quand j’ai eu fini d’écrire, j’avais prévu de suivre la voie traditionnelle de publication. Je dois bien avouer qu’à cette époque, je ne connaissais pas grand chose à l’édition numérique et honnêtement, je n’ai pas pensé à cette solution-là dans un premier temps. J’étais confiant, je pensais que ca n’allait pas être compliqué de publier un roman.

J’ai donc envoyé le manuscrit partout en France, dans les grandes maisons d’édition. Évidemment, sans l’avoir lu, ils m’ont répondu par la négative. Puis un ami qui a fait un stage chez un grand éditeur parisien m’a un peu expliqué comment les choses se déroulaient réellement et finalement, j’ai compris que ça allait être plus compliqué que prévu.

Alors comment êtes-vous arrivé à l’Aurore ?

J’ai entendu parler de Julien de Marchin qui, avec son collègue, avaient lancé une maison d’édition numérique, l’Aurore. Je le rencontre et lui propose mon manuscrit. Il le lit, ça lui plait et me propose de m’éditer, mais avant ça, il veut que je retravaille le texte. Effectivement, le roman que j’avais envoyé était un premier jet. Il me conseille également de diviser le roman en trois tomes. Les trois parties existaient déjà mais je l’avais proposé en un seul tome. Il m’a donc renvoyé le manuscrit avec ses commentaires (et il y en avait un certain nombre !), puis il a fallu que je me replonge dans le roman. En fait, ça faisait déjà un an et demi et que je l’avais fini et entre-temps, j’en avais écrit deux autres (que je suis en train de retravailler pour la publication), moi-même j’avais mûri mon écriture. J’ai donc changé pas mal de choses, je me suis enfermé pendant un mois et j’ai tout réécrit. Je lui ai reproposé le texte et on l’a publié en décembre.

Est-ce que ce serait quand même important pour vous de publier une version papier du roman ?

C’est quelque chose qui me tient quand même à cœur mais pas pour les raisons que l’on croit.  En fait, autour de moi, les gens ne sont pas tous convertis au numérique, une liseuse, c’est quand même un investissement et bon nombre d’entre eux n’en possèdent pas. Je crois que finalement, de tous les gens qui ont entendu parler du livre et ont manifesté l’envie de le lire, seuls 40% d’entre eux ont sûrement pu le faire réellement, faute d’outils adéquats. Les autres me demandent régulièrement comment ils pourraient se procurer mon livre, alors c’est la raison pour laquelle je voudrais pouvoir proposer à ces gens une version papier. C’est ce que l’on va faire à l’Aurore, où ils publient déjà des choses en impression à la demande.

En tant que musicien, publier en numérique ouvre de nombreuses possibilités à côté desquelles vous ne pouviez passer, n’est-ce pas ?

Finalement, même si ce n’était ma première idée de publier 40 000 km plus loin en numérique, je suis très content de l’avoir fait. Je pense que c’est l’avenir de l’édition et je suis assez fier d’avoir pu faire partie des premières générations à publier en numérique.

De plus, d’un point de vue strictement artistique, le numérique permet des œuvres hybrides. Effectivement, en tant que musicien, j’ai trouvé ça formidable de pouvoir intégrer dans le deuxième tome un morceau que j’avais composé.

Le numérique permet de révolutionner l’acte de lire. Je crois que dans 10 ou 15 ans, une grosse partie des bouquins numériques exploiteront aussi les autres médias. Pour moi, c’est aussi ça l’avenir de la lecture.

https://soundcloud.com/laurore-net/tim-dalrey-war-edwin-starr

Résumé :

40 000 km plus loin est roman-saga à deux voix (un père et son fils) qui narre l’irrépressible rupture entre deux générations qui ne se comprennent pas, ou plus. Rupture familiale d’abord, entre un père irresponsable et un fils en quête d’identité ; rupture sociale aussi, entre un monde établi sur des bases séculaires et un nouveau sentiment d’appartenance à une collectivité qui se réinvente en permanence.

Plus d’info ici http://www.laurore.net/portfolio/40-000-kilometres-plus-loin/

En vente ici : http://www.amazon.fr/000-kilomètres-plus-loin-ebook/dp/B00AQ4TNOY

https://itunes.apple.com/fr/book/id588835756

V. D’Anna

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— Vincianne D'Anna

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