Pour que le DRM ne soit plus un frein pour le lecteur numérique…

À l’occasion de la journée internationale contre les DRM (Digital Rights Management) qui se tiendra le 6 mai prochain, Lettres Numériques en profite pour faire le point et revenir sur un débat qui agite le marché du livre numérique depuis quelques années déjà. Quels intérêts se dissimulent derrière les DRM et quelles sont les conséquences qui en découlent pour les lecteurs et les libraires indépendants ? Zoom spécial sur un système contraignant qui n’a apparemment pas encore fait ses preuves et dont la légitimité est de plus en plus remise en question ces derniers temps.

Pourquoi des DRM ? Un choix des distributeurs et éditeurs

Commençons par un bref rappel de ce qu’est un DRM. Il s’agit d’un verrou apposé aux fichiers numériques pour en restreindre l’utilisation et donc éviter leur propagation. Le DRM est à différencier du watermarking ou tatouage numérique qui consiste en l’ajout, à l’intérieur du fichier acheté, des coordonnées de l’utilisateur. Ce système n’implique aucune contrainte pour le lecteur, hormis le fait que, s’il se livre au piratage, il peut être identifié, étant donné la présence de ses coordonnées personnelles dans l’ebook. Le marquage numérique est donc avant tout dissuasif alors que le DRM contraint sévèrement l’utilisation du fichier acquis.

Les instigateurs de l’usage des DRM sont avant tout les distributeurs et grands libraires numériques comme Amazon ou Apple. Une solution harmonisée pour l’utilisateur ? On en est malheureusement bien loin puisque chacun des acteurs a choisi d’apposer son propre verrou numérique, complexifiant ainsi les démarches d’achat et la lecture d’ebooks. Les éditeurs participent également à cette complexification de la lecture numérique puisque la plupart des grandes structures ont choisi d’adopter la solution DRM d’Adobe, même sur les librairies qui n’imposent pas leurs propres verrous. Mais quelles sont les véritables raisons d’un tel choix ? Distributeurs et éditeurs invoquent une cause commune : le piratage et la préservation du droit d’auteur. Or il est de plus en plus certain que le DRM n’empêche pas ce fléau, étant donné la facilité avec laquelle il est possible de le casser pour celui qui s’y connait un tant soit peu. En réalité, le DRM aurait plutôt tendance à ralentir de manière générale les ventes d’ebooks.

Le point de vue des libraires indépendants et des lecteurs

Aujourd’hui, les lecteurs sont mécontents car leurs droits sont entravés. Ils ne sont plus les heureux propriétaires de livres mais plutôt les détenteurs de licences d’utilisation qui les contraignent et les emprisonnent dans des systèmes clos.  Prêter un ebook relève du défi, sans compter que certains lecteurs numériques peu avertis sont parfois tout simplement incapables d’ouvrir le fichier qu’ils viennent d’acheter. Face à ces multiples problèmes liés aux DRM, l’utilisateur perd patience, contacte le service après vente pour finalement  parfois renoncer à son achat et être remboursé.

Ce n’est pas pour plaire aux librairies indépendantes qui sont ainsi privées de certaines ventes numériques et doivent assurer un service après vente coûteux en termes de temps et d’argent. Face à un système complexe comme le DRM d’Adobe, les lecteurs ont tendance à opter pour des solutions toutes trouvées comme celles d’Amazon ou Apple, afin d’éviter les problèmes. Les DRM apparaissent donc comme un frein pour les libraires indépendants qui ne parviennent pas à se dresser contre les leaders mondiaux, lesquels proposent des systèmes clos et limités mais pourtant rassurants pour les lecteurs numériques.

Un débat au coeur du marché du livre numérique

Depuis quelques mois, le DRM, qui ne faisait déjà pas l’unanimité, est de plus en plus controversé et remis en question. Ainsi, depuis début 2015, plusieurs éléments sont venus entraver son développement. En janvier dernier, le nouveau contrat d’édition français contraignait l’éditeur à publier son ouvrage « dans un format numérique non-propriétaire ». Ensuite, c’est en février que le directeur du syndicat des éditeurs et des libraires allemands avait appelé les éditeurs allemands à abandonner les DRM. Enfin, lors du Salon du Livre de Paris qui s’est tenu en mars 2015, la maison d’édition 100% numérique Uppr annonçait le retrait des DRM de tous ses ebooks au profit du watermarking, une décision également prise par l’américain ComiXology pour simplifier la vie de ses lecteurs.

Le piratage ne serait-il pas en réalité un prétexte pour les éditeurs qui souhaitent défendre leur production papier ? De même, Adobe joue-t-il la carte de l’honnêteté en se présentant comme l’unique fournisseur de solution DRM au niveau mondial, sans oublier l’affaire d’espionnage de ses utilisateurs qui avait secoué le monde de l’édition numérique en octobre 2014 ?

La journée internationale contre les DRM, pour faire avancer le débat

Pour la 9e année consécutive, l’organisation « Defective by Design » appelle les lecteurs à manifester leur mécontentement pour faire tomber les DRM de tous les biens culturels numériques. Le 6 mai, tous pourront revendiquer leurs droits par la distribution de flyers à imprimer (ici) ou via les réseaux sociaux avec un hashtag unique #DayAgainstDRM. Selon l’organisation, le DRM ne doit plus être un frein pour le lecteur qui ne souhaite pas payer pour les potentiels utilisateurs malhonnêtes. Cette journée pourrait bien permettre d’avancer dans le débat et ainsi tendre vers une adoption plus large du numérique pour les lecteurs de tous horizons.

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— Gaëlle Noëson

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Gaëlle Noëson

Digital publishing professional