Affaire Tom Kabinet : l’Europe se positionne contre la revente d’ebooks d’occasion

Fin 2019, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a donné son avis concernant la licéité de la revente en ligne d’ebooks d’occasion. Le verdict est clair : cette pratique viole les droits d’auteur.

Rappel des faits et procédure

Créé en 2014, Tom Kabinet est un site internet d’origine néerlandaise et dont l’objet est la revente de livres numériques d’occasion, c’est-à-dire à des prix plus bas que s’ils étaient neufs, et ce sans l’autorisation des auteurs concernés. Tom Kabinet soutenait la légalité de ce procédé, car les ebooks mis en ligne avaient d’abord été achetés en bonne et due forme.

Deux associations d’éditeurs néerlandais, NUV et GAU, ont cependant déposé plainte contre le site internet, en soutenant une violation des droits d’auteur ainsi qu’une concurrence déloyale au commerce des ebooks présentés comme neufs.

L’affaire a donc été portée en appel devant le tribunal de la Haye. Ce dernier s’est toutefois vu dans l’incapacité de juger l’affaire, car il n’était pas certain de la situation applicable. Le tribunal a donc choisi d’utiliser une possibilité qui est la sienne dans de telles situations : poser une question dite préjudicielle à l’instance la plus haute de l’UE, la CJUE, et ce afin d’être certain de ne pas se tromper dans son jugement. Dans ce cas, le tribunal qui pose une telle question doit suspendre le rendu de sa décision, le temps d’attendre la réponse de la CJUE.

Pour plus d’informations sur le début de l’affaire, consultez notre précédent article à ce sujet ici.

La prise de position de la CJUE

C’est donc par une décision du 19 décembre 2019 que la CJUE a statué. Pour savoir si la situation était ou non licite, il fallait savoir si elle entrait dans la définition d’une communication au public, définition donnée par la directive européenne dite InfoSoc. En effet, la communication au public d’une œuvre protégée par le droit d’auteur est soumise à l’accord de son ayant droit, ce qui n’a pas été le cas pour les œuvres mises en vente sur la plateforme Tom Kabinet.

Après réflexion, la CJUE a estimé que la revente d’ebooks d’occasion constituait bien une communication au public au sens de la directive, car :

  • d’une part, les ebooks sont mis à disposition sur le site internet Tom Kabinet, donc il s’agit bien de la communication d’œuvres au sens juridique du terme ;
  • d’autre part, la communication est dite publique, car elle touche un nombre de personnes potentiellement illimité et qui n’avait pas été prévu par l’auteur à la publication de son ouvrage.

En effet, l’acheteur d’un ebook bénéficie de la seule autorisation de lecture du livre, et n’a pas le droit de le revendre par la suite. Cette particularité s’explique par le fait que l’ebook est un fichier immatériel, qui ne s’abîme pas avec le temps, et qui peut se démultiplier facilement et à volonté. Permettre la revente d’un ebook d’occasion est donc un danger pour le marché du livre. Ce n’est pas le cas pour les livres au format papier : une fois acheté légalement, un ouvrage papier peut être librement revendu par la suite.

Finalement, une fois la communication au public caractérisée, il est aisé de conclure : l’autorisation de l’auteur est nécessaire pour procéder à la revente d’occasion. Sans cet accord préalable, l’objet même de la plateforme Tom Kabinet est illégal, car il viole le droit des auteurs qui y ont été mis en ligne, et donc les normes européennes.

Quelles conséquences ?

La décision de la CJUE lie désormais les pays membres de l’UE. Les titulaires de droits d’auteur pourront donc à l’avenir agir sereinement contre la revente d’ebooks, sans leur autorisation. Cette possibilité s’étend sûrement aux fichiers équivalents, comme ceux contenant des films, ou encore des jeux vidéo.

Cependant, il semblerait y avoir encore une exception pour les logiciels, comme l’énonçait une décision de la CJUE en date de 2012 dans l’affaire UsedSoft.

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— Nausicaa Plas

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