Entente illicite sur les prix des ebooks : Apple débouté par le ministère de la Justice américain

Le ministère de la Justice américain a tranché : le géant Apple est bel et bien reconnu coupable d’entente illicite sur les prix des ebooks. Ce dernier perd donc sa procédure d’appel et se voit contraint d’en payer littéralement les conséquences. Retour sur une affaire qui aura fait grand bruit.

La bataille judiciaire commence en 2012, lorsqu’Apple est soupçonné d’entente illicite sur les prix des ebooks, avec la coopération de cinq des six plus grands éditeurs américains, à savoir Harper Collins, Simon & Schuster, Hachette, Verlagsgruppe Georg von Holzbrinck et Penguin. Pour mieux comprendre l’origine de ces poursuites, il faut remonter un peu plus loin…

Arrivé en 2010 sur le marché de l’ebook, l’objectif d’Apple était de s’imposer comme un concurrent de taille face à Amazon et de faire cesser le monopole de ce dernier dans le domaine. Mais si les aspirations premières d’Apple sont louables, c’est sa façon de procéder qui est remise en cause, notamment au niveau des contrats.

Contrat d’agence, contrat de mandat… Clause de la Nation la Plus Favorisée (NPF)

Les contrats qu’Apple et Amazon passent avec les éditeurs à l’époque sont fondamentalement différents. D’un côté, on retrouve le contrat d’agence, à savoir le type de contrat choisi par Apple et qui permet aux éditeurs de fixer le prix de leurs ebooks, moyennant une commission de 30 % sur les ventes pour le revendeur.

De l’autre côté, on retrouve le contrat de mandat. Dans ce cas de figure, le revendeur achète les livres à l’éditeur puis les revend au prix de son choix. Ce type de contrat est parfait pour le revendeur (en l’occurrence, Amazon), qui peut ainsi appliquer une politique de prix agressive et défiant toute concurrence. Une situation qui ne ravissait à l’époque pas tous les éditeurs concernés, attristés de voir Amazon revendre leurs livres numériques à perte et inquiets que cela ne se répercute négativement sur les ventes papier.

Le seul moyen pour Apple de se montrer concurrentiel face à Amazon était que le contrat d’agence soit choisi par tous… Et c’est là qu’est intervenue la clause de la Nation la Plus Favorisée (on trouve sur Wikipedia une explication générale accessible de celle-ci), grâce à laquelle Apple a pu aligner ses prix sur ceux de ses concurrents si ceux-ci s’avéraient plus bas. Or, si les éditeurs n’ont plus rien à gagner à opter pour le contrat de mandat, pourquoi ne pas passer au contrat d’agence… ? Malheureusement pour Apple, il est illégal de pousser, voire contraindre, les éditeurs à se tourner vers le contrat d’agence, et c’est bien ça que l’on reproche à la firme américaine.

En 2013, la juge américaine Denise Cote a tranché en affirmant qu’Apple était bel et bien coupable d’entente illicite. Loin de se démonter, l’entreprise a contesté les accusations et a choisi de faire appel, s’engageant, en cas de perte du procès, à rembourser les acheteurs de livres numériques à hauteur de 450 millions de dollars, auxquels viennent s’ajouter 50 millions de dollars en frais d’avocats et en remboursement envers les États américains (à la base de la plainte).

À noter que l’affaire n’avait pas touché que les États-Unis : fin 2011, la Commission européenne avait également ouvert une enquête à l’encontre d’Apple et des « Big Six » (voir le communiqué ici).

Un coup dur pour la firme américaine, qui continue à clamer haut et fort son innocence et déplore l’image que renvoie ce procès… Si la forme est bien critiquable, l’objectif de sa démarche mérite toutefois réflexion : réussir à imposer une alternative face au monopole d’Amazon.

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— Mélissa Haquenne

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Mélissa Haquenne

Digital Publishing Professional