Les plateformes d’autoédition, terrain de jeu privilégié des arnaqueurs ?

Nous vous parlions récemment de l’évolution du secteur de l’autoédition, en pleine mutation depuis le développement du marché ebook et de la communauté Internet. Aujourd’hui, Lettres Numériques a décidé de porter son attention sur un phénomène d’arnaque de grande ampleur lié aux plateformes d’autoédition des grandes entreprises de distribution numérique : quelles sont les méthodes de ces « scammeurs » qui envahissent notamment Kindle Direct Publishing, la plateforme d’Amazon ?

Depuis 2007, le géant de la distribution numérique Amazon propose dans sa librairie une section d’autopublication qui permet à tout un chacun de publier facilement et sans frais ses ebooks : si elle représente une solution très appréciée des auteurs en herbe, cette plateforme donne aussi lieu aux arnaques les plus variées de la part de prétendus auteurs. On appelle « scammeurs » – de l’anglais scam, « arnaquer » – ces professionnels de la fraude sur Internet qui, dans le cas des ebooks, sont prêts à toutes les astuces pour vous faire cliquer sur leur ouvrage et engranger des euros. Sur Kindle Direct Publishing par exemple, les auteurs empochent en effet 35 à 70 % du prix de vente de leur création, contre 15 à 25 % dans l’industrie du livre. Il est donc très tentant d’appâter le chaland en lui proposant un ebook d’apparence séduisante qui ne contient en fait aucune œuvre originale, mais des copier-coller d’ouvrages déjà parus. Au début de ces faux livres, longs de plusieurs centaines de pages, le lecteur est appelé à cliquer sur un bouton pour passer directement à la dernière page et remporter un prétendu concours ou cadeau. Amazon rémunérant les auteurs pour le nombre de téléchargements payants réalisés et le nombre de pages lues, en se basant sur l’endroit où se trouve le lecteur sans pouvoir pour autant détecter si les pages précédentes ont bien été consultées, les scammeurs parviennent ainsi à gagner environ 20 $ à chaque clic !

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Amazon avait réagi aux premières arnaques en 2015, en modifiant son mode de rémunération ; jusqu’alors, les auteurs étaient rémunérés à l’emprunt et seulement si l’abonné lisait au moins 10 % de l’ouvrage — ce qui donnait déjà lieu à des dérives, les auteurs étant incités à publier des livres très courts. Avec le nouveau mode de paiement, il a suffi aux arnaqueurs d’adapter leur mode de fonctionnement en gonflant artificiellement les ouvrages avec du faux contenu, comme nous l’expliquions précédemment. Le spécialiste de ces arnaques ? Chance Carter, qui a ainsi publié des dizaines de faux ouvrages de romance et proposait notamment des diamants gratuits de chez Tiffany pour attirer le lecteur à la fin de l’ebook ! L’escroc n’hésitait d’ailleurs pas à partager ses méthodes d’arnaques sur les réseaux sociaux. Kindle Amazon a fini par réagir il y a peu, supprimant de sa plateforme le compte et les ebooks de Chance Carter. L’entreprise a également assuré qu’elle « travaillait régulièrement pour améliorer la fidélité du système KENPC (Kindle Normalized Page Count), qui mesure le nombre de pages lues ». Si la plupart du temps, indique-t-elle, le système enregistre les pages lues « avec un haut degré de précision », il serait moins performant pour les appareils très anciens, car ceux-ci requièrent « plusieurs processus et technologies (manuels et automatisés), pour mesurer avec précision les pages lues ». À bon entendeur…

Si, officiellement, ce genre d’arnaque ne viole aucune règle du géant de la distribution (ce qui explique d’ailleurs sans doute l’absence d’action concrète ou d’annonce officielle précédant la suppression du compte de Chance Carter), elle décrédibilise un peu plus la plateforme et les contenus qu’elle propose. De manière plus générale, ce sont aussi les failles des grands sites cybermarchands et l’absence de réponse satisfaisante qui sont mises en lumière.

Source : Actualitté

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— Elisabeth Mol

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