Quel rôle pour les éditeurs dans les dix prochaines années ?

Dans un marché de l’édition numérique en pleine mutation, quelle place restera-t-il à l’éditeur dans dix ans ? Certains auteurs pourraient être tentés de se passer de cet intermédiaire et de s’en remettre à l’autoédition. Est-ce un choix judicieux ? Le métier des éditeurs est-il en danger ? Nous avons tenté de répondre à cette question en regard de ce qui a été discuté lors de la conférence Readmagine à Madrid au mois de juin dernier.

Avec la montée grandissante de l’autoédition, de l’écriture interactive, de l’impression à la demande, est-il encore nécessaire de faire appel à un éditeur ? En tant qu’auteur, la question est importante : vais-je faire route en solitaire ou devrais-je me faire aider par un éditeur ? Certains pourraient bien être tentés de se lancer seuls dans l’aventure de l’édition numérique. Pour d’autres, l’éditeur reste un acteur indispensable dans la chaîne de valeur du livre, que ce soit pour l’édition papier ou l’édition numérique. Mais pour quelles raisons ?

Les points positifs du passage par un éditeur

Selon Piero Attanasio de l’Associazione Italiana Editori, l’éditeur est la personne qui va défendre l’auteur. Les éditeurs sont en effet responsables de ce qu’ils publient, ce qui n’est pas le cas des revendeurs de livres numériques tels Amazon, KOBO, Apple ou Google. Selon M. Attanasio, un revendeur n’hésitera pas à supprimer un texte qui pose polémique ou qui a été « signalé » par des lecteurs sur sa plateforme de vente, sans défendre l’auteur, tandis que l’éditeur soutiendra toujours l’auteur et défendra ses intérêts.

Ensuite, dans un marché basé sur l’économie de l’accès et où il y a toujours plus de contenu créé et disponible, l’éditeur va permettre à l’auteur d’avoir une plus grande visibilité : relations avec les distributeurs qui ont un poids dans la chaîne de valeur, diffusion de l’œuvre auprès de leurs réseaux (newsletter, réseaux sociaux, etc.), contact avec des studios de production pour adapter le livre, etc. L’éditeur permettra aussi à l’auteur d’aller à la rencontre de son public via les foires et salons.

Piero Attanasio

Cependant, continue M. Attanasio, la concurrence est rude sur le marché du digital : séries télévisées, jeux vidéo, blogs, etc. Si l’éditeur veut garder un rôle à jouer dans le contenu créatif mis en ligne, il lui revient de continuer à donner envie de lire et de prouver la nécessité de la lecture, en allant à la rencontre du public et des jeunes générations et en s’adaptant aux nouvelles habitudes de lecture.

Faire route en solitaire en tant qu’auteur ?

L’autre option pour un auteur est de faire chemin seul et de décider lui-même avec quel(s) partenaire(s) travailler. Différents chemins sont possibles à chaque étape de la chaîne du livre : il peut décider de faire appel ou non à un prestataire de service pour créer ses ebooks, il devra aussi sélectionner un distributeur et diffuseur de livres numériques ou bien se lancer lui-même dans la distribution de ses ouvrages sur les plateformes de vente en ligne. Des services comme Kindle Direct Publishing chez Amazon ou Kobo Writing Life ont ainsi été créés par ces grands groupes de revendeurs pour que les auteurs puissent assurer eux-mêmes la publication de leurs ouvrages.

Maintenant que l’auteur peut interagir avec chaque maillon de la chaîne de valeur du livre, sans nécessairement devoir passer par le biais d’un éditeur, d’aucuns considèrent que l’accès au contenu est plus égalitaire : n’importe qui peut publier en ligne (livre, musique, vidéos, etc.) et accéder à des contenus créatifs. Mais dans ce nouvel océan de créations, comment se démarquer si l’on ne fait pas appel à un éditeur qui pourra mettre en lumière notre contenu ? Un auteur, pour rester maître de son œuvre, devrait gérer à la fois la production du contenu créatif, sa distribution, et la rencontre avec le public. La mission n’est pas impossible et certains y arrivent, mais pour réussir en tant qu’auteur autoédité, il faut pouvoir combiner qualité de contenu, gérer les contrats avec les différents prestataires de services ou choisir de tout faire seul, se faire repérer par les lecteurs et, parfois avoir un peu de chance pour se démarquer.

Un choix stratégique ?

L’éditeur quant à lui possède déjà toutes ces connaissances : il peut juger de la qualité du contenu créatif et conseiller les auteurs, il dispose d’un réseau de distribution déjà établi et d’une communauté de lecteurs parmi ses contacts, il participe aux différents salons du livre et connaît les bons plans du secteur. En échange, il faudra évidemment lui concéder des droits d’auteur.

Un choix stratégique à faire donc en tant qu’auteur : s’allier à des acteurs en place ou tenter de tout faire seul, en croisant les doigts pour que le public soit au rendez-vous ? Les éditeurs ont une place à défendre et doivent être attentifs aux innovations du marché pour démontrer quels avantages ils peuvent apporter aux auteurs. Leur expertise et leur connaissance du marché pourraient s’avérer d’autant plus indispensables, au fur et à mesure que le nombre de créations ne cesse d’augmenter.

Retrouvez l’intégralité de la conférence sur ce sujet ici (intervenants : Porter Anderson, de Publishing Perspectives et Stefano Mauri du Gruppo Editoriale Mauri Spagnol) :

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— Nathalie Debusschere

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