L’IA Watson au service de la création de pubs

En novembre 2018, Lexus, la marque de luxe de Toyota, a dévoilé une publicité totalement écrite par Watson, une intelligence artificielle appartenant à IBM. Plus spécifiquement, Watson a écrit le scénario de la pub de la toute nouvelle berline ES de Lexus. Ce script a ensuite été mis en image par Kevin Macdonald, primé aux oscars, qui a notamment réalisé Le dernier roi d’Écosse en 2007. Cette pub de 60 secondes est censée représenter l’avant-garde technologique de la marque.

Pour la campagne promotionnelle européenne de la berline ES de Lexus, les sociétés The&Partnership, une agence créative, et Visual Voice, un partenaire technique, ont utilisé la désormais très célèbre IA Watson. En effet, IBM s’est déjà distingué avec ce robot en gagnant le million de dollars du jeu télévisé Jeopardy (2011), mais aussi dans des projets dans le domaine des diagnostics médicaux.

Processus de création de la publicité

Toute IA doit nécessairement disposer de données d’entraînement pour afficher des performances satisfaisantes. Dans le cadre de la création de cette pub, Watson disposait de 15 ans d’archives de publicités automobiles. Parmi ces pubs se trouvent des lauréates du festival international de la créativité Cannes Lion. Les publicités étaient principalement ciblées sur les marques de voiture de luxe ou sur celles de Lexus. Disposant d’un large panel de ce qui s’est fait la dernière décennie dans ce domaine, Watson peut donc se targuer d’en avoir une bonne connaissance. Attention cependant que Watson serait bien embêté si on lui demandait de créer une pub pour du fromage frais, à moins bien sûr de changer ses données d’entraînement.

L’IA a catégorisé les images des différentes pubs du corpus en lieux, en actions et en objets. Elle a également décomposé et étudié la combinaison de tous ces éléments. Le jeu sur les émotions a également été pris en compte. En effet, un partenariat avec l’université de Nouvelles-Galles-du-Sud en Australie a permis d’offrir la possibilité d’évaluer la réponse émotionnelle des spectateurs de pub. Grâce à ces données, l’IA a estimé que le meilleur mécanisme à mettre en œuvre était de doter la voiture d’une conscience pour jouer avec les émotions du spectateur (c’est donc ici une forme simple d’intelligence émotionnelle). L’humanisation de la voiture n’est pas un levier original (par exemple, Disney a bien exploré cette voie avec Toy Story), mais reste évidemment intéressante dans le cadre d’une publicité automobile.

Pour Lexus, c’est une réussite : « À partir de ces données, l’IA a pu corréler les objets, les actions et les lieux (entre autres variables) suscitant une réaction émotionnelle humaine. Sur la base de ces informations, l’IA a développé la capacité de « déclencher » différentes émotions chez le spectateur de publicité. »

Pub_Watson_Lexus

Limites du système

Ce système présente ses limites :

  • la créativité est limitée, car intrinsèquement tributaire du jeu de données introduit. Une IA créera en effet toujours quelque chose de similaire à ce qu’elle connaît. Comme mentionné ci-dessus, Watson serait incapable de créer une pub pour autre chose qu’une voiture de luxe. Il est même probable que le résultat soit mitigé si on lui demandait d’en créer une pour une voiture familiale ou bon marché ;
  • des défauts apparaissent et sont dus au manque de connaissance du monde. Par exemple, aucune chaîne d’information nationale ne diffuserait un crash test à la télévision, il semble également peu probable qu’un japonais montre ses émotions aussi ouvertement. Ces problèmes sont dus à un imaginaire collectif inexistant chez la machine.

Points forts de ce système

Bien qu’ayant des failles, ce système reste très intéressant :

  • la vidéo est très bien construite et il est compliqué de deviner qu’elle a été écrite par une IA ;
  • Watson a été très pointilleux et a fourni de nombreux détails, jusqu’à spécifier la position des rétroviseurs. Le cinéaste a juste changé la couleur de la voiture et a supprimé le bruit du baiser entre le père et la fille ;
  • ce système permet d’accélérer le processus de création en allégeant la charge de travail des professionnels créatifs qui peuvent alors davantage se concentrer sur la création, l’originalité. On parle alors d’intelligence augmentée.

Si le système se révèle probant, IBM affirme que « la magie du Storytelling prendra toujours vie grâce au processus créatif de l’humain ». Kevin Macdonald estime quant à lui que « la façon charmante et simpliste avec laquelle l’IA a écrit l’histoire était à la fois fascinante dans son interprétation de l’émotion humaine, et pourtant assez inattendue pour donner au film un côté clairement non humain ».

Il est permis de penser que ce type de technologie va devenir de plus en plus courant dans le domaine de la publicité. En effet, cette industrie dispose déjà de beaucoup de données et de méthodes de profilage et d’optimisation des pubs.

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— Jean Cheramy

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