Read & Rate, un nouveau projet éditorial belge qui se veut innovant

Un nouveau projet a fait son entrée dans le monde éditorial belge, Read & Rate, une plateforme de promotion littéraire en ligne destinée aux auteurs souhaitant promouvoir et publier leurs manuscrits tout autant qu’aux lecteurs désirant s’impliquer dans le processus éditorial en commentant et en approuvant ou non une œuvre. Cette nouvelle façon de voir le processus éditorial est née de la collaboration de trois jeunes diplômés, Benoit Guru, Adela Feier et Donatien Schmitz, qui présentent ici leur projet aux lecteurs de Lettres Numériques.

Pourriez-vous présenter le projet de Read & Rate et ce qui fait son originalité ?

Nous souhaitons mettre en place une maison d’édition avec une approche innovante sur deux grands points : la chaîne éditoriale et la création d’un système avec de nombreux acteurs. Notre modèle éditorial mêle beaucoup de nouvelles technologies, dans le but d’améliorer l’efficacité de la chaîne, car le système éditorial traditionnel, à nos yeux, manque de dynamisme. Chez nous, l’édition du livre en tant que tel se fera toujours de manière traditionnelle, avec le travail du texte, la mise en page et la vente du livre. Nous voulons donc surtout apporter des innovations au processus de sélection du livre et à sa promotion.

Read & Rate_chaîne du livre

Notre projet de base, c’est une plateforme en ligne. Nous souhaitons ainsi principalement innover dans la sélection des manuscrits. Un auteur peut mettre gratuitement son manuscrit sur la plateforme et les lecteurs donneront leur avis de la manière la plus objective qui soit. Ces derniers ont la possibilité de monter de niveau si les autres membres de la communauté approuvent leur avis sur un ou plusieurs livres.

Que se passe-t-il une fois qu’un livre obtient de nombreux avis positifs ?

Un succès sur la plateforme entraînera une campagne de crowdfunding et de marketing digital afin d’étendre la visibilité du manuscrit. Si le lecteur a aimé ce roman, il peut faire une promesse de don, et une fois qu’on a atteint une certaine somme, que nous devons encore définir, le livre sera validé pour l’édition et la vente. À savoir que ce crowdfunding est destiné avant tout à la promotion de l’œuvre. Nous nous chargerons nous-mêmes des frais de production des livres, comme toute maison d’édition, et nous ne nous rémunérerons pas avec le crowdfunding. Nous rajouterons aussi une somme au-dessus pour assurer la rémunération de l’auteur après la publication.

Ce crowdfunding est ouvert à tous. Les lecteurs peuvent participer pour soutenir les œuvres qu’ils ont lues, mais les autres aussi évidemment. Notamment ceux qui n’ont pas vraiment le temps, mais bien l’argent, et qui voient dans les commentaires des lecteurs le potentiel de l’œuvre.

Comment vous est venue l’idée de cette plateforme en ligne ?

La réflexion est née pendant nos années d’étude. Nous nous sommes dit qu’un petit auteur dans une grande maison d’édition manque de visibilité et doit faire lui-même sa promotion, donc nous voulons innover dans la promotion tout comme dans la sélection. Nous allons tenter d’être créatifs et d’utiliser du mieux possible les réseaux sociaux, mais aussi, par exemple, si cela peut se faire, mettre des bornes de lecture aux arrêts de bus, auxquelles les passants pourraient découvrir quelques pages d’un roman pendant leur attente.

Nous voulons créer des préventes pour stimuler l’intérêt autour de l’œuvre, mais aussi passer par les librairies, les plateformes en ligne et les autres intermédiaires de vente. Les librairies innovantes nous intéressent particulièrement, nous allons par exemple faire un partenariat avec la librairie Quartier Libre. Nous désirons aussi travailler avec d’autres acteurs de la chaîne culturelle comme des théâtres et des cinémas.

Et donc vous travaillerez avec tous les supports ?

Oui, nous souhaitons produire à la fois des livres imprimés, numériques et audios. Il y aura aussi un travail sur le visuel, qui est très important pour le marketing. Nous travaillons d’ailleurs dès le début avec les lecteurs pour avoir leur avis sur notre marketing, c’est là notre originalité.

Qu’est-ce qui vous différencie de Wattpad et des plateformes d’autoédition et comment un lecteur peut-il s’inscrire ?

Read & Rate est une maison d’édition, l’auteur ne doit rien débourser. Nous agissons donc autant en amont, avec la sélection des manuscrits par la communauté d’électeurs, qu’en aval, avec la promotion sur les réseaux sociaux.

Tout le monde peut s’inscrire, mais c’est la communauté qui s’autogère, donc si les autres voient que vous faites un commentaire pertinent et constructif, ils vont approuver votre avis et vous allez monter en grade. Donc la communauté s’autohiérarchise, c’est une méritocratie. La voix des nouveaux inscrits aura plus de poids par la suite quand ils monteront en grade. Les lecteurs sont aussi responsabilisés via notre gestion. Le problème avec Wattpad, c’est qu’il suffit d’avoir beaucoup d’amis pour faire voter son manuscrit. Nous, nous cherchons vraiment à axer notre communauté sur la qualité et l’argumentation. En fonction de ses interactions et de la qualité de ses commentaires, un lecteur pourra gagner en poids sur la plateforme.

Y a-t-il des contreparties prévues pour ceux qui s’investissent et montent en grade sur la plateforme ?

Oui, il y aura des récompenses ! Principalement via des concours, avec par exemple des liseuses offertes, mais il y aura aussi des ouvrages dédicacés. En fonction du niveau du lecteur, celui-ci aura accès à des récompenses de plus en plus élevées. À côté des récompenses, il y aura aussi des contreparties, comme des livres dédicacés et des entrées à nos événements offertes.

En ce qui concerne l’auteur, quel type d’engagement lui est demandé ?

Nous demandons à l’auteur de mettre son roman sur notre plateforme pendant six mois, durant lesquels nous nous engageons pour notre part à lui donner beaucoup de publicité, afin qu’il ait des commentaires sur la plateforme. Si, au bout de cette période, le livre a du succès, alors là il signe avec nous. Si pas, il peut retirer son œuvre de la plateforme et l’envoyer à d’autres maisons d’édition s’il le souhaite. Avant de mettre le manuscrit à disposition de la communauté, nous demandons la signature d’une licence non exclusive, uniquement dans le but de diffuser le texte sur la plateforme durant ces six mois.

Quel rôle a joué l’Yncubator dans la construction et la mise en place de votre projet éditorial ?

L’Yncubator a commencé à nous aider dès nos études, nous sommes coachés depuis deux ans, principalement par un entrepreneur spécialisé en gestion. Nous avons également pu rencontrer différents acteurs du secteur du livre grâce à eux. Ces acteurs nous ont apporté pas mal de soutien et de conseils, notamment Luc Pire, qui nous aide beaucoup à acquérir les bons réflexes et le fonctionnement concret d’une maison d’édition. C’est d’ailleurs lui qui nous a encouragés à nous lancer comme maison d’édition, car au départ nous avions surtout la volonté de créer une plateforme de sélection de manuscrits. Nous trouvions au début que l’idée de se lancer en tant qu’éditeurs était fort ambitieuse.

Nous retirons donc de cette expérience du soutien, du feedback et des conseils pour continuer à avancer, c’est un énorme coup de pouce quand on est de jeunes diplômés avec peu d’expérience !

Depuis quand la plateforme Read & Rate est-elle disponible ?

La plateforme est en ligne depuis le début de l’année et le service de base est dessus. Notre marketing a commencé en avril, car avant cela nous testions en interne des actions sur la plateforme. Il faut désormais intéresser et attirer les lecteurs, c’est encore un autre métier, c’est de la création de communauté. Nous avons d’ailleurs rencontré un spécialiste de la création de communauté pour nous conseiller.

Vous avez d’ailleurs participé le 16 mai dernier aux 7e rencontres de l’édition et du numérique à Lille, organisées autour du thème « Communautés en ligne : de nouveaux leviers pour le livre ».

Tout à fait, notre but actuellement est de rencontrer le plus d’acteurs possible dans la création et l’animation de communauté, comme les booktubeurs et les instagrameurs, pour apprendre à construire une stratégie dans la création de notre communauté. Nous voulons trouver et toucher des lecteurs passionnés, qui eux-mêmes parleront de la plateforme autour d’eux.

Ces rencontres nous permettront aussi de présenter notre maison d’édition et d’avoir du feedback. Nous nous intéressons également à la création de podcasts et de newsletters, tout ça nous intéresse et c’est pourquoi nous assistons à autant de conférences que possible.

Pour finir, quels sont vos principaux objectifs d’ici à la fin de l’année ?

Nous souhaiterions augmenter le nombre de lecteurs inscrits sur notre plateforme et essayer de dynamiser cette communauté pour qu’elle réagisse le plus possible. Et peut-être, on l’espère, faire ressortir déjà au moins un manuscrit du lot pour la publication.

L’objectif principal, actuellement, est d’emmagasiner le plus de feedbacks possible et d’effectuer des tests, pour avoir un business plan bien construit pour l’année prochaine. Nous avons aussi un focus groupe sur Facebook, pour prendre en compte l’avis de notre communauté afin de construire au mieux notre modèle. C’est un luxe que nous avons de pouvoir procéder ainsi : tester nos hypothèses pour trouver les plus intéressantes, sans encore avoir les résultats, en nous finançant avec les sommes acquises lors de différents concours et nos fonds personnels. Une fois que notre business plan sera au point, nous organiserons probablement une levée de fonds afin de concrétiser encore davantage notre projet.

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— Cynthia Prévot

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