Pallier l’illectronisme par le numérique

Face à la révolution numérique, de plus en plus de personnes manquent d’aptitudes et rencontrent des obstacles au quotidien. Pour combler ces lacunes dont il est la cause, le digital peut néanmoins s’avérer être un outil-clé, le numérique se devant d’être un levier d’insertion et non un mécanisme d’exclusion.

Le digital comme obstacle

Si à de nouveaux médias correspondent de nouveaux usages, à de nouveaux médias correspondent également de nouvelles formes d’exclusion. En effet, dans un monde où la digitalisation progresse à vitesse grand « V » et où le numérique envahit une à une toutes les sphères de notre quotidien, une part de la société peine à suivre le progrès constant et une profonde fracture socio-économique se creuse pour les victimes d’« illectronisme ».

Également popularisé sous le nom d’illettrisme numérique ou d’analphabétisme numérique, l’illectronisme désigne le manque ou l’absence totale de connaissance des clés nécessaires à l’utilisation et à la création des ressources électroniques. Cette difficulté peut se rencontrer dans les démarches administratives, dans l’accès à l’information, dans la recherche d’emploi ou de logement, dans la réservation d’un voyage, dans l’achat d’un bien, dans la rédaction d’un CV, d’un e-mail, etc.

Le danger de l’illectronisme tient également au côté cumulatif des inégalités : de cette précarité initiale, naissent et se prolifèrent d’autres inégalités. L’attention est dès lors particulièrement portée sur les familles précarisées, les personnes âgées, les femmes et les jeunes.

L’illectronisme en Belgique

Le film Je viens d’une autre planète, à l’initiative de la Fondation Roi Baudouin, met en lumière cette nouvelle forme d’exclusion en Belgique. Selon le Baromètre Numérique de 2018, 10 % des Belges de 16 à 74 ans n’ont encore jamais utilisé Internet. Une enquête à l’initiative de Gezinsbond, l’équivalent flamand de la Ligue des Familles, confirme cette tendance : la digitalisation de la société représente un obstacle pour beaucoup de personnes sur le territoire. Or, « les aptitudes numériques sont un pan essentiel des compétences nécessaires à la vie en société » explique Christel Verhas, directrice de la politique familiale de ladite association.

Si le terme de « fracture numérique », plus courant, concerne davantage l’accès au digital, l’illectronisme dépeint quant à lui les problèmes d’usage. « En effet, ce n’est pas parce que chaque ménage a un ordinateur dans son salon que tout va bien » précise Delphine Chabert, secrétaire politique de la Ligue des Familles. Elle précise qu’en tant qu’association, leur « rôle n’est pas d’aller à l’encontre du progrès, mais de veiller à ce qu’il ne laisse personne sur le côté ». Dès lors, le but est d’exhorter les autorités, les institutions et les entreprises à se montrer inclusives en investissant dans le développement des aptitudes informatiques et en garantissant des alternatives suffisantes à ceux qui en éprouvent la nécessité.

L’illectronisme en France

Chez nos voisins français, le 25 juin dernier, le Syndicat de la presse sociale (SPS) révélait dans un « livre blanc contre l’illectronisme » que cette réalité touche plus de 11 millions de citoyens, soit 23 % de la population. Contrairement aux a priori, les victimes ne sont pas uniquement les personnes âgées. Les « digital natives », pourtant familiarisés avec le numérique, manquent également d’aptitudes dans certaines circonstances.

« Rappeler les expériences qui avancent et qui réussissent, celles qui sont à faire connaître et à promouvoir, et mettre en lumière des préconisations qui pourraient contribuer à diminuer significativement les difficultés des utilisateurs du numérique, telle est l’ambition de ce Livre blanc » déclare Philippe Marchal, Président du SPS, dans un communiqué de presse. Le SPS propose de « combattre le mal par le mal » : faire du numérique un rempart contre l’illectronisme. Le rapport contient en effet de nombreuses pistes pour venir en aide aux laissés-pour-compte du digital. À titre d’exemple, l’intelligence artificielle ou l’assistant vocal pourraient être des outils clés pour favoriser l’accompagnement des personnes en difficultés.

Conscient de ce bilan, le gouvernement français a mis en place un plan d’action dès 2017. La lutte contre ce type d’exclusion passant avant tout par la formation, le gouvernement expérimente notamment dans plusieurs départements des « Pass numériques » offrant des formations de dix à vingt heures. C’est également dans cette optique que s’inscrit la fondation Emmaüs Connect qui propose des formations et des ateliers initiant aux services numériques phares.

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— Victoire Dunker

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