Réponse du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles à l’interview de Francis Dannemark

L’administration du Service général des Lettres et du livre du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles, éditeur de Lettres numériques, laisse à Francis Dannemark la responsabilité de ses propos. Sans vouloir polémiquer, il importe toutefois d’effectuer plusieurs mises au point.

La culture gratuite, accessible en ligne, est au cœur des mutations technologiques. Elle se généralise dans tous les secteurs et vient bouleverser nos pratiques de consommation mais également celles des producteurs que sont les auteurs et les éditeurs et celles des intermédiaires que sont les libraires et les bibliothécaires. Ignorer ou diaboliser cette évolution n’en modifiera pas le cours. Deux questions au moins ne peuvent être évitées :

  • quels modèles proposer pour composer avec la gratuité omniprésente, tout en rétribuant justement les producteurs et en cherchant à toucher les nouveaux publics connectés aux écrans ?
  • le numérique, certes encore accessoire dans certains processus de création ou de diffusion, ne mérite-t-il pas que les pouvoirs publics, en concertation avec les opérateurs de terrain, appréhendent mieux son potentiel ?

Avec l’ère numérique, les grands objectifs de la politique culturelle et artistique en Fédération Wallonie-Bruxelles n’ont pas fondamentalement changé. Le soutien à la création et à la diffusion en reste l’axe majeur et les budgets qui lui sont consacrés sont en croissance soutenue. Ainsi, le budget alloué spécifiquement au livre dépasse les 20 millions d’euros en 2012 (… dont 1,4 % affecté au plan de développement numérique de la chaîne du livre). Ce budget global de soutien au livre a augmenté de près d’un tiers en cinq ans, au bénéfice direct des auteurs de création mais également des illustrateurs, éditeurs, libraires et bibliothécaires.

La promotion de la lecture, en particulier, est depuis toujours au cœur des politiques publiques de la Culture. Parce que la pratique et la maîtrise de la lecture conditionnent énormément l’accès au savoir. Quant au livre, il permet en effet le recul et le temps de pause nécessaires à toute réflexion et ce, quel que soit son support : tablette, soie, papyrus, parchemin, rouleau, imprimé, fichier numérique. On ne lit pas moins, on lit autrement.

Le plan de développement numérique de la chaîne du livre, soutenu par le Gouvernement et la Ministre de la Culture, s’est progressivement mis en place, après étroite consultation des différents « maillons » que sont les représentants des auteurs, des éditeurs, des libraires et du service de la lecture publique. C’est pourquoi un Partenariat interprofessionnel du livre et de l’édition numérique a pu être créé, générant des formations numériques gratuites et accessibles à tout un secteur qui évolue depuis longtemps déjà dans l’ère numérique. C’est dans cet état d’esprit que la Ministre Laanan a souhaité dégager des moyens spécifiques au développement numérique de la chaîne du livre, répondant ainsi concrètement et positivement aux recommandations émises par le Conseil du livre, en mai 2009.

Enfin, si le marché du livre numérique est encore insignifiant en Europe francophone, il n’en va pas de même aux États-Unis et au Royaume-Uni où il enregistre des taux de croissance impressionnants. Il est une mission essentielle des pouvoirs publics d’anticiper les besoins des opérateurs culturels, pour leur permettre de s’adapter aux mutations technologiques en cours et d’être encore présents demain.

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— Stéphanie Michaux

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Stéphanie Michaux

Digital publishing professional

12 thoughts on “Réponse du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles à l’interview de Francis Dannemark

  • 01/10/2012 at 09:37
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    Ces discussions pour et contre le numérique sont intéressantes mais ce que je voudrais savoir c’est ce qui est publié pour me faire une opinion.
    Quels auteurs , quels titres ? Où me renseigner?????
    Bien à vous
    Fr. Vanacker

    • 01/10/2012 at 18:50
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      Il vous suffit de vous rendre sur une libraire numérique tel que fnac.com, Amazon.fr, epagine.fr, ONLIT.be filigranes.be.

      Vous pouvez même vous rendre chez Filigranes, ils ont un comptoir numérique, je suis certains qu’ils se feront un plaisir de discuter avec vous de numérique.

      Qui ? Patrick Delperdange, Jacques Mercier, Amélie Nothomb, JK Rowlings, … De plus en plus d’auteurs sont en numériques, certes avec quelques bémols (prix, disponibilité, verrous numérique, qualité), mais le numérique est là et s’affirme.

  • 01/10/2012 at 09:42
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    Les arguments de Francis Danemark sont à mon avis pertinents et la réponse du Ministère (Qui ? la Ministre ? je crois qu’une réponse personnalisée aurait été plus responsable) contient des points rassurants (1,4% du budget pour le numérique) et des points plus contestables :
    – la liste historique des supports laisse supposer que l’évolution est inéluctable de l’imprimé vers le numérique; c’est non seulement douteux, mais cela bute sur un fait : la mémoire papier est la plus durable qui soit;
    – on lit autrement, mais comment ? l’expérience de la lecture sur ordinateur, dans l’état actuel de ses supports, empêche ou rend difficile la lenteur de la lecture et l’inscription aisée du lecteur dans le texte; par contre il facilite les habitudes du zapping, de la lecture fragmentaire et de la citation hors contexte,…; l’usage du numérique est à l’heure actuelle essentiellement adapté à la circulation et à la consultation des informations;
    – le développement du marché du livre porte essentiellement sur les best-sellers et les dictionnaires ou les encyclopédies…

    Ce qui m’inquiète, c’est que, dans sa réponse, le « Ministère » (encore une fois : qui ?) semble entériner une évolution technologique sans esprit critique et néglige peut-être du même coup la perte d’un sens de la lecture approfondie auprès des jeunes, massivement attirés par le numérique.

    Eric Clémens, écrivain et philosophe, 30 ans d’enseignement dans le secondaire et l’universitaire

    • 01/10/2012 at 18:58
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      Votre commentaire est le reflet du marché numérique belge : une méconnaissance des possibilités, c’est bien dommage.

      Le numérique est inéluctable pour une grande partie de la production littéraire, on pourrait le comparer à l’arrivée du poche. Presque similaire à la musique, le numérique fera son chemin, mais il y aura toujours de la résistance des supports physiques.

      La lectures numérique, sur un support dédié à la lecture, et donc sans interruptions grossière du petit neveu via email, des copains sur facebook, de petits cochons qui veulent vous revoir, existe : la liseuse à encre électronique.
      Une fois la transition papier/outil électronique dépassé, l’immersion dans le texte est tout aussi importante, voir meilleure dans mon cas. Les écrans à encre électronique sont très proche de la qualité papier, et contrairement au passé ou je ne prenais jamais un livre avec moi, j’emporte toujours ma liseuse avec moi.

      Le marché du numérique est bien plus large que les best seller et autres, l’éducation y aura droit. Je serai le plus heureux des père lorsque mes enfants n’auront plus un cartable plus lourd qu’eux, qui me vaudront des séances correctrices chez l’osteo dans un avenir proche.

      Certes le numérique va changer des habitudes, menacer des secteurs de l’industrie du livre papier, mais va créé d’autres méthode de lecture, d’écriture.

  • 01/10/2012 at 10:03
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    Juste quelques mots.
    – Pourquoi n’y a-t-il toujours pas de réglementation sur le prix unique du livre ? Le nouveau J.K Rowling coûte six euros de moins dans les grandes surfaces que chez les libraires – dont le chiffre d’affaires a baissé en un an de 15 à 30% (selon les secteurs et les villes) et dont beaucoup voient la faillite frapper à leur porte, à défaut d’acheteurs…
    – Pourquoi la FWB est-elle incapable d’assurer un minimum de droits aux auteurs sur les prêts en bibliothèque ?
    – Quand je lis la célèbre formule « La promotion de la lecture, en particulier, est depuis toujours au cœur des politiques publiques de la Culture », je me sens rajeunir : je l’entends depuis trente ans. Dans les faits, c’est faux, tout simplement faux. La RTBF est au coeur de vos préoccupations, certes. Le théâtre l’est sans doute aussi, lui qui mobilise des sommes énormes par rapport à celles dédiées à la littérature. Mais les lettres, non. De là ma réaction, vive, à l’égard des actions prises pour le soutien du numérique, qui n’est pas un secteur à négliger, mais qui est tout sauf prioritaire aujourd’hui.
    Francis Dannemark

  • 01/10/2012 at 13:14
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    Je rejoins en grande partie la position de Francis Dannemark. Mon sentiment de simple citoyen pas spécialement initié est que les publications et promotions de la FWB ont fait la part belle au théâtre et aux arts plastiques contemporains. Or, le livre est le fondement essentiel de la connaissance, de l’imaginaire, de la critique, de la découverte… La littérature nourrit la culture et le développement personnel. Ma femme m’y a sensibilisé. Elle et moi en avons fait une priorité pour nos enfants. Mais cela a un coût que la plupart des ménages ne peuvent ou ne veulent pas se permettre. Pour changer cela, il faut probablement (1) réguler le marché notamment en s’affranchissant de la France, (2) favoriser les jeunes auteurs talentueux au détriment des ‘machines à profit’ et (3) travailler inlassablement à rendre la littérature populaire et financièrement accessible. Or, le glissement vers le numérique nous mène vers une dépendance supplémentaire au hardware, situation non soutenable sur le plan écologique et économiquement défavorable aux plus pauvres. Pour conclure, un argument simple et concret : la présence PHYSIQUE du livre-objet dans le logement ou l’école de l’enfant – avec son poids, sa texture, sa couverture, son odeur – permet souvent d’attiser sa curiosité.

  • 02/10/2012 at 09:43
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    Comme je le lui ai écrit, je suis assez d’accord avec ce que dit Francis Dannemark dans les « Lettres numériques »… en tant qu’éditrice aux Presses universitaires de Louvain, mais aussi chez Quadrature… et aussi en tant qu’auteur chez Luce Wilquin ou chez Racine. Le numérique n’est certes pas un mal en soi ; il ne faut pas à mon sens craindre qu’il abolisse le papier ; il peut coexister avec lui, c’est d’ailleurs ce que nous observons aux PUL. Mais c’est l’usage qu’on en fait ou l’importance exagérée qu’on lui donne qui peut être source de nuisances. J’ai parfois l’impression que « le numérique » est un nouveau jouet, plus excitant peut-être pour (ceux qui font les) les programmes politiques et culturels ; tout le monde n’est cependant pas d’accord avec l’idée de la « prodigieuse » ou la « fulgurante » croissance du numérique aux États-Unis. Ainsi, je lisais dans le « Canard Enchaîné » du 12 septembre, p. 5 :  » Aux États-Unis, notre modèle, notre horizon, le livre dématérialisé n’a pas conquis 16 % ou plus du marché, comme on le prétend généralement pour faire croire à un emballement, mais seulement 6,4 %, ainsi que l’a récemment noté le « New York Times » (20/6) ».
    La « bulle numérique » se dégonflera sans doute un jour mais il sera peut-être trop tard pour le reste…

  • 02/10/2012 at 18:31
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    Toujours en supens la réponse à la question : qui endosse la responsabilité de la réponse dite du « Ministère » ?

  • 04/10/2012 at 09:26
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    Bonjour,
    C’est bien pour comprendre « les futurs du Livre », et pour contribuer à la définition et à la mise en oeuvre des politiques publiques qui influencent directement (fusse par leur absence) sur sa création, son édition et sa diffusion d’abord en librairie, et ensuite par d’autres canaux que les membres du Partenariat Interprofessionnel pour le Livre et l’Edition numérique unissent désormais leurs forces et leurs revendications.
    La Maison des auteurs (SACD-SCAM), ADEB, ELC et SLFB entendent agir pour aider les professionnels à faire leurs métiers dans un contexte dont nul ne peut plus désormais nier qu’il évolue brusquement, pour ne pas dire avec brutalité.
    Les questions soulevées par Françis sont essentielles : elles touchent au Sens profond de nos activités importantes pour la démocratie et pour l’évolution de nos sociétés, et comment ce Sens est menacé par les bouleversements actuels, qui ne sont pas que techniques.
    Il n’est pas étonnant que ce soit un auteur (dont le rôle ne peut être ramené à celui de « producteur de contenus ») qui se permette de nous le rappeler et d’interpeller « le Ministère ». Face aux enjeux d’une création et d’une distribution numérique des oeuvres, Benoit Peeters n’a pas fait autrement lors des Secondes Rencontres de Bruxelles, il y a quelques mois (voir http://www.bela.be).
    le PILEn solidairement, et la Maison des Auteurs en son sein, entend bien se soucier « des Futurs » du Livre, comme l’indique le nom de son portail, des futurs papiers, et des futurs numériques, et de soutenir les différentes démarches qu’auteurs, éditeurs et libraires imagineront pour maintenir vivante leurs relations aux publics.
    Françis exprime aussi, à juste titre, le déficit de réflexion et d’action publiques relatif à la création actuelle, et au statut des créateurs, en rappelant que nul n’est professionnel, sans revenus, sans publics et sans perspectives.
    A la Maison des auteurs, nous allons multiplier dans les prochains mois les initiatives pour les auteurs littéraires, non pour tenir salon, mais pour accompagner nos membres dans leurs parcours professionnels, leurs ouvrir de nouvelles perspectives. Notre participation active au sein du PILEn est une facette de cet engagement.

  • 05/10/2012 at 17:11
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    Bonjour,
    avant toute chose, je voudrais informer que la plateforme numérique belge meslivresnumeriques.be propose déjà 180.000 titres dont 130.000 en langue française, et que le rentrée littéraire était à 80% prête en édition numérique. Voilà donc un accès à une plateforme qui crée des emplois en Belgique…
    Je comprends bien le point de vue de Francis Dannemark, et je pressens avec tristesse la faillite de nombreuses librairies dans le pays. J’exploite pour ma part 5 librairies de premier niveau en Belgique (Libris Agora), et des difficultés réelles nous poussent à imaginer l’avenir en sortant du cadre. En ouvrant par exemple notre assortiment à d’autres produits et services.
    Ceci ne nous empêche pas d’être ô combien combatifs pour ce métier de libraire formidable, qui a mon sens est le seul à garantir la diversité culturelle, à promouvoir la singularité, à porter le développement durable de l’esprit.
    Néanmoins, force est de constater que le livre numérique est en marche, et que rien ne laisse présager que ce sera une mode. Le défi aujourdhui est de maintenir une place pour les libraires dans cet univers qui les terrifie le plus souvent, et de maintenir cette diversité, de pouvoir conseiller, provoquer la rencontre entre un lecteur et un texte.
    Le livre numérique sera aussi le terrain formidable d’expérimentations et d’enrichissements, créant ainsi des livres hybrides contenant du texte, de l’image et du son.
    Comme toute innovation de rupture, le livre numérique provoque des débats utiles mais qui n’ont de sens que s’ils permettent de favoriser un « bon » usage du l’innovation.
    La télévision était une merveilleuse invention, devenue en quelques décénies une machine à décerveler industrielle (Lire sur ce sujet le passionnant Bernard STIEGLER – Réenchanter le monde/la valeur esprit contre le populisme industriel- Flammarion) . µ
    Peut-être eût-il fallu investir davantage dans la pédagogie.
    C’est à mon sens ce qu’il convient de faire aujourd’hui avec le livre numérique.
    Pour s’individuer et développer de l’énergie sociale, il faut avant tout lire, accéder aux textes fondateurs de notre propre singularité, quel qu’en soit le support.
    Je suis est reste aujourd’hui un lecteur de livre papier. Mais j’ai des clients qui veulent lire sur tablette ou sur liseuse, et non seulement je les respecte et je m’adapte, mais en plus ils m’apprennent les nouveaux usages, les nouvelles pratiques.
    Et je terminerai cette participation au débat par l’enthousiasme que suscite en moi le futur livre enrichi. Vous serez étonnés !

  • 05/10/2012 at 20:35
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    Juste un mot, Frédéric, pour te remercier. Je savais, connaissant ton engagement et ta longue et patiente implication dans le monde des lettres, que tu lirais dans mes propos autre chose qu’un coup de tête ou un caprice. Il y va, bien au contraire, d’un souhait que l’on ne perde pas le sens des véritables enjeux. Bon travail et bon courage!

  • 10/10/2012 at 11:28
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    J’ai lu avec grand intérêt l’article de F.Dannemark, la réponse du Ministère ainsi que les différents commentaires.
    Je suis libraire à Arlon. Depuis des années, j’essaie de faire entendre que le secteur du livre souffre. Pour moi, livre papier contre livre numérique n’est pas le noeud du problème. Ma grande inquiétude se situe au niveau de la lecture et du lecteur. C’est cela qui disparaît.
    L’apprentissage de la lecture à l’école me semble de moins en moins performant ; le livre n’a plus beaucoup de place dans les écoles ; il semblerait que les usages des nouvelles technologies « fragmentent le cerveau » ; si vous écoutez les professeurs, beaucoup se plaignent d’un manque de culture générale des élèves ;…
    Le savoir se transmet par l’écrit et la lecture. Alors, quid, si les individus ne lisent plus et ne savent plus lire ?

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