Piratage et ebooks : faire parler les chiffres

Après avoir abordé la pirate-box, poursuivons à présent notre thématique du mois consacrée au piratage, avec un  état des lieux des pratiques sur le marché francophone. Le chiffre du troisième Baromètre du livre numérique (étude conjointe SNE, Sofia et SGDL) relatif au piratage interpelle : 14 % des lecteurs de livres imprimés ont déjà eu recours à une offre illégale de livre numérique.

Il est coutume de dire que l’édition est confrontée, dans le débat numérique, aux mêmes questions que la musique ou le cinéma il y a quelques années.

Ces grandes industries artistiques faisaient face à un taux de piratage présenté comme gigantesque. Selon le dernier Baromètre du livre numérique (mars dernier), l’édition est relativement épargnée par le phénomène. Mieux encore, le chiffre du piratage d’ebooks est en baisse de trois points par rapport au dernier baromètre (17% de lecteurs avaient eu recours au piratage en 2012).

C’est en fait simplement moitié moins que dans le cas de la musique (33%) et de la vidéo (30%).

Pour le Syndicat National de l’Édition (SNE), le piratage n’entre pas dans le « fonctionnement naturel » des lecteurs numériques. Un petit tour sur différents forums dédiés au partage de livres numériques suffit pour douter de la solidité de ce chiffre. Plus de 3 000 livres et près de 15 000 téléchargements pour l’un de ces répertoires. La suite du best-seller de la littérature érotique, si tendance ces derniers mois, Cinquante nuances plus claires, totalise à lui tout seul plus de 70 000 téléchargements, ici et là.

Mais ce n’est pas tout. Ce faible taux de piratage est, peut-être, à mettre en corrélation avec un autre chiffre : plus des 75% des ebooks téléchargés sont gratuits. C’est la conclusion d’une étude de l’institut GFK, publiée par l’AFP. Une même proportion de lecteurs avoue n’avoir jamais téléchargé de livres numériques payants.

Entendu que pirater un livre gratuit n’a pas de sens et que le gratuit représente l’écrasante majorité des ebooks, il n’est pas étonnant que le piratage soit finalement faible.

Portrait-robot d’un pirate

Une étude de l’ElabZ (disponible ici) a interrogé trente pirates anonymes. Le portrait du lecteur pirate dénote avec l’image de l’adolescent geek qu’on imagine. Il a, en fait, la trentaine, est un gros lecteur (notamment papier), et télécharge plus de livres qu’il n’en lit.

Les motifs de piratage les plus souvent invoqués sont relatifs au prix et à la faiblesse de l’offre numérique légale (inexistante, ou indisponible en papier).

Les moteurs du piratage sont donc, non seulement, la gratuité (ce n’est pas une surprise) mais aussi l’insatisfaction des lecteurs.

En se satisfaisant des 14% de lecteurs ayant recours au piratage annoncés par le dernier Baromètre du livre numériques, les éditeurs font peut-être une erreur.

Premièrement parce que cette rapide étude des chiffres montre que ce pourcentage est trompeur. Il est faible parce que la majorité des ebooks lus sont gratuits (et donc inutiles à pirater). Ensuite parce que derrière ce piratage, l’attrait du gratuit est doublé de l’insatisfaction des lecteurs sur l’offre numérique.

Il s’agit là d’une insatisfaction à laquelle les éditeurs doivent prêter l’oreille, pour préparer les chantiers futurs et ne pas être surpris par l’évolution des exigences des lecteurs. Celles-ci devront être rencontrées, pour ne pas voir le pourcentage des pirates augmenter.

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— Martin Boonen

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