FabLabs : les livres au laboratoire ?
Les FabLabs se développent très vite et essaiment partout dans le monde. Ces laboratoires particuliers permettent à presque n’importe qui de fabriquer du contenu à base de fichiers numériques. Des livres aussi ?
Les FabLabs sont nés aux États-Unis, dans les années 1990, au sein du prestigieux Massachusetts Institute of Technology. Neil Gershenfeld, professeur de physique au MIT, donnait alors un cours intitulé « comment fabriquer (à peu près) n’importe quoi ». C’est ce cours, extrêmement populaire, qui a donné naissance au mouvement des FabLabs.
L’histoire est belle, mais, c’est quoi un FabLab ? FabLab, c’est la contraction de Fabrication Laboratories, qui peut se traduire en français par « Laboratoires de fabrication » (que certains de nos confrères se sont empressés de franciser en « Fabuleux Laboratoires »).
Les FabLabs s’appuient sur des machines de fabrications numériques (scies, fraiseuses, découpeuses, ponceuses, perceuses … toute la famille machines-outils intelligentes !) et des réseaux d’échanges de fichiers.
Liberté, communauté et partage
Les FabLabs ne sont pas des lieux d’usinage à la chaine, ils servent plutôt au prototypage, à la recherche. Et ce dans tous les domaines ! Ils s’adressent à des artistes, designers, ingénieurs, développeurs, bricoleurs, étudiants, citoyens… quel que soit leur niveau de compétences techniques. Dans un FabLab, on essaye, on apprend et on crée. C’est le fameux « do it yourself » anglo-saxon. Fais-le toi-même, ok, mais pas tout seul. S’inspirant de la philosophie d’interopérabilité et de partage du web 2.0 (dont ils sont issus), les FabLabs constituent des communautés qui s’entraident, les uns apprenant aux autres à utiliser les machines outils. C’est confraternel, les FabLabs autour du monde (c’est un label attribué par le MIT) formant un grand réseau où s’échange fichiers et plans numériques.
On y fait donc de la recherche pure et dure, mais les FabLabs permettent aussi de réparer. Neil Gershenfeld lui-même parle d’ailleurs de « créer plutôt que de consommer« .
De fait, il suffit de se rendre dans un FabLab, de trouver sur le réseau le plan numérique de la pièce à remplacer, et de la fabriquer sur place. Fini l’obsolescence programmée, les FabLabs sont carrément écolo et anticonsumériste ! Presque bobo.
Une opportunité pour l’édition ?
Mais le livre dans tout ça ? Et bien ce dernier partage avec les FabLabs la volonté d’être un outil de diffusion et de partage de la connaissance.
Alors, un rapprochement entre ces laboratoires d’un nouveau genre et le monde de l’édition est-il possible ?
Rien n’est moins sûr.
Premièrement parce que les FabLabs sont, très, très, rarement équipés pour imprimer ou relier. L’iMAL (interactive Media Art Laboratory), centre d’appropriation de technologies numériques, accueille le premier FabLab bruxellois. Son directeur, Yves Bernard se montre circonspect sur le rapprochement entre l’édition et les FabLabs : « Non seulement nous ne sommes pas équipés pour ce type de travail, mais je ne connais aucun FabLab ayant les moyens techniques pour ce genre d’exécution« . Charles-Albert de Medeiros, gérant du FabLab de Lille, n’est pas plus convaincu : « J’ai entendu que certains laboratoires le faisait, mais je ne pourrai pas vous dire où« . Bien. Yves Bernard enfonce le clou : « en fait, il n’y a aucune demande« . Ça a le mérite d’être clair.
Le livre cadenassé
Mais pourquoi cette absence de demande ? Probablement une question de droit et de propriété intellectuelle.
Les FabLabs fondent leur activité sur des fichiers plans numériques en open-source, accessibles à tous et librement modifiables, qui circulent entre-eux.
Open-source, libre accès, modifiable … voilà des mots qui font frémir les éditeurs ! À l’heure des DRM et autres systèmes de protections des fichiers, les FabLabs nagent à contre-courant.
Ou peut-être est-ce l’inverse. À l’heure où tous les sites internet intègrent des boutons « partager » pour diffuser les contenus, les éditeurs s’interrogent et souhaitent protéger leur savoir-faire. Quitte à manquer des opportunités.
Restent les textes libres de droit, tombés dans le domaine public. Il ne faudrait néanmoins pas que le progrès se fasse sans les éditeurs.
Non, décidément, avec les verrous actuels, les livres ne sont pas prêts à faire leur entrée dans les laboratoires numériques.
Martin Boonen
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— Martin Boonen