Les communautés de lecteurs : entre production littéraire et marketing en ligne

Avant internet, il y avait les clubs de lecteurs qui permettaient aux fans d’être tenus au courant des actualités de leurs auteurs favoris. Avec l’émergence du web 2.0, ces clubs ont trouvé un nouveau média à même de contribuer à l’épanouissement des communautés de fans et à la multiplication exponentielle de leurs activités. Depuis peu, les lecteurs ne se limitent plus aux simples partages d’avis concernant les œuvres qu’ils chérissent mais se lancent également dans la production de contenus divers, une évolution qui ne manque pas d’interpeller les acteurs du marché du livre. Focus sur cette production née de la passion des lecteurs de « mauvais genres ».

Les communautés de fans se constituent autour de membres passionnés par une même œuvre, actifs sur les réseaux sociaux, les blogs ou encore les forums de discussions en ligne. Elles se créent autour de genres tels que la fantasy et la science-fiction, lesquels mettent en scène des univers parallèles et décalés susceptibles d’être augmentés à l’infini par des lecteurs enthousiastes. Les exemples les plus connus sont les sagas de Twilight, Harry Potter et Narnia mais aussi les trilogies de Hunger Games et du Seigneur des Anneaux, soit certains des livres les plus lus dans le monde.

Ces communautés regroupent chacune des dizaines de milliers de fans, inscrits gratuitement sur les sites dédiés à leurs héros favoris. Il s’agit avant tout de structures bénévoles dont les membres s’accordent sur un sujet commun, objet de toutes leurs discussions et activités.

Le web a permis à ces communautés, auparavant très passives, de se structurer et de se réapproprier l’univers de leurs héros. Aujourd’hui, nombreuses sont les productions de telles communautés, à commencer par les fan-fictions. Véritables prolongements de l’histoire originale imaginés par les lecteurs mordus, ces écrits apocryphes se multiplient, soutenus par des lecteurs désireux de donner une forme à leur élans créatifs. C’est entre autres le cas pour Twilight, dont le nombre de fan-fictions a véritablement explosé, au point que les producteurs de la saga ont décidé d’exploiter le nouveau concept d’Amazon Kindle Worlds, une plateforme de mise en vente de fan-fictions, afin de créer leur propre outil de diffusion, Outlier Digital. Cet outil permet aux fans de Twilight de commercialiser leurs textes et d’être ainsi reconnus. Leur production légitimée, ils peuvent dès lors inscrire leurs touches personnelles dans l’univers qu’ils admirent tant. Le tout permet d’augmenter la visibilité de la saga et de renforcer l’engagement des lecteurs.

Si les fan-fictions ne portent a priori pas atteinte aux droits d’auteurs, les communautés de fans peuvent cependant être à l’origine de l’apparition de contenus illégaux. Les meilleurs exemples sont sans doute ceux des tomes d’Harry Potter. En 2011, une version ebook payante du premier tome de la saga, apparemment identique au livre original et difficilement détectable sur le web, fut mise en ligne par un fan qui en avait modifié subtilement l’intrigue afin de rendre l’histoire plus sombre. Il n’y eut pas de réelles suites à cette affaire, la question du plagiat se posant dans le cas d’une reproduction non-intégrale et modifiée de l’oeuvre existante.

Les traductions non-officielles des titres de la série constituent une autre dérive. Ce fut notamment le cas en France, au Venezuela, en Chine et en Allemagne. Pendant que les éditeurs étrangers mettaient au point des traductions officielles des tomes de la saga, les fans, pressés de lire la suite des aventures de leur sorcier préféré, cherchaient des alternatives en mettant au point des traductions artisanales dans leurs langues d’origine. Ces traductions ont été retirées de la vente et certains de ces fervents lecteurs ont été poursuivis en justice par les éditeurs.

Les productions des communautés de fans sont non seulement de plus en plus nombreuses mais semblent également avoir un réel impact sur le marché du livre puisqu’elles élargissent la visibilité de ces univers particuliers. Elles sont intimement liés aux succès de certains genres littéraires qualifiés parfois de littérature populaire et permettent aux auteurs et à leurs sagas de gagner en audience. Les productions dérivées, officielles ou non, ont-elles représenté un manque à gagner pour les auteurs ? A priori, on peut penser que non, les fans étant tellement dévoués à ces livres qu’il y a fort à parier que les traducteurs-fraudeurs d’Harry Potter aient bien été les premiers à faire la file à la librairie la nuit de la sortie du dernier tome. Il est pourtant fondamental que les éditeurs accordent de l’attention à ces productions, tout d’abord pour protéger leurs œuvres et leurs droits mais aussi pour profiter de cette nouvelle forme de notoriété et connaître les opinions de leurs lecteurs.

En effet, dans une économie web basée sur le référencement des pages, les communautés de fans représentent d’ailleurs un avantage certain pour les auteurs et leurs éditeurs qui peuvent compter sur leur soutien pour la diffusion de leurs titres. Elles constituent donc l’un des leviers les plus efficaces du marketing en ligne, capable de déclencher un véritable bouche-à-oreille et de faire les succès de demain.

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— Stéphanie Michaux

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Stéphanie Michaux

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