Laurence Housiaux des éditions Luc Pire : « chaque livre est un débat »
Laurence Housiaux a repris la direction des Editions Luc Pire en 2011 dont l’un des principaux axes éditoriaux est le domaine politique. La maison d’édition belge a en effet publié les écrits des politiques Guy Spitaels, Paul Magnette ou Céline Fremault. Tournée très tôt vers le numérique, Laurence Housiaux nous parle du rôle de l’éditeur de livres politiques et de ses premiers développements digitaux.
À l’heure où Internet permet un accès rapide et illimité à l’information, quel rôle l’éditeur peut-il encore jouer en publiant des livres politiques ?
Avec Internet, vous êtes submergé d’informations qu’il faut sans cesse vérifier. Je pense que ce qui est important pour un éditeur, c’est le fond. On ne peut pas se limiter aux ressources web. Nous publions la plupart du temps des essais de moins de 200 pages qui abordent des sujets précis. Selon moi, chaque livre est un débat. On peut toujours retenir telle ou telle phrase qui aurait pu être mieux formulée, mais on ne peut pas réduire le sujet à quelques petites citations polémiques, comme c’est souvent le cas avec Internet. Selon moi, l’éditeur apporte une réelle plus-value, car il permet au lecteur de s’arrêter et de s’interroger, de faire passer un message de manière complète et de transmettre une réflexion aboutie. Un livre ne se fait pas en deux mois, c’est un processus très lent. Il n’empêche qu’on peut concilier les deux : glaner l’information sur Internet de manière rapide et prendre un livre pour réfléchir sur un sujet.
Votre catalogue compte un certain nombre de livres politiques. Allez-vous à la rencontre des hommes politiques ou est-ce surtout eux qui sont à la recherche d’éditeurs?
Nous avons une collection « Politique et Société » plutôt bien fournie. Nous éditons deux types de livres politiques. Il y a ceux écrits par des politiciens et ceux des politologues. De manière générale, les hommes politiques recherchent avant tout un espace d’expression plus long sur un sujet déterminé, qu’une interview télé ou papier ne permet pas toujours. L’édition d’ouvrages politiques découle souvent de concours de circonstances. Au cours d’une rencontre, nous abordons tel ou tel sujet et nous décidons alors de publier un livre.
Les ouvrages politiques que vous sortez correspondent-ils toujours à l’actualité ? En fonction de cela, quelle est la durée de vie moyenne de ces ouvrages ?
Nous publions trois à quatre livres politiques par an. Il s’agit soit de travaux en rapport avec l’actualité, comme par exemple à l’occasion des prochaines élections européennes, soit d’essais qui traitent de sujets plus généraux, comme ce fut le cas avec Paul Magnette. Nous éditons tout au long de l’année des ouvrages à caractère politique qui ne coïncident donc pas toujours avec l’actualité. C’est sans doute pour cela que leur durée de vie ne se limite pas à un, deux ou trois mois. Cela peut parfois être assez long. On ne sait jamais à l’avance. Prenez par exemple l’une de nos dernières parutions sur le PTB. Nous en parlerons jusqu’aux élections et encore bien après.
Vous publiez également vos livres en numérique. Quelle est votre expérience vis-à-vis de ce nouveau canal de vente ?
Nous nous sommes lancés dans le numérique en 2011 et depuis, je dois avouer que je ne vois guère d’évolution auprès du public belge. Tout notre catalogue est en numérique, à l’exception des beaux livres qui impliquent une autre réflexion éditoriale. Pour ma part, je trouve que ce n’est pas encore très porteur. En termes de ventes, cela reste anecdotique, que ce soit pour les livres politiques, de société ou les romans. Je vends quelques livres en France, mais très peu à l’étranger. Pour faire connaitre nos titres en numérique, nous avions lancé avec le quotidien Le Soir une opération de promotion où des ebooks étaient offerts aux lecteurs, mais l’initiative ne s’est pas révélée concluante. Je pense qu’il y a un travail qui doit être fait de notre côté en ce qui concerne la promotion de nos ebooks mais il est également certain que les lecteurs belges ne sont pas encore passés au digital. Le numérique n’en est aujourd’hui qu’à ses balbutiements ; néanmoins on voit clairement une évolution en ce qui concerne les ventes papier de l’eshop.
Comment envisagez-vous l’avenir des Éditions Luc Pire en numérique ? Pensez-vous que le numérique peut se constituer en circuit parallèle à l’édition traditionnelle ?
Ce qui m’intéresse dans le numérique, c’est le fait de pouvoir offrir une pérennité au livre sous une autre forme, sans passer par la réédition. Ainsi, son espérance de vie est augmentée. De même, si je sais qu’un tirage papier n’est pas envisageable pour un ouvrage qui ne va peut-être pas bien se vendre, je pourrai me tourner vers le numérique pour ne l’éditer que sous format ebook. Je n’ai pas encore tenté l’expérience, mais ce serait sans aucun doute très intéressant. Je trouve aussi que l’impression à la demande présente de réels avantages pour l’éditeur.
Qu’est-ce qui vous pose actuellement question dans le numérique ?
J’essaie de me tenir au courant de l’évolution dans le domaine. Ce que je voudrais surtout améliorer au niveau du numérique, c’est le côté diffusion et promotion de mon catalogue. Comment savoir à qui s’adresser pour faire connaître ses ebooks et les rendre accessibles par exemple aux expatriés belges ? Je pense que cette question devrait être approfondie par les éditeurs afin de mieux cerner les enjeux et opportunités du numérique.
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— Stéphanie Michaux