La TVA sur le livre numérique

Si le livre papier bénéficie d’un taux de TVA réduit, ce n’est pas le cas du livre numérique. Le point sur la position de différents acteurs en Europe et l’action des éditeurs belges.


Les livres sont des produits de première nécessité : afin de les rendre accessibles à un public le plus large possible, ces produits bénéficient d’un taux de TVA réduit. En Belgique, la TVA d’application pour les livres est donc de 6%, contre 21% en général. Par contre, les livres numériques sont eux considérés comme des services et, à ce titre, ne bénéficient pas d’un taux de taxation réduit. En Belgique, par exemple, les livres numériques sont taxés à 21%. À titre comparatif, le même taux s’applique chez nous à la télédistribution. Dans une directive datant de 2009, les instances européennes ont autorisé les États membres à élargir le taux réduit aux livres présentés sur d’autres types de support physique que le papier (comme un CD, un DVD ou une clé USB)… à l’exclusion toujours des services fournis par voie électronique, dont le contenu numérisé de livres téléchargés et autres publications électroniques!

La France a cependant outrepassé le cadre de la directive. Le livre numérique dans l’Hexagone est donc taxé à 5.5%, c’est-à-dire au même taux que le livre papier. Le Luxembourg applique également un taux réduit au livre numérique, cette fois de 3%. Serait-ce là un des facteurs qui aurait pu inciter le géant Amazon à s’installer au Grand-Duché ? Sans doute… En effet, pour le moment, la TVA qui s’applique est celle du pays d’origine, et non celle du pays de destination. Les plateformes préfèrent donc vendre leurs livres numériques au taux luxembourgeois de 3% qu’au taux belge de 21%…

À l’horizon 2015 cependant, la donne changera : le taux de TVA d’application sera celui du pays où le livre est acheté. « Cela simplifierait de beaucoup la charge administrative entraînée par toute transaction intercommunautaire » opine Luca Venanzi, à la tête des Éditions Edipro. Bernard Gérard, directeur de l’Association des Éditeurs Belges (ADEB), est du même avis. Amazon, par contre, ne doit pas trouver la perspective tellement réjouissante : l’entreprise milite dès à présent pour un taux bas et uniforme à travers tous les 28 États membres.

Bernard Gérard se montre peu séduit par cette dernière prise de position d’Amazon : « une uniformisation complète des taux de TVA en Europe ?  Ce n’est pas pour tout de suite… dès lors que les états veulent  conserver  en cette matière une certaine marge de manœuvre et de souveraineté ». L’ADEB estime donc, en collaboration avec la FEE (Fédération des éditeurs européens), que la fixation des taux de TVA doit être laissé à l’appréciation des États membres mais que ceux-ci doivent être équivalents pour le livre papier et le livre numérique. En Belgique, les livres, qu’ils soient numériques ou sous format  papier, seraient dans ce cas de figure taxés à 6%. Bien sûr, certains états pourraient craindre de voir diminuer les recettes qu’ils tirent, ou tireront, des livres numériques. À cela, Bernard Gérard répond en s’appuyant sur les chiffres d’une étude du consultant Gfk, réalisée à la demande du Syndicat national de l’édition (SNE), l’homologue français de l’ADEB et de la VUV. Cette étude semble démontrer qu’en France, la baisse des recettes due à une TVA moins élevée sur le livre numérique est compensée par la croissance de la demande ainsi boostée. « Il faut prendre cette décision aujourd’hui tant que le livre numérique est en phase de développement, ce qu’atteste son chiffre d’affaires en croissance d’année en année. Une telle décision politique stimulera le marché : c’est ainsi que le manque à gagner sera compensé rapidement, au fil de l’augmentation de la demande », insiste Bernard Gérard.

De façon générale, l’ADEB et son homologue flamand, la Vlaamse Uitgevers Vereniging (VUV), mènent depuis plusieurs années ensemble un travail de fond afin d’obtenir une équivalence des taux de TVA entre les livres aux formats papier et numérique. Les autorités belges, comme Elio Di Rupo ou Koen Geens, ont réagi positivement aux demandes des éditeurs. Dès lors, la Belgique est un des États membres de l’Union européenne qui défend au sein du Conseil européen la position de la France et du Luxembourg et encourage les autres États à faire pression sur la Commission européenne afin de faire bouger les choses. Et, du côté de l’ADEB toujours, on note avec intérêt que la présidence européenne italienne a mis le point à l’ordre du jour.  Affaire à suivre donc!

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Crédit photo: edilivres.com

— Sibylle Greindl

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