Ulyces ou le journalisme narratif

Ulyces édite en numérique des histoires vraies. Un exemple de journalisme qui prend plaisir à raconter et se donne le temps de faire découvrir.


«Nous sommes de grands lecteurs de la presse américaine». «Nous», c’est une bande de copains de tous horizons : Julien a étudié la littérature et la philosophie, un autre le cinéma, d’autres encore le journalisme ou la sociologie. «Et nous nous sommes dits que nous n’étions sans doute pas les seuls à apprécier ce journalisme narratif, et à avoir envie de le retrouver sur le marché francophone». Au terme d’un an de réflexion, cette intuition de fervents lecteurs a abouti à un projet bien concret : la maison d’édition numérique Ulyces. Les histoires qui y sont publiées veulent intéresser et informer leurs lecteurs ; elles se nourrissent de faits tout à fait exacts ; elles sont libres de l’urgence propre à l’actualité brûlante ; aussi, « les récits que nous sélectionnons sont ceux qui nous accrochent dès le début et dont on va lire jusqu’au dernier mot » raconte Julien. Il explique que « jusqu’ici, nos journalistes-auteurs sont venus nous trouver parce qu’ils avaient rencontré quelqu’un qui avait une histoire à raconter ». Une histoire vraie donc, qui donne à connaître une réalité scientifique, géographique, sociale, historique, mais une histoire qui ne trouve pas sa place dans les colonnes de la presse quotidienne.

Dans les histoires selon Ulyces, ceux qui vivent les faits sont présents dans la relation de ces mêmes faits. C’est souvent le cas aussi dans le reportage anglo-saxon. Au détriment de l’objectivité ? Pas nécessairement : ces acteurs de l’histoire, tout subjectifs qu’ils soient, sont ceux qui accrochent le lecteur et l’emmènent par le texte au cœur des faits. Au lecteur ensuite de se forger, comme et s’il le désire, un avis éclairé par ces faits. Notons au passage que les journalistes-auteurs s’offrent aussi à la rencontre avec les lecteurs sur le site d’Ulyces.co : ils ont un visage, des «followers» et quelques lignes qui donnent un aperçu de leur parcours. Une façon comme une autre de comprendre l’origine de l’histoire et son trajet vers le public, en passant par celui ou celle qui l’a mise en mots.

« Notre matière première, c’est le texte. Il a toute primauté ». Avec cette dernière affirmation, Julien formule ce qui transparaît de l’ensemble de notre échange et du site lui-même. L’écran est là comme un vecteur au service du texte et de ses lecteurs. On navigue intuitivement d’une histoire à l’autre, d’un chapitre à l’autre. Les images et le texte se déploient au format paysage. Les photos aussi, « sauf sur les écrans de téléphones : la version mobile est une version adaptée à un petit écran, où le texte ne peut pas trop être interrompu par des photos ». Les histoires sont pour le moment vendues à la pièce et à l’abonnement : « nous pensons qu’il y a des lecteurs pour chacun de ces deux modèles : nous voulons qu’ils soient libres de choisir l’une ou l’autre formule pour accéder aux histoires ». Pas d’histoires à lire en feuilleton, tout simplement parce que « nos textes actuels ne s’y prêtent pas, ils sont faits pour être lus en une fois ». Séduira, séduira pas? On verra bien : « nous sommes les premiers à tenter cette aventure par ici… »

Le site, Ulyces.co, est en ligne depuis août 2014. Le lancement officiel a lieu ce mois de septembre. L’équipe part « sur une voilure très basse », riche de ses propres fonds et des idées glanées à travers ses recherches sur les innovations dans les médias et la presse. Elle donne un an à son pari. Ce qui donne envie de parier sur cette aventure ? Le fait qu’elle soit pensée par une génération de « digital natives », qui tirent parti de l’écran pour mieux servir le texte, qui donnent toute sa place au téléphone comme support de lecture. Mais aussi le fait que lecteurs, texte et auteurs y vivent ensemble une expérience ; que le projet ait attiré des journalistes de haut niveau qui allient une plume vive à la connaissance pointue d’un domaine et qui sont conscients de la nécessité de se construire un public enthousiaste ; enfin, que Ulyces fasse fi de cette idée que « à petit écran, contenu limité », de plus en plus éprouvée par la réalité du marché. Bref, si l’heure est bel et bien au contenu, à l’expérience et au mobile, l’aventure a certainement déjà du vent dans les voiles!

Ailleurs sur la toile:

Le journalisme à l’ère du smartphone – en anglais, sur Wired

Ailleurs sur Lettres numériques:

Le téléphone, nouveau support de lecture

— Sibylle Greindl

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