L’édition belge s’allie à Worldreader pour lutter contre l’analphabétisme et l’illettrisme en Afrique francophone

Comment vivre, voire survivre, sans éducation ni culture ? Comment se cultiver et s’éduquer si l’on ne sait pas lire ? Une question cruciale lorsque l’on sait qu’environ 740 millions de personnes sont analphabètes à travers le monde et qu’environ 10 % de la population belge est concernée. Or, si le problème se révèle déjà difficile à régler dans les pays développés, comment mettre à disposition des pays défavorisés les outils nécessaires ? Pour Worldreader et quelques éditeurs belges, la réponse se trouve, entre autres, dans le numérique.

Le projet Worldreader

À l’heure actuelle, 740 millions de personnes sont analphabètes et environ 250 millions d’enfants en âge d’entrer à l’école primaire ne disposent d’aucune compétence de lecture et d’écriture. Or, selon une étude récemment publiée par l’UNESCO, la lecture permettrait dans une certaine mesure d’améliorer les conditions de vie, voire de briser le cycle de pauvreté.

Fondé en 2009 par deux anciens employés d’Amazon, le projet Worldreader, dont nous vous parlions il y a quelques semaines, a pour objectif de combattre l’analphabétisme à travers le monde, et plus particulièrement dans les pays défavorisés, grâce à la lecture numérique (au moyen d’un smartphone via une application, ou grâce aux liseuses). L’initiative a très vite remporté un gros succès et le catalogue de Worldreader compte aujourd’hui près de 30 000 ebooks et est disponible dans pas moins de 69 pays. Si les titres disponibles actuellement sont principalement en langue anglaise, l’équipe de Worldreader essaye aujourd’hui de récolter des ebooks dans d’autres langues, notamment dans des langues locales, car leurs lecteurs se trouvent principalement en Afrique.

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Un engouement partagé

Sous l’impulsion de Primento, distributeur et diffuseur ebook basé à Bruxelles, plusieurs maisons d’édition belges telles que Lemaitre Publishing, les éditions Caramel, Ker éditions ou encore les éditions Nevicata ont choisi de mettre à disposition une partie de leurs titres et ont accueilli le projet avec enthousiasme. Pour Stéphanie Dagrain, éditrice chez Lemaitre Publishing, Worldreader constitue « l’occasion rêvée de mettre les ressources de notre profession à disposition d’une œuvre caritative dont la mission nous touche particulièrement. Alors que dans notre société les livres inondent les librairies, en Afrique la réalité est toute autre. Comment pouvons-nous rester inactifs lorsque l’on sait qu’une école sur deux en Afrique ne dispose pas de livres ? ». Xavier Vanvaerenbergh, fondateur de Ker éditions, rejoint cette pensée et se réjouit de pouvoir toucher un nouveau public à travers Worldreader : « Il ne s’agit évidemment pas d’une réflexion commerciale. Je dirais même : il ne s’agit pas d’une pensée humanitaire, mais du bonheur de savoir que ces étincelles qu’en tant qu’éditeur, on insuffle dans le monde, vont avoir l’occasion de se confronter à l’imaginaire de nouveaux lecteurs ». Et d’ajouter que Worldreader s’inscrit tout à fait dans l’ambition sociale de Ker et qu’il serait ravi d’accueillir d’autres projets similaires. Les éditions Caramel, spécialisées dans les contenus pour enfants, sont également ravies de pouvoir prendre part au projet et n’en sont pas à leur coup d’essai en Afrique : « On est allés en Afrique centrale pour promouvoir la lecture (Rwanda, RDC). On voudrait travailler avec eux. On vend des livres pas chers pour la petite enfance et qui pourraient donc les intéresser. Actuellement, nous n’avons pas encore trouvé (à part en Côte d’Ivoire) de partenaire sur le terrain, mais on est preneurs », nous explique Jean-Luc Dubois, co-fondateur de la maison.

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Numérique et/ou papier, « tous les moyens sont bons »

Pour les fondateurs de Worldreader, le numérique constitue un moyen privilégié pour lutter contre l’analphabétisme en Afrique, où l’utilisation des smartphones est très répandue. Et l’organisation ne s’arrête pas là puisqu’elle met également à disposition des écoles et différentes communautés des liseuses. Stéphanie Dagrain rejoint tout à fait cette vision et estime que le numérique représente une excellente alternative au papier, que les coûts élevés et les difficultés de stockage rendent très problématique dans les pays en voie de développement. Pour Jean-Luc Dubois, numérique et papier comportent tous les deux des avantages et des inconvénients et les deux doivent être utilisés de manière complémentaire. Quant à Xavier Vanvaerenbergh, il affirme que si le format numérique à proprement parler n’est pas forcément le meilleur moyen de lutter contre l’analphabétisme, il constitue toutefois une « belle occasion de toucher des populations nouvelles, moins favorisées, vivant dans des régions où l’infrastructure culturelle occidentale traditionnelle – maillage de librairies et de bibliothèques par exemple – est moins développée » et permet de diffuser plus facilement et plus largement des contenus.

C’est donc avec joie que les éditeurs belges rejoignent ce projet et ajoutent leur pierre à l’édifice. Si le partenariat est pour l’instant dans sa phase de test, l’objectif est bien de le prolonger par la suite et de grossir le catalogue francophone. À suivre, donc.

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— Mélissa Haquenne

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Mélissa Haquenne

Digital Publishing Professional