Rencontre avec Cyril Labordrie, responsable de la promotion de l’EDRLab, siège européen de la Fondation Readium

Peut-être avez-vous entendu parler de Readium, projet mentionné à plusieurs reprises dans Lettres Numériques, sans pour autant en définir clairement les contours. Nous avons interrogé cette semaine Cyril Labordrie, responsable de la promotion de l’European Digital Reading Lab, siège européen de la Fondation Readium et de l’IDPF, depuis juillet 2015.

Pouvez-vous présenter en quelques mots le projet Readium ? Pourquoi a-t-il été créé ?

Pour rappel, l’IDPF (International Digital Publishing Forum) est une association américaine dont la mission est de définir le standard du livre numérique, en l’occurrence l’ePub. La Fondation Readium, association également située aux États-Unis, a été créée pour implémenter le standard, c’est-à-dire qu’elle travaille à fournir des technologies permettant de lire des livres numériques, en se basant sur la définition du format par l’IDPF. Ces deux associations ont pris conscience de leur caractère américanocentrique et ont estimé qu’il fallait également développer des antennes en Europe et en Asie. En juillet 2015, le siège européen de Readium s’est installé au sein de Cap Digital, membre fondateur de l’EDR Lab (Européen Digital Reading Lab) ayant pour objectif de promouvoir l’industrie numérique en Île-de-France mais aussi ailleurs. Pierre Danet, directeur Innovation et Technologie Numérique du groupe Hachette Livre s’est fortement impliqué dans cette association, en partant du constat que cela ne pouvait être que bénéfique à l’industrie du livre numérique européenne. Les éditeurs membres fondateurs de l’EDRLab sont EditisHachette, Madrigall et Média Participations. Les autres membres fondateurs sont Cap digital, le Cercle de la librairie et le Syndicat National de l’édition. L’association European Digital Reading Lab, dont le directeur technique est Laurent Le Meur, est financée par le Ministère des Finances, et le Ministère de la communication. Ces ministères financent des actions EDRLab à portée Européenne. L’IDPF a accueilli de manière positive l’installation du siège européen de Readium au sein des bureaux de Cap Digital, pôle de compétitivité mis en place depuis une dizaine d’années afin de réunir un maximum d’acteurs du monde de l’économie digitale et qui a pour mission d’œuvrer pour l’ensemble des acteurs impliqués dans le livre numérique.

Quel est votre rôle au sein de Readium ?

Au sein du projet Readium, mon rôle est de faire la promotion du travail de l’association. Nous sommes régulièrement invités dans des salons où il y a un intérêt pour l’ebook. Je me suis d’ailleurs récemment rendu à Madrid pour présenter le travail réalisé par Readium. Nos partenaires étaient satisfaits de cette présentation car le format ePub n’est apparemment pas très répandu en termes d’usage en Espagne. Ces rencontres permettent donc de montrer à l’industrie de tous les pays d’Europe qu’il existe un standard. Nous tentons d’identifier les pays dans lesquels l’usage n’est pas encore répandu et où les formats d’Amazon sont actuellement majoritairement utilisés. Nous travaillons avec un maximum d’acteurs à travers l’Europe pour les informer des évolutions de l’ePub, un travail de standardisation qui a commencé depuis un certain temps et auquel chacun peut participer.

Quels sont les domaines d’action de Readium ? Quels outils ont été mis en place ou sont en cours de développement ? 

La première grande mission que nous avons pris à bras le corps dès la définition des tâches au sein du projet Readium a été le travail sur les DRM. Nous avons compris que le principal frein à l’utilisation de l’ebook résidait dans les contraintes liées à la DRM d’Adobe notamment. Pour pouvoir lire un ePub téléchargé, il faut préalablement s’être inscrit sur le site d’Adobe et y posséder un compte. Tout le monde n’est pas technophile. Pourquoi devoir s’enregistrer avant de pouvoir consulter l’ebook acheté ? Nous avons donc développé la DRM LCP (Light Content Protection). Il ne s’agit pas d’une DRM « light » au sens strict du terme : elle n’est pas plus légère que la DRM d’Adobe mais plus fluide dans son utilisation. Nous sommes d’ailleurs en train de réfléchir à une nouvelle appellation de cette protection pour éviter la confusion. La définition de la spécification LCP est déjà terminée et en phase d’implémentation. Elle sera complètement utilisable dans le courant de l’été.

D’un autre côté, Readium s’est penché sur l’ePub 3, standard qui permet de l’interactivité contrairement à l’ePub 2 : répondre à des questionnaires, jouer à des jeux, etc. Nous avons observé un manque de fiabilité de la technologie pour ce format. C’est la raison pour laquelle nous sommes aujourd’hui en train de définir les spécifications de l’ePub 3.1. (Jusqu’à maintenant, nous en étions à l’ePub 3.0. je dirais). L’objectif est de fiabiliser la technologie. Pour ce faire, nous récoltons un maximum d’ebooks qui ne sont pas opérationnels à 100%, présentant notamment des problèmes d’affichage. Nous estimons que 30 à 40% des ePub 3 ne sont actuellement pas lisibles et que 60% sont pour l’instant fonctionnels. Notre objectif : passer à 0% de bug.

Les prochaines missions de Readium n’ont pas encore été définies. Nous reportons cette décision à plus tard afin que les nouveaux membres de l’association puissent participer à la réflexion concernant les tâches suivantes.

Pensez-vous que cette DRM va pouvoir détrôner l’actuelle DRM d’Adobe assez contraignante pour le lecteur ?

C’est le but. Le mot « Light » signifie que nous souhaitons rendre l’expérience utilisateur la plus légère et fluide qui soit. La DRM LCP n’implique pas toutes ces contraintes d’enregistrement sur un site tiers. Un livre acheté par une personne et lu sur 50 liseuses sera bien entendu identifié comme un livre copié et le lecteur n’aura dès lors plus accès à l’ebook. Cependant, l’usager sera beaucoup plus libre et accédera plus facilement au contenu de son ebook, contrairement à ce que la DRM d’Adobe propose.

Pensez-vous que l’arrivée de cette nouvelle DRM va permettre aux lecteurs de sortir d’écosystèmes fermés et propriétaires tels qu’Apple et Amazon ?

C’est également le but. Concernant Amazon, il s’agit d’un autre format, propre à la librairie. Apple utilise quant à lui l’ePub auquel il ajoute sa propre DRM. Par contre, un ePub 3 sans DRM peut parfaitement être lisible sur un support Apple, ce qui est déjà plus évident pour l’usager. Au final, le but est qu’un ebook acheté sur une plateforme puisse être utilisé sur n’importe quelle autre plateforme.

Pour information, Cap Digital organise le festival Futur en Seine, dont la prochaine édition aura lieu du 9 au 19 juin 2016. L’événement permettra la mise en avant de sociétés actives dans le domaine du numérique. Cette année, l’un des grands thèmes abordés sera celui de la connexion entre sport et numérique. Les professionnels s’intéresseront à tous ces gadgets qui proposent de mesurer les performances des sportifs pour ensuite les partager sur les réseaux sociaux. Retrouvez toutes les informations sur le site de l’événement.

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— Gaëlle Noëson

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Gaëlle Noëson

Digital publishing professional