La question des formats sur le marché du livre numérique
L’équipe de Lettres Numériques a assisté au mois de juin dernier à une conférence réunissant Denis Zwirm, dirigeant de Numilog, distributeur et diffuseur français d’ebooks, et Gregorio Pellegrino, représentant la maison d’édition italienne Effartà Editrice. M. Zwirm nous a présenté un historique des formats utilisés sur le marché du livre numérique depuis vingt ans tandis que M. Pellegrino, ingénieur informatique, a mis en lumière les alternatives au format ePub et la place que la blockchain pourrait prendre dans ce secteur en mutation.
Omniprésence du format ePub
Lors de la conférence Readmagine 2018 qui s’est tenue en juin dernier à Madrid, Denis Zwirm, dirigeant de Numilog, distributeur et diffuseur d’ebooks français, a présenté un historique des formats utilisés pour les livres numériques depuis vingt ans. C’est en 1999 que l’entreprise a commencé à distribuer des fichiers PDF, un des premiers formats utilisés pour l’édition numérique et qui reste courant aujourd’hui, principalement usités dans le monde académique, mais aussi pour la bande dessinée.
Depuis dix ans, les professionnels du secteur de l’édition numérique utilisent le format ePub, qui a pour objectif d’être un format standard. Ce dernier a connu plusieurs évolutions au cours des dernières années, passant du format ePub 1 à l’ePub 2, puis à l’ePub 3. Si le format ePub est le format majoritairement utilisé dans l’édition numérique à l’heure actuelle, on le retrouve aussi dans d’autres secteurs ; certaines entreprises traitent en effet leurs dossiers internes en utilisant ce format.
Selon Denis Zwirm, la standardisation du format ebook présente cinq avantages :
- l’interopérabilité, qui rend son utilisation possible entre professionnels du secteur ;
- la possibilité de créer des ebooks qui s’adaptent à tout support, soit des ebooks reflowable ;
- la possibilité de respecter des mises en page complexes ;
- la possibilité de créer des ebooks enrichis grâce à l’ePub 3, ce qui offre une véritable valeur ajoutée par rapport au format papier ;
- la possibilité d’étendre son utilisation à d’autres secteurs.
Un format ePub 3 peu exploité
Cependant, ce sont aujourd’hui les formats ePub 1 et 2 que privilégient les professionnels du secteur, qui ne semblent pas ressentir le besoin de passer à l’ePub 3, comme en atteste le faible nombre d’éditeurs à proposer un catalogue enrichi, soit un catalogue en réalité augmentée ou avec des vidéos intégrées. De plus, le marché est assez confus à l’heure actuelle, car il n’y a pas de format prédominant parmi ceux évoqués ci-dessus. Par exemple, l’ePub 3.2 est en chemin alors que de nombreux PDF sont encore produits.
La question de la DRM
La question de l’interopérabilité est donc un chantier encore en travaux. À cela s’ajoute la question suivante : Digital Right Management ou pas ? La DRM, cette protection appliquée aux ebooks qui empêche le piratage de leur contenu, est sujette à polémique depuis quelques années. Bien qu’elle fournisse un suivi des téléchargements du livre et protège les droits de l’auteur, les différentes versions ne sont pas harmonisées au niveau du marché du livre numérique. Ce manquement découle principalement du fait que les revendeurs (Amazon, KOBO, Apple, etc.) travaillent en écosystème fermé et ne s’accordent pas sur la question. La responsabilité d’offrir une protection de l’œuvre revient-elle donc aux distributeurs de livres numériques ou aux revendeurs ? Est-ce finalement la blockchain qui endossera ce rôle ? Pour rappel, la blockchain, dont nous vous parlions déjà ici, est une nouvelle technologie permettant d’enregistrer des transactions d’achat réalisées par ce biais et de répartir ainsi les revenus à qui de droit. Ces applications possibles sont nombreuses : secteur bancaire, notariat et droits d’auteur. À nouveau, les professionnels du secteur ne se sont pas concertés sur la question et la gestion des droits dans l’édition numérique n’est pas encore homogène.
Danger des « publications web » ?
Enfin, selon Gregorio Pellegrino, ingénieur informatique, le format ePub ne devrait plus beaucoup évoluer pour les livres dans le commerce (il faut entendre par là les livres grand public), tandis que le secteur académique continue à travailler en PDF. Selon M. Pellegrino, la question des formats ne revêt pas d’enjeux commerciaux, car il est très aisé de passer d’un format à un autre. On peut tout de même s’interroger sur l’existence des « publications web ». L’ePub repose en effet sur du code HTML et CSS, ce qui s’apparente à une page web. N’importe qui pourrait donc être à même de publier des ebooks sans passer par le biais d’un prestataire technique ou d’un distributeur. Si cette nouvelle forme de publication de contenu permet de se passer d’un ou deux acteurs de la chaîne de valeur de l’édition numérique, elle pourrait cependant engendrer une bataille commerciale.
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— Nathalie Debusschere