Benjamin Hoguet : la coopération est la clé de la création transmédia

Benjamin Hoguet est auteur et concepteur d’œuvres interactives et transmédia. Ce spécialiste est intervenu, le 15 décembre dernier, dans le cadre de la première journée du cycle « Du livre à la propriété transmédia : développer un véritable storyworld » organisé par l’ADEB et le PILEn. Pour Lettres Numériques, il revient cette semaine sur son parcours et son expérience des nouveaux médias.

Pourriez-vous décrire brièvement votre parcours ?

J’ai fondé une agence de presse, un média en ligne spécialisé dans le journalisme d’investigation, mais j’ai ensuite choisi de changer d’orientation professionnelle. C’est alors que j’ai fait la rencontre de personnes qui mettaient au point un logiciel d’aide interactif et j’ai travaillé à ce projet pendant trois ans. Finalement, il y a deux ans, je me suis lancé comme auteur et concepteur indépendant dans les domaines du transmédia et de l’interactivité.

Pourriez-vous expliquer en quoi consiste exactement le transmédia ?

Il s’agit d’une stratégie de diffusion de contenu qui impacte la chaîne de diffusion et de distribution. Une même base, un univers de fiction par exemple, va être déclinée sur différents supports et via divers médias (livres, films, jeux vidéo, applications mobiles, etc., ndlr). Cette démarche permet de compenser certaines limites de la logique mono médiatique observée depuis quelques années, dans laquelle l’audience est décomposée et les usages diversifiés. Une même idée de départ est donc traitée en fonction de chaque support, intrinsèquement différent, et pourra ainsi donner lieu à des expériences différentes.

J’ai par exemple travaillé à ce que l’on appelle un accompagnement d’antenne pour le monde de l’audiovisuel, c’est-à-dire la création d’un support parallèle et complémentaire pour le documentaire Le dernier Gaulois qui a été diffusé sur la chaîne publique France2. À partir du même socle, j’ai œuvré au développement d’une BD interactive consacrée à l’un des personnages du documentaire qui détaille plus longuement sa vie. Le projet est d’ailleurs toujours accessible en ligne (pour tester l’expérience, c’est par ici).

Le dernier gaulois 2

Comment le livre, papier ou numérique, peut-il être inclus dans une œuvre transmédia ?

Il y a deux possibilités. Soit un projet qui vient d’un autre monde que celui de l’édition est diffusé sous la forme d’un livre, et toute une dynamique doit être mise en place pour y parvenir. Soit c’est un produit du domaine de l’édition qui est décliné sous d’autres formes, comme la série de BD Lastman (des éditions Casterman, ndlr) qui a été adaptée en jeux vidéo et en animations pour la télévision. Le plus important dans ce processus est toujours l’ouverture vers d’autres formes de création et vers d’autres créateurs.

Qu’apporte le transmédia à la narration ?

Les canons narratifs des divers supports ne sont pas fondamentalement remis en cause, mais une couche de création est ajoutée pour lier l’ensemble. Cela passe par le développement d’un univers narratif, une superstructure qui englobe l’ensemble des histoires racontées et propose quelque chose de cohérent à décliner.

Existe-t-il un marché pour les projets transmédia ?

Il existe autant de marchés que de médias qui constituent l’expérience transmédia. Les projets sont soutenus par des modes de financement et de monétisation existants pour chaque canal. En outre, une série de ressources particulières et spécifiques à la création transmédia et aux nouveaux médias ont été mises en place, pour financer le développement global du projet.

Il est vrai que les œuvres transmédia nécessitent toujours un financement un peu plus complexe à structurer et qui demande plus de moyens. Une bonne solution est d’envisager la collaboration avec des acteurs d’autres secteurs : si les enjeux ne sont pas simples à maîtriser, ils sont réalisables en prenant le temps de construire à plusieurs et de manière concertée.

Benjamin-HoguetQuels conseils donneriez-vous à un auteur ou un éditeur qui souhaite se lancer dans l’aventure ?

Mon premier conseil serait de s’intéresser à ce qui a déjà été fait, de s’informer via différentes sources. Ensuite, il est indispensable de se confronter à des créateurs et des producteurs qui sont issus d’autres mondes pour imaginer ensemble une œuvre transdisciplinaire. Par exemple, les éditeurs peuvent se tourner vers des auteurs qui viennent de milieux différents et envisager la manière de transposer leur univers sur d’autres plateformes ou supports. Il faut faire la démarche d’aller à la rencontre d’autres professionnels, notamment grâce aux événements organisés dans cette optique. Le principe du monde dans lequel je travaille est celui de la coopération, tout dépend des interlocuteurs.

Quels sont vos projets pour le futur ?

Je travaille en ce moment à un projet sur le harcèlement en ligne, qui allie la diffusion d’un documentaire télévisuel et d’une fiction sur les appareils mobiles, via le réseau social Snapchat. Je continuerai ensuite à œuvrer à d’autres projets pour amener ce genre de thématiques dans le débat public. Je poursuis également la publication d’écrits professionnels sur les nouveaux médias (tels que Créer et produire pour les nouveaux médias, Le Pouvoir narratif des interfaces et Interactivité et transmédia : les secrets de fabrication, ndlr).

Propos recueillis par Loanna Pazzaglia

— Loanna Pazzaglia

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