Le numérique en mal de femmes

L’association Digital Ladies & Allies a remis ce mercredi 6 mars 2019, deux jours avant la Journée internationale des droits des femmes, un livre blanc, Mixité & performances numériques, à Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État français en charge du numérique. Merete Buljo, présidente fondatrice de l’association, était présente lors de la cérémonie à l’ECV Digital, l’école numérique et du Web à Paris. Le livre blanc est un ensemble de réflexions, de bonnes pratiques et de recommandations en vue de favoriser et d’équilibrer la place des femmes dans le numérique et ses métiers. La cérémonie a donc mis à l’honneur les femmes du monde numérique.

Digital Ladies & Allies

Cette association, fondée en août 2018 par Merete Buljo, a pour objectif d’atteindre l’égalité femme-homme dans le numérique ainsi que d’apporter son soutien aux innovations technologiques au bénéfice de l’humain (Tech for Good). Elle rassemble plus de 200 experts et compte une quinzaine de partenaires parmi lesquels l’on retrouve : Engie, Lagardère, Allianz France, etc.

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Quelques chiffres alarmants

Cela fait plus de 30 ans que le numérique a explosé, créant de nouveaux emplois et de nouveaux marchés. Ce secteur recrute énormément au sortir des écoles, mais, 80 % du temps, ce sont des hommes qui y trouvent leur place. De façon générale, le monde numérique ne comporte que 33 % de femmes et, parmi elles, 75 % occupent des postes tels que les ressources humaines, l’administration, la finance, la communication, etc. Peu d’entre elles sont à l’origine de nouvelles technologies telles que l’IA ou encore la robotique. Ces innovations germent dans un milieu très masculin. Selon Mounir Mahjoubi : « Si peu de femmes dans le numérique, c’est grave ! »

Un autre indicateur marquant est le faible pourcentage de femmes qui créent des start-up tech : elles ne sont que 10 %. De plus, de nombreux emplois vont être supprimés pour créer de nouveaux postes qui se situeront dans le domaine des STIM (sciences, technologie, ingénierie, mathématiques). Ce milieu ne comporte que 19 % de femmes. La femme est donc, de façon générale, sous-représentée dans le milieu du numérique.

À quoi cette situation est-elle due ?

Selon Salva Toko, présidente du Conseil national du numérique et membre d’honneur de l’association, plusieurs facteurs permettent de comprendre l’origine de ce déséquilibre :

  • à la fin des années 1970, il y avait beaucoup de femmes en informatique. Ces codeuses y avaient trouvé leur place, car le métier était alors affilié à la sténographie. Puis, lorsque l’on s’est rendu compte que l’ordinateur était un outil très puissant, la communauté masculine a investi le domaine ;
  • la science-fiction a principalement mis en avant des héros masculins, avec pour conséquence de « genrer » le domaine en faveur des hommes ;
  • l’apparition des ordinateurs personnels, bien souvent à destination des garçons, leur a permis de jouer, d’appréhender cet outil pour finalement s’y investir professionnellement très naturellement.

Les Digital Ladies & Allies estiment quant à elles que cela est dû à la société dans son ensemble, à certaines barrières psychologiques possiblement intégrées par les femmes ou encore à cause d’une forme de sexisme culturel. Dans tous les cas, ces différents facteurs ont amené une situation de déséquilibre dans le domaine. Selon l’association : « Si nous n’agissons pas, il y a un vrai risque de marginalisation accrue des femmes. »

Quelles solutions ?

Le livre blanc (disponible ici) a pour objectif l’inclusion en impliquant le gouvernement, les entreprises et le peuple. L’association et ses partenaires estiment en effet que la diversité ne peut être que bénéfique dans le numérique, la technologie devrait selon eux refléter la société. Le livre blanc comporte quatre axes principaux :

  • l’éducation ;
  • la formation ;
  • la visibilité ;
  • l’attractivité.

Il donne à voir de nombreuses propositions sous forme de témoignages (près de 150) pour changer les choses. Parmi ces propositions se situent de possibles solutions au problème :

  • créer des jeux d’éveil au numérique dès le plus jeune âge pour donner envie et ainsi dépasser certains stéréotypes ;
  • créer des prix dédiés aux femmes dans le numérique ;
  • user de la discrimination positive pour atteindre un quota de 40 % de femmes ;
  • etc.

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Attention cependant à la discrimination positive qui, bien que positive, n’en reste pas moins de la discrimination. D’autres projets visent à améliorer la situation :

  • Salwa Toko propose d’accompagner les femmes lors des levées de fonds, car elles ne représentent que 10 % des bénéficiaires ;
  • Digital Ladies & Allies va organiser des actions similaires sur les scènes Tech de la France et de l’Europe pour valoriser les rôles féminins ;
  • Mounir Mahjoubi souligne que, dès la rentrée 2019-2020, un module « Sciences numériques et technologies » fera partie du tronc commun en seconde.

C’est avant tout par l’éducation que l’on peut espérer équilibrer la situation. Comme l’affirme Mounir Mahjoubi : « […] les filles vont avoir les mêmes notes que les garçons, et peut-être même des meilleures. » Il ajoute à cela que « tout le monde sera alors habitué à voir des filles fortes en informatique dès le lycée ». Le monde numérique change en effet constamment et fait face à de nouveaux challenges. Les Digital Ladies & Allies estiment que « la France devra intégrer tous les talents pour relever les énormes challenges technologiques ».

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— Jean Cheramy

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