La Bibliothèque d’urgence d’Internet Archive attaquée pour violation de droit d’auteur

Internet Archive a lancé pendant le confinement une Bibliothèque d’urgence, considérée comme pirate par le secteur de l’édition.

L’offre proposée par Internet Archive

Le site Internet Archive, fondé par une ONG américaine en 1996, est une plateforme d’archivage de contenus numérisés, proposant, entre autres, musiques, vidéos et ouvrages en tous genres, formats et langues. Concernant les livres, ceux-ci proviennent de bibliothèques partenaires du projet.

Depuis 2006, Internet Archive a numérisé environ 1,5 million d’ouvrages, principalement non disponibles au format ebook, et a mis en place un système dit de « prêt numérique contrôlé ». Le lecteur s’inscrit sur la plateforme et choisit le livre qu’il souhaite emprunter gratuitement. Il est alors éventuellement mis sur liste d’attente puis dispose de l’ouvrage pour deux semaines. Ce dernier se verrouillera ensuite automatiquement, afin d’empêcher une nouvelle lecture ou un transfert.

Concernant les livres relevant du domaine public, pas de problème. La situation se corse en revanche pour les ouvrages protégés par le droit d’auteur, qui constituent en réalité la majorité du contenu mis en ligne sur la plateforme. Pas de contrats de licence d’exploitation, donc, et pas non plus de rémunération pour les auteurs et les éditeurs.

Mais ce n’est pas tout, car, pendant le confinement, Internet Archive a décidé de repousser encore plus loin les limites du droit d’auteur.

Un état d’urgence du livre

À la fin du mois de mars, alors que bibliothèques et librairies étaient fermées, Internet Archive a donc décidé d’élargir ses services et propose, jusqu’à la fin de la situation de crise, une Bibliothèque d’urgence. Le but est pédagogique, notamment pour aider les étudiants.

Toujours gratuite, cette dernière permet le prêt d’ouvrages, mais cette fois-ci sans file d’attente. Plusieurs personnes peuvent donc consulter un même livre simultanément, ce qui est d’autant plus dérogatoire.

De nombreuses maisons d’édition, et notamment Hachette, Penguin Random House et HarperCollins, ont porté plainte devant la Cour de district de New York contre Internet Archive pour piratage d’ouvrages protégés. Sont demandés la cessation de l’activité illégale, la suppression des contenus piratés, ainsi que des dommages-intérêts équivalents aux pertes engendrées pour l’industrie du livre.

… justifiant une violation du droit d’auteur ?

Certes, l’état d’urgence provoqué par la pandémie de coronavirus a permis aux gouvernements de différents pays de prendre des mesures exceptionnelles. En aucun cas cependant, Internet Archive n’a été autorisé à passer outre les régulations de propriété intellectuelle pour scanner en masse des ouvrages protégés. En effet, il s’agit, avec celui de Google Books, de l’un des plus grands projets de numérisations connus à ce jour. La plateforme bénéficie des moyens, soit environ 150 millions de dollars gagnés en dix ans, pour numériser jusque 3 000 ouvrages par jour.

De son côté, Internet Archive affirme que ses pratiques entrent dans le cadre du fair use (usage raisonnable), qui peut justifier, aux États-Unis, des écarts au droit d’auteur, notamment pour des raisons éducatives. Cette exception justifierait ainsi l’absence d’autorisation des auteurs pour la numérisation de leurs ouvrages et leur mise en ligne gratuite.

La plateforme soutient également que les prêts ne sont pas en libre accès, et pourtant, pour s’inscrire, seule une adresse mail est demandée. Parallèlement, dans son communiqué du mois de mars, Internet Archive incite les lecteurs à soutenir leur librairie locale, s’ils le peuvent. Aussi, il est précisé que tout ayant droit peut demander le retrait de son œuvre de la plateforme.

Finalement, l’issue de l’affaire reste incertaine, surtout à la suite du procès de Google Books, auquel la justice américaine avait donné raison.

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— Nausicaa Plas

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