Karoo, la mutation d’une revue littéraire vers le web et le mook

En mars dernier, la revue de critique littéraire  Indications a laissé la place à Karoo, une plateforme web assortie de deux mooks semestriels. Lorent Corbeel, son rédacteur en chef, revient avec nous sur cette évolution logique, ses lecteurs, son équipe de rédacteurs et le futur de Karoo.

Indications est une association, soutenue par la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui a pour objectif d’éveiller l’esprit critique des jeunes. Après avoir revu le format de la revue Indications il y a trois ans, pourquoi avoir radicalement et si rapidement changé la formule ?

La nouvelle formule d’Indications voulait s’inscrire dans la continuité. Le concept ne changeait pas mais on avait fait un formidable travail sur l’objet avec les moyens du bord. On voulait s’adapter à notre public tout en continuant à proposer un magazine littéraire de qualité qui leur correspondait. Mais très vite, nous avons été confrontés aux écueils de toutes les revues littéraires actuelles : un public de niche, un lectorat qui se réduit et des budgets limités. Indications s’adressait depuis toujours à un public très pointu avec des goûts littéraires très affirmés. La revue n’est pas facile à vendre et l’on ne pouvait pas se permettre d’imprimer l’intérieur en couleurs par exemple.

Cette nouvelle formule nous a permis de contrer l’érosion du lectorat, de redynamiser la formule sans pour autant connaitre un boom spectaculaire des ventes. Au bout de trois ans, on a compris que cela serait compliqué d’aller à la rencontre de notre public-cible avec la formule actuelle. De là est né Karoo, une plateforme web assortie d’une publication semestrielle.

Comment avez-vous mené votre réflexion ?

Nous nous sommes rendus compte que les ventes en librairies étaient très compliquées et que l’abonnement fonctionnait bien pour le moment mais que nous ne pouvions brader les prix ou offrir des cadeaux à nos membres comme les grands groupes. Nous sommes avant tout une association qui est un service pour la jeunesse et notre revue est un outil. Notre objectif social, c’est développer l’esprit critique.

De plus, notre public de lecteurs est surtout un public de curieux qui s’intéressent à d’autres pans de la culture. Ils aiment lire mais s’intéressent aussi aux arts, à la musique, au théâtre et bien d’autres. Nous organisions beaucoup d’évènements en ce sens et nous avions aussi lancé des revues dans les domaines du théâtre et du cinéma. Il fallait mettre en place un média plus adapté pour redynamiser nos actions, ouvrir nos horizons et remplir notre mission de service à la jeunesse sans pour autant délaisser le papier.

Pourquoi le web convient-il parfaitement à votre démarche ?

On avait toujours fait du papier, il était hors de question de cesser d’en faire mais on en connaissait ses limites (coût d’impression, périodicité, distribution réduite, etc.). Le web au contraire ouvrait de nouvelles portes et de nouveaux possibles. On a réfléchi à la meilleure formule. On ne voulait pas proposer de webzine ni de site d’auto-publication. Il était essentiel qu’on continue à exercer notre rôle pédagogique et la promotion de l’esprit critique. Notre rédaction est composée de professionnels et nous appliquons à chaque article un filtre éditorial. S’il le faut, nous soutenons les jeunes rédacteurs avec un soutien pédagogique, nous retravaillons les articles avec eux et nous travaillons deux ou trois fois leurs versions.

Karoo, c’est une démarche collective qui conserve cet esprit de revue avec des articles qui se répondent et qui reflètent notre ligne éditoriale sans pour autant fermer des portes. De nombreux rédacteurs nous ont accompagnés dans cette mutation et ils peuvent utiliser notre plateforme comme un blog ou comme une vitrine pour leur propre blog. Vous pouvez découvrir leurs profils sur notre site. Ils ont des sensibilités et des âges différents, ce qui fait aussi notre richesse.

En quoi ton travail de rédacteur en chef a-t-il évolué du papier vers le web ?

Mon travail a beaucoup changé avec la mutation d’Indications vers Karoo. Avant, mon rythme était calqué sur celui des publications papier avec des périodes de rush au moment des bouclages (cinq fois par an) suivies de périodes plus calmes. À présent, le rythme de travail est beaucoup plus continu. Mon travail quotidien s’articule autour de plusieurs piliers. Bien entendu, je fais mon travail de rédacteur en chef mais je suis aussi devenu un animateur de communauté. Avec le lancement de Karoo, nous avons beaucoup communiqué sur les réseaux sociaux. C’était très important pour nous d’installer la nouvelle identité de Karoo. Quitte à être un peu trop présents au début, nous voulions que les gens notent le changement.

Et puis, enfin, je coache les rédacteurs et je dois les recruter. Le lancement de la nouvelle formule a eu un effet très enthousiasmant : de nombreux nouveaux rédacteurs ont soumis leurs candidatures. Il faut maintenant aller à la rencontre d’autres potentiels rédacteurs surtout dans les universités belges via les professeurs, les kots à projet et les cercles.

Avec Karoo, nous souhaitons également mettre en place des partenariats avec des structures existantes qui publient des articles ou des fanzines et leur donner plus de visibilité et un soutien pour plus de pérennité.

Quelle est la place du papier dans cette nouvelle configuration ?

Karoo paraitrait deux fois par an sous la forme d’un mook dont le premier numéro sera disponible le 14 mai. Comme le site, les champs d’investigation de nos rédacteurs seront étendus à la musique, au cinéma et d’autres domaines que la littérature. L’offre numérique et papier se veulent complémentaires et le papier a un vrai rôle à jouer dans notre démarche. Il a des atouts que le numérique n’a pas et inversement. Le numérique nous permet de sortir de notre bulle, de disposer d’une meilleure viralité et d’attirer un nouveau public. Le papier présentera les meilleures créations et articles de notre site avec une cohérence éditoriale plus marquée. Le papier a des vertus pérennes que le numérique n’a pas. On ne lit pas en numérique comme en papier. La mise en page n’est pas là même et on n’accorde pas non plus la même valeur aux deux supports. On fait donc le pari de se renouveler tout en n’excluant pas le rôle essentiel du papier.

Vous êtes étudiants et vous aimez écrire, n’hésitez pas à soumettre votre candidature pour rejoindre l’équipe de rédaction de Karoo.

— Stéphanie Michaux

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Stéphanie Michaux

Digital publishing professional