L’auto-édition à la française : Librinova

L’auto-édition gagne du terrain chez les anglophones et s’installe dans notre paysage éditorial. Quels changements dans son sillage?

En 2013, l’auto-édition américaine démontre, chiffres à l’appui, qu’elle n’a rien d’un feu de paille : de 2012  à 2013, le nombre de livres auto-publiés a crû de 17%. Les titres au format papier ont bondi de 29% : le papier permettrait aux auteurs auto-édités d’atteindre une audience plus vaste. Détail intéressant, 75% du marché américain de l’auto-édition est aux mains de trois sociétés, Smashwords, CreateSpace et Lulu…

Pendant ce temps en France

Laure Pretelat et Charlotte Allibert

À la même époque, l’auto-édition commence à faire parler d’elle de notre côté de l’Atlantique. Laure Pretelat et Charlotte Allibert sont alors respectivement directrice générale et responsable du développement numérique aux Éditions First-Gründ. Elles y voient s’échouer une masse de manuscrits et sentent venir la tendance de l’auto-édition. « C’est le moment de lancer une plate-forme d’auto-édition numérique sur le marché français », se disent-elles. De collègues, elles deviennent alors associées et lancent « Librinova » en mars 2014, une plate-forme d’auto-édition.


« Au Salon du Livre [2014], nous voyons que les auteurs sont de plus en plus au courant de l’auto-édition, et qu’elle les intéresse de plus en plus » raconte Charlotte Allibert. La plate-forme Librinova se veut donc au service des auteurs. Librinova assure la conversion au format e-book et la diffusion aussi via les sites de 97 libraires qui vendent au numérique. Jusqu’à la millième vente, 100% du revenu de ces ventes revient à l’auteur : « ce sont vous, les auteurs, qui faites votre propre succès » insiste Charlotte Allibert. À partir de 1000 ventes, la plate-forme retient 10% des ventes. Sur les 170 livres publiés cette première année, deux ont dépassé le seuil des 1000 ventes et un autre s’en approche. Librinova ne sélectionne pas, publie quasiment tout ce qu’elle reçoit et travaille à promouvoir au maximum ses auteurs.

Pour peaufiner leur manuscrit, les auteurs peuvent choisir de recourir à des services payants de relecture, de communication, de conception de la couverture. « Plus de la moitié de nos auteurs optent pour des services payants. C’est de là, d’ailleurs, que nous tirons la plupart de nos revenus. On sent cette demande pour un service « clé-sur-porte » » détaille Charlotte Allibert. Il arrive que des auteurs, lisant les commentaires de leurs lecteurs (« il y a trop de fautes d’orthographe » ou « la fin est un peu décevante »), choisissent d’amender leur texte, éventuellement avec l’aide d’un correcteur. « Ça, c’est un avantage du numérique: un auteur peut retravailler son texte et, quasi immédiatement, le mettre à nouveau à la disposition du public ».

Lorsqu’un livre auto-édité est plébiscité par le lectorat, les deux fondatrices enfilent leurs casquettes d’agents littéraires. Elles tâchent de dénicher un contrat d’édition aux chouchous des lecteurs, en contactant des maisons d’édition au calibre de ces livres. Après une petite année d’existence, « trois auteurs en bénéficient déjà et deux sont en attente ». Les maisons d’édition, qui rentrent à ce stade dans le jeu, apportent une certaine visibilité et une reconnaissance autre aux auteurs. Ceux-ci verront peut-être leurs livres au format papier en piles sur les tables de la librarie d’à côté : « nous croyons que l’édition doit regarder vers l’auto-édition, c’est un vivier à talents du futur. Notre bonne et grande surprise de cette première année, c’est d’avoir découvert beaucoup de manuscrits d’excellente qualité ».

Librinova innove en France mais, une chose est claire pour les fondatrices, « nous voulons que notre système s’intègre dans l’écosystème traditionnel des auteurs, des maisons d’édition, des librairies » déclare d’emblée Charlotte Allibert. Librinova intègre tous ces acteurs au fil du circuit de ses livres. Au passage, elle bouscule leurs rôles : avec Librinova, le bon auteur est aussi un auteur informé ; le lecteur est aussi un lecteur critique ; les correcteurs extérieurs accomplissent la mission pour laquelle ils sont payés ; les maisons d’édition donnent à voir à travers les canaux qu’elles connaissent. Et Librinova met en réseau tous ces fragments du livre!

Si vous voulez en savoir plus sur les chiffres américains de l’auto-édition, lisez le rapport 2013 de Bowker. Et si vous voulez voir de plus près Librinova, c’est par là.

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L’auto-édition gagne du terrain chez les anglophones, comme mentionné dans l’article « Le marché britannique de l’ebook« .

— Sibylle Greindl

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