Le Salon du Livre de Genève a 30 ans : rencontre avec Isabelle Falconnier

Du 26 avril au 1er mai, se tiendra le Salon du Livre et de la Presse de Genève. Focus sur l’un des plus grand salons du livre francophone qui se développe d’année en année, avec notamment la mise en place d’Assises de l’édition, consacrées pour la deuxième année à la thématique du numérique. À l’occasion des 30 ans de l’événement, Lettres Numériques a rencontré Isabelle Falconnier, présidente du Salon.

Pouvez-vous revenir brièvement sur l’histoire du Salon de Genève ? Comment le salon s’est-il développé et quelle est sa particularité ?

Le salon a été créé il y a 30 ans par un éditeur Suisse : Pierre Marcel Favre, directeur des Éditions Favre. Il y a une petite dizaine d’années, Monsieur Favre a revendu son salon à Palexpo, Palais des expositions et Congrès de Genève, et une nouvelle organisation s’est mise en place. J’ai été nommée présidente en 2011, tandis que la directrice du Salon, Adeline Beaux, exerce sa fonction depuis 2009. Le Salon de Genève s’est développé petit à petit pour devenir une manifestation mixte, à savoir tant un Salon qu’un Festival. La dimension « Salon » demeure bien entendu présente avec la présence des éditeurs, libraires et institutions qui gèrent leurs espaces propres. J’aime dire que nous avons augmenté la définition du mot « Salon » pour proposer aux visiteurs un « Salon-Festival ». Ce qui fait selon moi sa particularité, c’est la programmation décuplée. Cela passe entre autres par la tenue d’une dizaine de scènes thématiques accompagnées de librairies que nous mandatons. Ces différentes scènes sont programmées par nos soins et par des programmeurs spécialisés qui travaillent en collaboration avec nous.

En quoi consiste votre travail de présidente ? Quelles sont les initiatives développées par le Salon ?

En tant que présidente, je suis responsable du contenu culturel du Salon (présence des auteurs, expositions, spectacles littéraires, scènes thématiques, etc.). Je participe notamment au développement d’un programme de mentorat qui s’intitule « Parrains & Poulains » qui a pour objectif de promouvoir les jeunes plumes. Nous avons également mis sur pied le Prix du Salon du livre de Genève. Toutes ces initiatives ont été lancées dans le but de faire du Salon un prescripteur, un véritable acteur du monde culturel et pas seulement une structure accueillante.  Chaque année, nous nous posons cette question : que pouvons-nous amener de nouveau pour favoriser toujours plus la médiation littéraire ? Rencontres d’auteurs, ateliers d’écriture, expositions facilitent cette médiation. Cette année, nous proposons d’ailleurs une grande exposition sur l’œuvre de Paulo Coelho.

Comment se présente le Salon ? Quelle est la nouveauté cette année ?

Aujourd’hui, quand vous entrez dans le salon, vous passez d’un espace thématique à un autre avec les scènes polar, philo, bande dessinée, jeunesse, psycho-santéla place du voyage, etc. Ces espaces thématiques n’ont pas été choisis au hasard. La Place suisse par exemple permet de mettre en lumière la dynamique accrue des auteurs et éditeurs de Suisse francophone et la Scène du crime, dédiée au polar, attire de nombreux lecteurs, férus de ce genre littéraire prédominant. Nous nous tenons à l’écoute des domaines éditoriaux plébiscités. Cette année, nous avons d’ailleurs ouvert l’espace Young Adult pour les 15-25 ans, avec la collaboration de la booktubeuse Margaud Liseuse. Il y a aussi « La Fabrique« , espace 100% interactif qui propose des activités ludiques sur l’écriture mais aussi la cuisine des livres avec dédicaces de livres et réalisation de recettes en direct. Nous souhaitons que le Salon de Genève soit à l’image des lecteurs. C’est la raison pour laquelle nous faisons volontairement le grand écart entre des scènes très différentes. Personne ne lit que des essais, que du polar ou que de la BD. Nous lisons tous un peu de tout. Le visiteur se plonge ainsi dans un univers total, où la Francophonie est mise à l’honneur pendant 5 jours, avec notamment le pavillon des cultures arabes mais aussi l’espace dédié à la littérature africaine.

Quels sont les rendez-vous dédiés aux professionnels dans le cadre du Salon ? Pouvez-vous nous dire un mot sur l’édition 2016 des Assises de l’édition francophone ?

Le Salon du livre de Genève est avant tourné vers le grand public. Il est cependant évident que les professionnels du livre présents souhaitent échanger entre eux. Depuis l’année dernière, nous voulons faciliter ces échanges autour de thèmes qui agitent l’univers professionnel de l’édition de manière plus aiguë (voir notre article sur les Assises de l’édition francophone 2015). L’édition suisse a des spécificités et un fonctionnement particulier dû au plurilinguisme du pays. La place de la Suisse dans la francophonie est également une question qui intéresse les professionnels du livre. Et puis, il y a évidemment le numérique qui est sur toute les lèvres et qui continue à générer davantage de questions que de réponses dans tous les domaines (droit, diffusion, marketing). Les Assises de l’édition francophone, qui se tiendront pour la deuxième année consécutive au Palexpo, permettront d’approfondir ces questions. Le mercredi 27 sera consacré à l’espace francophone et aura pour thème « Le numérique et les métiers de l’édition : panacée ou enfer ? ». Le jeudi 28, il s’agira de comprendre si l’édition en Suisse doit être repensée et/ou adaptée au vu des évolutions contemporaines, des nouveaux modes de communication et habitudes de lecture. (Retrouvez ici la programmation complète)

Où en est le marché du livre numérique en Suisse ?

Je ne suis pas éditrice mais, en tant que journaliste littéraire, j’ai pu observer le domaine de l’édition. Selon moi, la réflexion des Suisses vis-à-vis du livre numérique est assez proche de celle des Français et des Belges. Personne n’est contre l’ebook. Il s’agit d’un outil de plus mis à la disposition des professionnels du livre.  La grande question aujourd’hui concerne le passage des activités non numériques aux activités numériques. Que perd-on et que gagne-t-on ? Pour l’instant, il est difficile de déterminer ce que l’on gagne et d’autres interrogations émergent : que représente le numérique en terme d’investissements en temps, argent, personnes et compétences pour maîtriser le marché de A à Z ? Pour de petites équipes, les moyens ne sont pas toujours là. Qu’en est-il aussi de la réglementation au niveau du prix de l’ebook et du droit d’auteur ? Comme en France et en Belgique, les discussions sont en cours.

Ces questions n’empêchent toutefois pas les professionnels de se lancer. Les librairies par exemple s’y sont mises : Payot, la plus grande chaîne de librairies en Suisse francophone, propose des offres couplées papier et numérique. Après avoir acheté votre livre en librairie, vous recevez un lien par mail qui vous permet d’accéder à la version numérique de l’ouvrage. Cela permet de réaffirmer le rôle de prescripteur du libraire. Il y a malgré tout une marge de progression encore importante pour l’intégration du numérique dans l’accès au livre. Du côté des éditeurs, il y a uTopie, première maison d’édition jeunesse 100% numérique qui vient tout juste de se créer. L’éditrice, Camille Poussin, viendra présenter ses livres à l’espace jeunesse du Salon. Là encore, le lien entre papier et numérique est maintenu puisque de petits fascicules, disponibles en librairie et utilisant la technologie du QR code, ont été conçus par la maison d’édition. Le lecteur peut ainsi être dirigé vers les livres d’uTopie sur le Web. Le projet permet à l’éditrice de ne pas se couper du public qui achète en librairie traditionnelle. Autre éditeur qui investit beaucoup dans le numérique : les Editions Eaux troubles, fondées par Mark Zellweger, auteur et éditeur spécialisé dans le polar/thriller.

Quels sont selon vous les marchés francophones en développement dans le secteur du livre numérique ? Est-ce que le numérique offre de nouvelles opportunités ?

Le mercredi 27 avril dès 13h30, la question « De l’utilité de la coédition à l’ère du numérique » sera abordée dans le cadre des Assises de l’édition francophone. Historiquement, pour aider les éditeurs basés en Afrique ou au Maghreb et permettre aux livres de leurs auteurs d’émerger sur le marché européen, un mouvement de « coédition solidaire » s’est créé. Dans l’autre sens, l’œuvre d’un auteur français pouvait également être diffusée en Afrique par exemple. La question est aujourd’hui la suivante : est-ce que le numérique est la panacée universelle ? Est-ce une réponse à toutes les inégalités éditoriales ? Évidemment que non. Une coédition numérique est-elle possible ? Quel que soit le support, des labels peuvent toujours être mis ensemble. Mais finalement, peut-on aujourd’hui considérer les discussions autour de la coédition comme caduques ?

Le numérique amène également des questions au niveau du marketing et de la communication. Une autre table ronde sera dédiée à l’impact du numérique sur le marketing éditorial. Comment intégrer les nombreuses possibilités qui s’offrent à l’éditeur et l’auteur (réseaux sociaux, communautés virtuelles, plateformes de lecture) dans la chaîne actuelle ? On engage qui pour faire ça ? Quel est le degré d’implication de l’auteur ? Joël Dicker, auteur de La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert (entre autres) viendra nous expliquer pourquoi il s’est mouillé personnellement en alimentant régulièrement sa page Facebook et en créant un lien personnalisé avec ses lecteurs.

Retrouvez le programme complet des Assises de l’Edition francophone ici.

Pour accéder aux événements organisés, c’est par ici et pour découvrir les différentes scènes thématiques, c’est par là.

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— Gaëlle Noëson

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Gaëlle Noëson

Digital publishing professional