Édition numérique au Canada : l’audiobook confirme son envol

BookNet Canada a publié il y a quelques jours une étude réalisée en ligne, qui recense les différents résultats de l’édition numérique canadienne pour l’année 2017 : l’entreprise a ainsi récolté les réponses de 54 éditeurs, parmi lesquels sont aussi bien représentés les grands groupes que les maisons d’édition plus modestes ou de niche. Le rapport confirme la tendance déjà observée aux États-Unis et dans certains pays d’Europe comme l’Italie et l’Allemagne : l’audiobook prend son envol tandis que les achats de livres numériques connaissent depuis deux ans un certain ralentissement, qui n’est pas pour autant synonyme de déclin. Retour sur les chiffres-clés de ce rapport.

Le numérique désormais incontournable

Au Canada en 2017, la production d’ebooks est repartie à la hausse après un léger recul en 2015 : la très grande majorité des éditeurs canadiens interrogés proposent aujourd’hui une offre numérique (94 %) et 2 % prévoient de l’ajouter à leur catalogue dans un avenir proche. Parmi les raisons qui poussent les maisons d’édition à se tourner vers le numérique, quelle que soit leur taille, on retrouve généralement en première place la volonté d’augmenter les ventes, suivies par la satisfaction des demandes des consommateurs, l’offre d’une meilleure accessibilité et la satisfaction des attentes des auteurs. À noter que la volonté d’offrir une plus grande accessibilité comme moteur à la numérisation des ouvrages a augmenté de 15 % depuis 2014, et se place en première position en ce qui concerne les plus grandes maisons d’édition. Comme en France où l’offre de livres enrichis à destination des personnes dyslexiques, malvoyantes ou malentendantes commence à se déployer, l’on constate donc que cette question se pose de plus en plus comme un enjeu central au Canada, auquel les maisons d’édition tâchent de répondre. Cette accessibilité facilitée concerne aussi le reste des consommateurs, à qui sont de plus en plus souvent proposées des fonctionnalités de reconnaissance vocale, par exemple.

Si les éditeurs canadiens détiennent quasiment tous un catalogue numérique, seuls 22 % d’entre eux proposent l’intégralité de leurs titres papier au format numérique ; ce chiffre baisse à 12 % en ce qui concerne la littérature jeunesse. Il semble que la numérisation concerne avant tout les ouvrages de fond, puisque 54 % des éditeurs affirment avoir converti leurs anciens titres au format digital.

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Ebooks enrichis : l’audio en tête

En ce qui concerne les ebooks enrichis (soit les ouvrages proposant en supplément un contenu audio ou vidéo), 54 % des répondants disent en produire actuellement ou envisager de le faire, tandis que 42 % n’en ont pas l’intention. Parmi les enrichissements proposés, l’audio arrive en première place et est développé par 100 % des éditeurs, au détriment de l’usage de la vidéo et des images interactives, qui représentaient 67 % des ebooks enrichis en 2014, contre 55 % aujourd’hui. Enfin, 55 % des éditeurs estiment que l’enrichissement des ebooks a un impact positif sur les ventes, contre 33 % seulement en 2014.

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Source : booknetcanada.ca

Le décollage de la production d’audiobooks

Comme sur le marché voisin des États-Unis, cette nouvelle pratique de lecture a le vent en poupe, puisque le secteur connaît une croissance nette et constante depuis trois ans, avec 61 % des éditeurs interrogés qui produisent aujourd’hui des livres audios, contre 16 % en 2015. La production se fait aussi bien en interne qu’en externe (respectivement 43 % et 40 %). Sans surprise, Audible (propriété du géant Amazon depuis 2008) figure en première place des plateformes de vente collaborant avec les maisons d’édition (70 %), suivi par Kobo (57 %), Apple (47 %), Audiobooks.com (33 %), Google Play (30 %) et Scribd (pas de chiffre disponible). La majorité des éditeurs sont confiants quant à l’avenir de l’audiobook : comme l’année précédente, qui avait déjà connu un boom, 73 % d’entre eux estiment que les ventes augmenteront, tandis que 23 % projettent qu’elles diminuent, contre 13 % en 2015.

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Source : booknetcanada.ca

L’ePub 3 à la traîne

Alors qu’en 2016, 72 % des éditeurs manifestaient leur intention d’adopter le format ePub 3, ils ne sont plus que 31 % en 2017. Une sérieuse chute à relativiser cependant, puisqu’elle s’explique en partie par le fait que 43 % d’entre eux l’ont adopté entre temps. Parmi les raisons qui motivent les éditeurs à ne pas se tourner vers ce format, la limitation des supports de lecture et des plateformes de vente arrive à la première place (29 %), suivie par son manque d’utilité pour l’éditeur comme pour le revendeur, et l’absence de ressources pour procéder à son installation. Nous vous expliquions déjà ici les cinq raisons qui empêchaient le développement de ce format, s’annonçant pourtant prometteur lors de son lancement.

Qu’en est-il des ventes de livres numériques ?

Tout comme le marché européen (cf. notre article sur ce sujet), le secteur du livre numérique canadien arrive lui aussi à un stade de maturité, mais les ventes restent cependant fructueuses : 20 % des éditeurs affirment qu’elles ont nettement augmenté, tandis que 45 % déclarent une croissance plus lente mais certaine. Seuls 10 % affichent des chiffres en baisse. Au final, 69 % des éditeurs ont vu leurs ventes augmenter ou stagner. Ils expliquent l’augmentation par les efforts marketing déployés, et la stagnation par la maturation du secteur. Les ventes s’opèrent toujours majoritairement en collaboration avec des plateformes de vente : Kobo (98 %) et Amazon (94 %) arrivent en tête, suivis par Apple, Barnes & Noble, Google Books, Scribd, Ebooks.com, etc. À noter : le développement des ventes via les souscriptions à un abonnement, qui représentaient 36 % en 2017, soit une augmentation de 9 % par rapport à l’année précédente.

Quel avenir pour l’édition numérique ?

Enfin, l’étude demande aux éditeurs de jouer les prévisionnistes pour l’horizon 2025 : ils demeurent prudents, en estimant à 70 % que les titres papier resteront dominants ; 20 % seulement estiment que le numérique aura pris le pas, contre 4 % qui croient en l’avènement des formats audio. Quant à l’idée qu’ils estiment la plus innovante, les avis sont partagés, se divisant entre le support multiformat (18 %), les modèles de production participative (13 %), l’enrichissement des ebooks (10 %), l’automatisation (8 %) et l’utilisation des réseaux sociaux (8 %). Parmi les domaines considérés comme les plus disruptifs dans le cadre de l’édition numérique, l’émergence de nouveaux modèles commerciaux et de l’autoédition arrivent en première place à égalité (30 %), suivis par la réalité augmentée (26 %), l’évolution des méthodes de vente (22 %) et l’utilisation des réseaux sociaux (20 %). Le développement du Big data ne convainc guère pour l’instant (7 %).

Les grands gagnants de la conversion de l’industrie du livre au numérique selon les éditeurs ? Amazon (72 %), les auteurs autoédités (63 %), les lecteurs (52 %), les plateformes de vente en ligne (37 %), puis les éditeurs, qu’ils fassent partie d’un grand groupe (30 %) ou soient indépendants (26 %).

Pour retrouver l’intégralité des chiffres de ce rapport d’une grande concision et les graphiques qui l’accompagnent, rendez-vous sur cette page.

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— Elisabeth Mol

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