Babelcube, un portail entre auteurs et traducteurs

Depuis son lancement en 2015, la plateforme Babelcube a déjà permis la traduction et la publication numérique de centaines d’ouvrages. Fondée sur un système de droits d’auteur, elle permet aux écrivains déjà publiés dans leur langue d’entrer directement en contact avec des traducteurs littéraires désireux de se faire la main. Ses fondateurs la présentent comme un moyen unique de faire voyager les livres à l’international. Mais qu’en est-il vraiment ? Lettres Numériques vous présente les avantages et les inconvénients de ce nouveau modèle de collaboration.

Le mode d’emploi

Babelcube a la particularité de mettre directement en contact les traducteurs et les auteurs, proposant à ces derniers une offre unique : la traduction gratuite de leurs ouvrages dans plus de 15 langues et leur diffusion au format numérique sur plus de 300 plateformes de vente à travers le monde. Pour les deux acteurs, le principe est d’une simplicité confondante : une fois inscrits en ligne, chacun fournit en quelques minutes les informations nécessaires. Pour l’auteur, il s’agira du prix et de la performance de vente du livre original, un extrait éventuel de 2 000 signes, et la preuve que le texte qu’il souhaite voir traduire est bien sa propriété. Pour le traducteur, une présentation brève de son profil, de ses langues de travail et de son site professionnel suffisent à valider son inscription. Chacun est ensuite libre de « faire son marché » parmi les nombreux traducteurs et auteurs présents sur le site. Lorsqu’un traducteur est sollicité (il le sera plus souvent s’il est bien noté après une première traduction réussie), il envoie un essai de traduction d’une dizaine de pages avant que l’accord soit officiellement conclu, Babelcube se portant garant de ce contrat virtuel. La traduction peut alors commencer !

babelcube_logo

Un système donnant-donnant ?

Nous l’avons mentionné au début de cet article, le travail de traduction en lui-même est gratuit : si l’auteur sort forcément gagnant de cet accord, cela ne signifie pas pour autant que le traducteur aura travaillé bénévolement. Cependant, étant payé en droits d’auteur, ses revenus dépendront entièrement du succès de vente de l’ouvrage. Pour avoir une petite idée des chiffres en jeu, prenons le cas d’un livre vendu à 1 $ : après déduction des commissions perçues par Babelcube et les plateformes de vente, il reste un montant approximatif de 0,40 $, dont l’auteur et le traducteur perçoivent respectivement 30 et 55 %. S’il a du flair, un traducteur peut donc gagner jusqu’à 500 € par mois, mais sa traduction peut aussi passer inaperçue et ne lui rapporter qu’une poignée d’euros…

Pourtant, pour les traducteurs débutants ou fraîchement diplômés, cette méthode peut présenter de véritables avantages : elle permet tout d’abord d’avoir le plaisir de voir publiés les livres qu’il traduit (ce qui, dans un marché aussi restreint que la traduction littéraire, représente déjà une victoire en soi), mais aussi d’acquérir une solide expérience sans passer par les circuits habituels, souvent très cloisonnés. Si la plateforme n’a pas forcément la même réputation qu’une maison d’édition traditionnelle, elle donnera certainement plus de poids à un CV encore fragile. De même, c’est l’occasion pour le traducteur de choisir le livre qu’il traduit, un luxe qu’il peut rarement s’offrir en début de carrière. De ce point de vue, les possibilités sont vastes sur Babelcube : œuvres de fiction en tous genres, livres de cuisine ou de marketing, libre au traducteur de faire sa sélection en fonction d’affinités littéraires ou d’un potentiel succès de vente. Enfin, la plateforme lui fournit, tout comme à l’auteur, une visibilité inédite, puisque que son nom est mentionné dans l’ebook qui sera diffusé sur des dizaines de boutiques en ligne. Autre petit plus : la possibilité d’interagir directement avec l’auteur en cas de problèmes de traduction, grâce à un système de messagerie intégré à la plateforme. Attention cependant : le travail de publicité autour de l’ouvrage, très important pour élargir sa diffusion, revient entièrement à l’auteur et au traducteur.

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Capture d’écran d’un compte Babelcube

Une relecture indispensable

En tant qu’auteur ou traducteur, vous devrez cependant prendre quelques précautions, car le site ne présente pas que des avantages. S’il faut bien sûr à nouveau mentionner le manque de revenus assurés pour le traducteur, nous alerterons surtout sur l’amateurisme que peut comporter une telle collaboration, et qui peut influer sur la qualité de la traduction et, in fine, nuire à l’auteur et à son ouvrage. En effet, aucune preuve de qualification n’est requise de la part du traducteur ; bien qu’un test de traduction préalable soit prévu, l’auteur seul ne pourra apprécier la qualité du travail proposé, puisqu’il n’est, dans la majorité des cas, pas natif de la langue traduite. Si cela ne signifie pas pour autant que toutes les traductions seront de mauvaise qualité (de nombreux traducteurs diplômés et compétents proposent leurs services sur le site), il faut néanmoins prévoir de faire relire votre texte par une personne compétente si vous êtes auteur.

Autre mise en garde : cet amateurisme peut également se retrouver à la prochaine étape de production du livre numérique, au moment de sa mise en page. Le texte étant converti tel quel au format ePub, certaines conventions typographiques ne seront pas respectées si le traducteur ne s’attèle pas lui-même à cette tâche pendant la phase de rédaction. À nouveau, une relecture avisée apparaît comme une garantie essentielle de qualité.

Si cette plateforme présente des avantages indéniables pour l’auteur comme pour le traducteur, il faut donc envisager son utilisation avec prudence et en toute connaissance de cause. Comme tous les services mettant directement en relation des particuliers, elle représente à la fois une formidable opportunité et un danger potentiel de précarisation professionnelle.

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— Elisabeth Mol

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